Il est indigne d’un sage précaire de critiquer les « assis », comme je l’ai fait, et de qualifier la position assise de « vulgaire ». J’en demande pardon aux lecteurs et je lance ici même les bases d’un éloge de cette position.
C’est d’abord celle du zig-zag, celle qui actualise tous les plis de notre squelette. Assis, l’homme se love dans les inflexions de la courbe que dessine son corps. C’est beau aussi, ces plis et ces zig-zag, et cela nous change de cette droiture toujours valorisée.
La position assise est la position anti-héroïque, et cela convient au sage précaire. Le personnage le plus anti-héroïque de la littérature, c’est Bartleby, d’Herman Melville. C’est en restant assis qu’il résiste au pouvoir écrasant de la machine administrative. C’est, en tout cas, en baissant la tête, en courbant l’échine, en jouant sur les inflexions de son corps, qu’il fait disfonctionner la hiérarchie. Bartleby, mon héros. « Ô, Bartleby. Ô, humanity. » Ainsi se termine la nouvelle de Melville, si étrangement.
Cela ouvre la porte à la grande littérature des assis, Franz Kafka en tête. Chez Kafka, les positions du corps sont très significatives, mais elles n’ont pas cette valeur univoque de symbole, qui voudrait qu’être assis renvoie nécessairement à l’obéissance et à la soumission, alors qu’être debout serait un signe de noble affirmation. La grande scène nocturne du Château où K., l’arpenteur géomètre, est assis sur le lit du grand fonctionnaire, est d’un burlesque délirant : là aussi, une machinerie administrative déraille par l’entremise d’une action maladroite et assise.
Les nomades sont de grands assis. Wilfred Thesiger parle très bien des Arabes assis, sur le bord de la piste. Dans le chef d’oeuvre qu’est Le désert des déserts, on ne voit que rarement les Arabes autrement qu’assis, sur leur bête ou au bord de feu. Cette phrase, reprise par Arnold Toynbee, puis par Deleuze plusieurs fois, caractérisent puissamment le nomadisme de l’homme assis dans le désert : « Ils ne bougent pas. »
Et puis et puis, il faut le dire, il faut terminer avec cela : tant de femmes sont belles, assises. Qu’elles croisent les jambes, ou qu’elles bombent le torse, ou qu’elles ramènent les pieds sous leurs fesses, ou qu’elles mettent sagement leurs jambes parallèles sur le côté en une torsion codée, elles s’assoient de mille manières. Certaines font l’amour assises, certaines dansent assises, certaines inventent de nouvelles façons de s’asseoir.
« Certaines font l’amour assises, certaines dansent assises, certaines inventent de nouvelles façons de s’asseoir. »
com/post: le SP se prend à rêver d’être une chaise. Parfois je me demande s’il est vraiment dans son assiette!
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Il a de la suite dans les idées le SP. par exemple dans les titres: un blog entre deux livres , suivi de éloge des assis. Le prochain billet pourrait s’intituler « le cul entre deux chaises »
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notes pour une sémiologie du monogramme: le siège précaire! (le strapontin, le siège éjectable????)
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« Les nomades sont de grands assis »
J aime beaucoup cette phrase.
Where are you now ?!
I’m in Madurai, Tamil Nadu.
Kiss
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Il manque quelque chose à cet éloge des assis : quid des femmes dont les fesses se sont améliorées au contact de la chaise ? J’ai connu une thésarde qui n’a atteint la fleur de sa beauté qu’au lendemain de sa soutenance, ses fesses en gouttes un peu lourdes s’étant délicieusement remodelées en fraiches semi pastèques au fil de à sa patiente étude des failles de marché spéculatifs.
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au fil de à sa patiente étude des failles de marché spéculatifs.
(com de Mart | le 11 avril 2009 à 09:38 )
com / com: on voit souvent la faille dans l’oeil du voisin et rarement le foutre dans le sien.
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« le foutre dans le sien »
Il me semble qu’on se fout plus des gueules que des oeils, non ?
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Agathe, tu es en Inde ? Faudra m’expliquer, je ne comprends plus rien à la géographie et j’en perds mon tamoul. En tout cas, si ce n’est pas une connerie, profites-en pour apprendre l’art dravidien d’être assis, au temple Mînâkshî. Et non, on ne s’assoit pas sur un lingam.
« Il manque quelque chose à cet éloge des assis », Mart. Il manque bcp de choses à cet éloge, d’où ma précaution de départ : « je lance ici même les bases d’un éloge de cette position. » Ce n’est qu’une première esquisse, qui attend d’être complétée par des commentateurs.
Deux façons d’être assis que j’ai oubliées, encore : le zazen et le cyclisme.
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Il me semble qu’on se fout plus des gueules que des oeils, non ?
(com de mart | le 11 avril 2009 à 13:01 )
com/com: l’expression « se mettre le doigt dans l’oeil » est pourtant suffisamment imagée (ceci dit sans pour autant me foudre de votre gueule, de crainte d’essuyer les foudres …etc). Mais chacun est libre de ses préférences, errances et préfets préférés.
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« Eloge des assis »
com/post: l’anagramme d’éloge est géole, ce dont je ne tire aucune conclusion pour l’instant. Je constate aussi que le mot « assis » contient le mot anglais « ass », comme quoi poser son cul sur un siège est une tautologie translinguistique.
