Juliette Récamier, muse et mécène

Joseph Chinard, Mme Récamier, 1806-08, Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Elle combine ce qui se fait de plus désirable chez les femmes d’aujourd’hui : l’intelligence, la conversation délicieuse et stimulante, l’instinct de séduction, la droiture en amitié, la fidélité en amour, la capacité à entretenir le désir de la fréquenter. Dans ses soirées, elle sait attirer autant de femmes que d’hommes.

L’exposition du Musée des Beaux-Arts de Lyon, Juliette Récamier, muse et mécène, qui se tient du 27 mars au 29 juin 2009, donne de précieux éclairages sur la grande dame pour tous ceux qui aiment les femmes, l’histoire, le XIXe siècle, les relations entre les hommes et les femmes, bien d’autres choses encore.

Des détails qui en disent long : son visage change considérablement selon l’artiste qui la représente. Piquante et érotique dans les bustes de Chinard, elle est sublime et éthérée dans ceux de Canova, et encore très différente dans les tableaux de François Gérard. Je ne parle pas que de l’expression, mais de la forme même du visage, de la taille du nez, du contour des yeux, de la longueur de la face. Ce n’est pas la qualité des artistes qui est en cause, mais l’irreprésentabilité de certaines femmes. Mme de Récamier est de celles-là. Elles inspirent tous les hommes qui la croisent mais personne n’est capable de la reproduire correctement. Elle le dit elle-même à propos du superbe portrait de Gérard : « Elle me plaît plus qu’elle me ressemble. »

L’exposition ne se limite pas à des tableaux et des sculptures de l’exquise femme de lettres. Elle reconstitue aussi des états de la mode, dont elle était une icône, et met en scène des intérieurs de certains de ses logements, où venaient se réunir les grands écrivains, les grands esprits scientifiques, philosophiques et politiques de son temps. On y voit enfin des oeuvres du XXe siècle directement inspirées de celle que j’ai souvent qualifiée de plus belle femme du XIXe siècle.

J’invite ceux qui visiteront cette exposition à utiliser l’audioguide. Je n’ai pas encore fait le tour du monde entier, mais à ma connaissance, les audioguides du musée des beaux-arts de Lyon sont ce qui se fait de meilleur sous le soleil de la muséologie. Ils vous accompagnent d’une manière extrêmement intelligente car ils ne remplacent en rien les animateurs conférenciers. Au contraire, ils offrent des territoires de visites différents, ils font écouter des morceaux de musique en rapport direct à la vie de Juliette (dont un très bel aria à la harpe du Voyage à Rheims de Rossini), ils proposent des extraits d’interviews d’historiens, de psychanalystes, de conservateurs. Ce que j’ai aimé par dessus tout, ce furent les lectures d’extraits de correspondances et de mémoires, qui permettent de se laisser guider par le style de Châteaubriand, de Sainte-Beuve, ou de ce merveilleux amoureux que fut le philosophe Ballanche. Et surtout par la voix même de Juliette Récamier, dont les lettres sont d’une délicatesse à mourir d’amour.

Je précise : les audioguides du musée des beaux-arts sont sans doute réservés à celles et ceux qui ont déjà une certaine pratique des musées et des expositions. Il convient de savoir ne pas rester bloqué sur chaque entrée, ne pas être linéaire, ne pas chercher à tout entendre. Il faut savoir tracer ses propres itinéraires, ouvrir son propre chemin dans le fourmillement des choses exposées. Quand on a ce savoir-faire, alors l’audioguide est un média qui ouvre la visite à une réelle profondeur esthétique et intellectuelle.

Amenez-y la femme ou l’homme de vos rêves, et offrez-lui une coupe de champagne dans un café de la capitale des Gaules. Vous y parlerez d’amour autant que de philosophie.

