Vive la rentrée littéraire!

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Je le rappelle si on ne le savait pas : La rentrée littéraire est spécifique à la France, et je suis chagriné d’entendre chaque année des gens se plaindre du « cirque médiatique », de « l’avalanche des romans », de « la pantalonnade des prix littéraires », et j’en passe.

Moi qui habite à l’étranger, dans un des pays les plus riches de la planète en histoire littéraire, le Royaume-Uni pour ne pas le nommer, je note qu’on n’y parle jamais de livres, est-ce mieux ? Les médias britanniques donnent une place très maigre aux livres, une place constante tout le long de l’année, dans les suppléments culturels de leurs formidables quotidiens. Les seuls moments où le livre leur devient objet d’information, c’est, comme aujourd’hui, lorsque Dan Brown sort un nouveau thriller, ou lorsque le nouvel Harry Potter inonde les librairies. On monte alors en épingle un phénomène économique, médiatique, un phénomène de culture de masse, mais ce n’est pas une rentrée littéraire.

En France, chaque année, les émissions les plus populaires de la télévision et de la radio invitent des écrivains, font des comptes rendus des livres-dont-on-parle. On dit que c’est toujours les mêmes, mais c’est faux. Houellebecq a déchaîné les passions il y a trois ou quatre ans, et depuis plus rien. Je suppose qu’il travaille à un nouveau roman, et quand il sortira, on en fera derechef tout un foin. Et alors ? Certaines années c’est Houellebecq, d’autres c’est Millet, d’autres c’est BHL, d’autres c’est Sollers, d’autres c’est Moix, ou Beigbeder, ou Fargues, ou Despentes, ou Angot, zut quoi, ce n’est pas tous les ans la même chose! Et ce n’est pas toujours médiocre non plus, alors plaignons-nous, mais en savourant ce que nous avons.

Soyons honnête. Sans rentrée littéraire, auriez-vous entendu parler, auriez-vous acheté, auriez-vous eu envie de lire des énormes pavés comme Les Bienveillantes de Jonathan Littell, Là où les tigres sont chez eux de Blas de Roblès, ou Le Dictionnaire égoïste de la littérature de Charles Dantzig ?  

Prenons conscience d’une chose très simple. On publie en France le même nombre de livres qu’ailleurs, on traduit peut-être un peu plus qu’ailleurs, et d’un plus grand nombre de langues (je ne sais pas il faudrait vérifier), et on connaît les mêmes phénomènes de ventes et de succès qu’ailleurs (montage marketing, bouche à oreille, critiques dans les journaux et magazines, modes passagères, etc.) ; la seule chose que la France possède en plus, c’est cette rentrée littéraire qui donne aux livres, pendant quelques semaines, une place qu’ils n’ont jamais d’habitude, et qu’ils n’ont nulle part ailleurs. Profitons-en plutôt que de râler. Bien sûr que l’on se contrefout de ce que peut dire Amélie Nothomb, mais franchement, quand on entend Ségolène Royal ou Brice Hortefeux, on peut se dire qu’il n’y a pas lieu d’être trop dur avec ces auteurs de best-sellers, qui non seulement ne font de mal à personne mais en plus sont de bons tremplins vers la littérature pour beaucoup de gens.

Pour ce qui est du nombre de romans qui paraissent au même moment, je me permets de conférer à un billet vieux de deux ans où je prouvais par la raison algébrique que ce nombre était en fait trop faible.

23 commentaires sur “Vive la rentrée littéraire!

  1. Je suis assez d’accord, les Francais ne se rendent pas compte des aspects agreables de leur vie culturelle. En Asie, ce serait une belle chose d’entendre chaque annee un buzz autour des livres. J’aime beaucoup l’article provocateur que tu as ecris il y a deux ans, sur les 6 millions de livres de la rentree litteraire.
    Je me demande ou a ete prise la photo de la jeune femme sur la terrasse…

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  2. Merci Fred. La photo a été prise à Nankin, sur la terrasse de la bibliothèque de l’alliance française. Je ne dirai pas le nom de la jeune fille, à qui je n’ai pas demandé l’autorisation pour publier l’image.

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  3. Mais François, il n’y a pas de rentrée des blogs. Ce serait impossible d’ailleurs puisque par définition, le blog se publie au jour le jour.
    Moi, après ma thèse, je me mettrai aussi à publier des livres. Pas beaucoup, juste quelques uns, des plaquettes comme Jacques Réda.
    Qu’est-ce que je raconte moi ?