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Le 6 avril, notre SP titre le scandale d’être assis et le 11, il en fait l’éloge.Ah si ce n’est point là la sagesse du jugement précaire, j’en fiche mon billet aux communs.
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l’anagramme d’éloge est géole
(autocom)
com/com: Eole traverse la géole et les éloges. Du vent tout ça!
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C’est d’abord celle du zig-zag, celle qui actualise tous les plis de notre squelette.
(…)
Deux façons d’être assis que j’ai oubliées, encore : le zazen et le cyclisme.
com/post: la lettre Z, commune en double auw zig, aux zag et au zazen, me semble dessiner parfaitement le mouvement des zambes pédalant à bicyclette. Cette dernière , qui tient de manière stable dans le mouvement tant que le sage pédale est bien figure de la précarité de la sagesse. Je signale toutefois qu’en côte, la position assise n’est pas des plus efficaces et que le pédaleur est souvent « en danseuse ». L’assise de la danseuse est précaire.
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« certaines inventent de nouvelles façons de s’asseoir. »
sur ce je sursois. à ce soir!
et Frankounet, il en dit koi de l’assise?
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la lettre Z, commune en double auw zig, aux zag et au zazen,
(michel ZEANNEZ | le 12 avril 2009 à 11:39)
com/com: erratum, il faut lire « au » zig et au zag. J’ai dû perdre les pédales en enfilant les cale-pied de la lettre.
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Sage précaire , après le sein (position horizontale) l’usage du pot (position assise) devient la référence du petiot , le rends apte à la cogitation , l’enligne sur le monde vertical bien avant la marche , se tenir assis /versus /la noblesse du geste de déféquer sans se souiller constitue la première victoire sur le monde végétatif de l’homme , le positionne vers son monde futur.
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« Le 6 avril, notre SP titre le scandale d’être assis et le 11, il en fait l’éloge.Ah si ce n’est point là la sagesse du jugement précaire, j’en fiche mon billet aux communs. » Michel Jeannès. C’est vrai que la sagesse précaire, c’est avant tout un scepticisme.
« Je signale toutefois qu’en côte, la position assise n’est pas des plus efficaces et que le pédaleur est souvent “en danseuse”. L’assise de la danseuse est précaire. » Michel Jeannès. Or, j’avais déjà dit que des femmes dansent assises, et voilà comment on retombe sur nos… fessiers.
Anonyme, cette dialectique usage du sein / usage du pot est très stimulante. Malheureusement, je ne suis pas sûr que déféquer renvoie vraiment à la position assise. Peut-être que oui, mais je garde un vieux fond turc, ou chinois, et je tiens pour assuré qu’il n’est rien de plus propre, et de meilleur pour la santé, que de chier en s’accroupissant, les pieds bien à plat et, si possible, avec une vue dégagée devant soi.
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Pour un sage précaire, c’est sûr que c’est plus confortable d’être assis, et que l’assise et la précarité sont antinomiques ; il n’empêche que moi je n’aime pas être assise, c’est la position pour manger, pour travailler, on est plus petit, et surtout, je déteste ça parce qu’on a les cuisses sous le nez et du coup, comme elles sont aplaties, elles paraissent énormes, comme deux colonnes allongées, répandues, pansues, et comme on brûle moins de calories assis que debout, le fessier et ses périphéries en profitent, après un repas, pour se tartiner de graisse par l’intérieur. Moi, à part pour conduire et sur mon fauteuil de bureau, je suis toujours assise de travers, parce que, sauf quand je passe en dessous du seuil de la maigreur, j’ai toujours de la graisse en trop au niveau du fessier, et c’est inconfortable pour maintenir la position assise ! Donc, tant à être relax, je préfère être couchée, car les lymphes circulent mieux, et c’est ainsi que j’aime me trouver pour lire.
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Au fait, sage précaire, on a parlé de toi -indirectement je pense- sur France -Cu, mardi 7 avril à 7h 15 : je n’en sais pas plus, c’est l’heure où je parle, et je n’ai plus d’antenne radio ! Mais peut- être que sur le site de la radio, tu en trouves encore la trace, à moins que tu ne sois déjà au courant! Hop !Et tantpis pour toi si tu n’aimes pas les « coucou » sur les messageries internet, moi, je trouve ça sympa, même si c’est un peu court ! C’est le principe de la carte postale, en somme !
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Merci pour ce témoignage, Myriam. Moi non plus, je n’aime pas être trop souvent et trop longtemps assis, mais pas pour les mêmes raisons que toi. C’est parce que je n’aime pas trop être assis que j’ai écrit le premier billet, dénonçant l’abus de la position assise comme un scandale.
C’est un sujet que je crois essentiel, la position de notre corps, et les philosophes n’en ont pas assez traité.
A venir, une sémiologie de la position accroupie, de la position couchée, de la position cambrée, des différentes cambrures, des différentes façons de se pencher en avant.
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On a parlé de moi indirectement sur France Culture ? Mais tu n’en sais pas plus, sauf que tu as une date et une heure précises… très troublant, tout ça. Comment peut-on parler de moi indirectement, c’est ce qui me trouble le plus, dans cette affaire.
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on pourra aussi parler de Freud, alors, ce grand assis ?
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seulement s’asseoir:
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