14 commentaires sur “Juliette Récamier, muse et mécène

  1. Oh, quelle belle description ! Cela me consolerait presque d’avoir vu débaptiser la place Juliette Récamier qui s’appelle maintenant René Deroudille (pharmacien et mécène) Les audioguides du musée sont de grande qualité, c’est reposant de les écouter, on visite comme on se promène, tranquillement. Et puis, il y a la fresque de Raoul Dufy qui orne la caféteria, très grande, très colorée. On voyage encore…

    J’aime

  2. L’exquise femme de lettres, mais elle est un peu froide, non ? Ah ah, pas jalouse de sa beauté, de sa célébrité, mais je n’aime pas trop les marbres, même très raffinés comme ces bustes-là

    J’aime

  3. la place Récamier, c’était où, déja ? Je me souviens d’un immeuble sur lequel une plaque indiquait qu’elle y avait tenu son salon, à côté du Pont de l’Université. Je connaissais même ses descendants, des amis de mes parents. Le maire qui a dépaptisé une place Récamier pour lui donner le nom d’un pharmacien, il est de quel parti ?
    Pour les bustes, dans le même style, il faut voir ceux du maître, Houdon, comme celui de Madame Houdon. C’est quand même très beau

    J’aime

  4. La place Juliette Récamier, c’était aux Brotteaux, entre la gare des Brotteaux, aujourd’hui désaffectée, et la gare de la Part Dieu. La rue Juliette Récamier joint les Halles au quartier de la gare des Brotteaux. Je ne sais pas quel maire a changé le nom de la place…
    Bustes néo-classiques… et celui de la kôré qui orne les tickets d’entrée du mba. Elle est patinée, cette dame-là. Bon, je file, ma mother m’attend

    J’aime

  5. Ballanche ? Je connais assez peu; merci pour ce billet plaisant au « bon » sage précaire, cette référence philosohique et cette invitation a gouter les beaux arts dans la bonne ville de lyon que je découvre petit a petit depuis quelques temps temps.Ca me change de Toulouse et ca ma l’air tout aussi bien;

    J’aime

  6. Ballanche ? Je connais assez peu; merci pour ce billet plaisant au « bon » sage précaire, cette référence philosophique et cette invitation a gouter les beaux arts dans la bonne ville de lyon que je découvre petit a petit depuis quelques temps temps.Ca me change de Toulouse et ca ma l’air tout aussi bien;

    J’aime

  7. « L’exquise femme de lettres, mais elle est un peu froide, non ?  »

    Les femmes en marbre ne déçoivent jamais, ne vieillissent pas et ne sentent jamais mauvais. Au lit bien sûr c’est un peu calme, mais leur couleur toujours changeante offre bien des compensations. Peut-être qu’un jour Guillaume finira avec l’une d’elles, regardant ensemble par le hublot depuis la couchette d’un transatlantique.

    J’aime

  8. « Mais Récamier n’était pas froide dans la vie (…) d’autant moins qu’on la disait vierge. »

    Mon bon Guillaume, de quelle température parlez-vous donc ?

    J’aime

  9. Hallucinant comme il y’a pratiquement que dalle sur ce denomme Ballanche dans n’importe quelle anthologie digne ce nom. C’est fou si d’apres ce que l’on lit sur le net ou dans des resumes de theses il cotoie les plus grands : william Blake, Novalis, Chateaubriand etc…c’est fou, c’est fou…

    J’aime

  10. Bonsoir,

    Un hôtel va bientôt ouvrir à Paris non loin de l’ancienne Abbaye aux bois en face d’ l’Hôtel de Montmorency dont le thème principal sera Juliette Récamier. C’est hôtel va s’appeler La Belle Juliette.

    Un site internet est en ligne qui explique l’hôtel mais aussi donne pas mal d’info sur Juliette Récamier.

    Madame Récamier n’est pas seulement un prétexte, un véritable hommage va lui être rendu et la vie de l’hôtel va tourner autour des a vie et de ses contemporains.

    J’ai la chance de m’occuper de l’ouverture de cet hôtel et j’ai lu une multitude de documents concernant Juliette. J’ai aussi récupéré des ouvrages et objets rares. J’ai, je crois des documents inédits.

    J’espère pouvoir recréer un salon dans le même esprit que celui de Juliette.

    je vous tiendrai au courant si vous le souhaitez.

    le site internet http://www.hotel-belle-juliette-paris.com/index-fr.php

    Il ya une page avec un déroulé qui dévoile des vignettes sur lesquelles vous pouvez cliquer et vous mène vers un blog sur des articles concernant Juliette (certains articles ne sont pas terminés)

    http://www.hotel-belle-juliette-paris.com/quiestjuliette.php

    vous pouvez me contacter à labellejuliette @ hotels-paris-rive-gauche.com (je mets des espaces pour éviter les spams)

    A bientôt

    Alain Bisotti

    J’aime

Laisser un commentaire