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  4. « Ce serait impossible d’ailleurs puisque par définition, le blog se publie au jour le jour. » oui mais:
    UN JOUR CE SERA LE LIVRE PUBLIE AU JOUR LE JOUR ET CE SERA LA RENTREE LITTERAIRE AU DEBUT DE CHAQUE MOIS AH AH AH AH ; donc un veritable cauchemard, un jour sans fiN, avec avec la clef un bien maigre plaisir, une lecture marrante et plaisante comme ça, un écrivain interessant et pertinent au passage (un bon Moix, Nothomb, HOUELLEBECQ ? , ANGOT et encore c’est pas mes favoris) et aprés ? hop au suivant, d’ailleurs il ‘ya tellEment de bouquIns maintenants que c’en est décourageant, je me demande meme si c’est Pas un truc de marchands ideologiquement foRmatés UMP (Union pour la Mort du Partage pour décourager la lecture CHEZ LES JEUNES FOR EXAMPLE ; la lecture c’est devenu une sorte d’activitee sectaire a part, une sorte de religion que praitquent des nostalgiques de l’epoque idealiste baba ou autre… du temps ou on lisait pur echanger comme les hommes livres (et libres) de chez TRUFFAUT VOILA (farheineit 451° pour ceux qui prennent en route) ; comme Jacques REDA NON COMME JOHN RAMBO !

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  5. Et en attendant pas un mot sur FILIP DES TWO BE FREE
    //www.gala.fr/l_actu/on_ne_parle_que_de_ca/mort_de_filip_nikolic_encore_des_reactions_187755

    (aucune ironie de ma part ; j’aime bien cette chanson « partir un jour » !)

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  6. Sur ce phénomène d’inflation, il y a quand même plein de questions intéressantes qui se posent. Car il ne concerne pas seulement l’écriture, mais aussi la peinture, la musique, la sculpture, le cinéma, etc.
    Le niveau moyen d’instruction augmentant, forcément, ça enfle.
    Corrélativement, et de manière pneumatique, la valeur de la création diminue, car ce qui est moins rare est en moins cher.

    Si l’on poursuit la courbe, bientôt, il ne sera plus du tout question de payer l’artiste, surnuméraire, mais bien celui qui acceptera de le diffuser. L’édition à compte d’auteur se généralisera, ainsi que la production de musique ou de film à compte d’auteur, de même qu’on payera de plus en plus les galeristes pour exposer (ça se pratique déjà.

    Bientôt, le véritable détenteur de la valeur, ce ne sera plus le créateur, mais le diffuseur de création.
    Et ces histoires de droit d’auteur seront enterrées au profit des histoires de droits de diffuseurs.

    Peut-être même qu’on en viendra à payer le consommateur d’art pour qu’il nous écoute, nous lise, nous entende. Un nouveau métier, freelance et sous-payé, naîtra. On peut imaginer que les blogeurs s’engouffreront dans la brêche pour se faire un peu de fric.

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  7. Je n’ai pas très bien compris l’argent que je pourrais me faire dans ta dernière proposition. Le blogueur serait payé pour lire, écouter et regarde c’est ça ? Et afin d’en faire la critique sur leur blog par exemple ? Si c’est ce que tu avais en tête, je dis : chiche. Ce que je fais gratuitement, je veux bien le faire en échange de quelque pécule. C’est très connu, je sais donner envie de lire aux autres, je suis un assez bon publicitaire, la preuve: quand je parle de Jean Rolin, Mart lit un livre d’Olivier Rolin.
    D’ailleurs, sachez que je viens de recevoir un mail d’une compagnie qui me propose de mettre de la pub sur La précarité du sage pour me rémunérer. Je n’y réponds même pas, non pas parce que je suis pur et dur, mais parce que je suis certain que ça me rapporterait trop peu d’argent comparé à la nuisance et à la dégradation d’image que cela provoquerait.

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  8. « Je n’y réponds même pas, non pas parce que je suis pur et dur,… »
    « je suis certain que ça me rapporterait trop peu d’argent comparé à la nuisance et à la dégradation d’image que cela provoquerait.  » QUOI ?! Mais tu as fumé la moquette made in DanemarK de chez Mart ou quoi pour dire des aneries pareilles or what ? N’importe quel mec qui écrit un tant soit peu espére bien avor un petit pécule pour ses écrits , ca a commencé avec Balzac , je vois pas ce qui arretera çà… C4EST DE L’ENERGIE CA ME PARAIT NORMAL que ce soit rémunéré. Fanchement a ta place j’accepterai. Heu au passage , si tu deviens PDG du Sage Precaire Enterprise BLOG COMPNAGNIE and co N4OUBLIE PAS LE POURCENTAGE POUR LES FIdELES COLLABORATEURS-commentateurs xie xie ; )
    (je prends 10 % sur l’ensemble d’une recette d’un mois, franchement pas gourmand et je suis trés sérieux)

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  9. Quelques points à rappeler sur le passé de la situation littéraire.

    Etre écrivain n’est vu comme un métier que depuis le XVIIe siècle, et encore, cela n’a jamais concerné que très peu de gens.

    La plupart des auteurs que nous aimons n’ont jamais gagné leur vie sur les livres vendus (en grande partie pour la raison évoquée au point précédent.)

    Proust et Gide ont été publiés à compte d’auteur.

    L’écrasante majorité des publications à la belle époque, et même jusque dans les années 50, était constituée de romans populaires, écrits en quelques jours, ou publiés en feuilleton. Et aussi de trucs pratiques en tout genre.

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  10. Admettons, admettons, mais quand méme. Il n’empéche et tréve de plaisanterie,l’idée que l’écriture ‘d’un bon blog soit rémunéré est assez bonne et juste. Reste a trouver les critéres du « bon blog »comme du bon « roman de rentrée » (c’était ca que je voulais dire tout a l’heure, cette histoire de goût…). Franchement je ne vois pas ou est le probléme. on est au 21 eme siecle quand méme. Proust et Gide auraient surement blogué sur je ne sais quoi mais ils n’auraient pas rechignés a un peu de soutien publicitaires ; quand a Balzac tout le monde qui le connait un peu sait qu’il écrivait tout en tenant ses comptes dans l’angoisse, ses manuscrits sont remplis d’additions , de comptabilités en tout genre…

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  11. En lisant le journal de Van Gogh, on trouve une phrase du genre « tout travail mérite salaire » : il s’en servait pour s’auto-justifier les paiements que son frère lui faisait. Je ne crois pas qu’il y croyait très fort lui-même, et son suicide suit de très près le moment où son frère est devenu père, rendant encore plus difficile son essais d’auto-justification.

    Dans un autre registre, je lisais il y a peu (http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/09/12/en-attendant-la-gloire_1239566_3260.html#xtor=RSS-3260) les témoignages pathétiques d’auteurs qui abandonnent leur travail après un premier succès littéraire, victime de la chimère « tout travail mérite salaire ».

    On peut remplacer salaire par gloire, ça revient au même, une autre chimère. Car contrairement à l’époque de Proust, tout est enseveli dans la masse.

    Avec l’inflation créativeà laquelle nous assistons, il faudra trouver d’autres sources de motivation.

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  12. « Avec l’inflation créativeà laquelle nous assistons, il faudra trouver d’autres sources de motivation »
    C’est tout a fait vrai RESTE A SAVOIR CE QUE L’on met derriére le terme « source de motivation », qui serait un joli titre de blog au passage pour idées en tout genre.Je m’excuse auprés du Sage Précaire si je l’ai blessé dans son atteinte a sa pureté et dureté et ne le pousserait plus au vice publicitaire désormais.AMEN.

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  13. Ce com est une question s’adressant à Fred. Fred , es tu le Fred que j’ai croisé a l’Alliance Française de Nankin (et qu’a croisé aussi par conséquent le Sage Précaire ? )…

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  14. Merci de nous donner de toi ainsi…peut-^etre à bientôt ! Notre Pierre-Emmanuel a été reçu au bac cette année . Il est en L E A au Mans . Cà lui plait .Si tu as l’occasion de venir l’encourager au Mans tu feras une oeuvre HUMANITAIRE !!!! A bientôt

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  15. Bien sûr Xavier, je ferai mon possible pour passer fin octobre. Tu féliciteras Pierre-Emmanuel pour moi.

    Cette expression « tout travail mérite salaire » est vraiment pathétique en effet en ce qui concerne les arts. On en tend souvent des artistes, des auteurs , des gens qui travaillent dans le spectacle avoir cette attitude. Ils ont oublié, ou n’ont jamais pensé, que personne ne leur a jamais demandé d’être artistes, auteurs et autres. Ecrire est une activité de luxe, comme voyager, ou même lire.
    Moi par exemple je n’ai jamais gagné un sous avec l’écriture, mais en revanche, je ne me sens pas enseveli dans la masse. Pourtant j’écris sur internet, en même temps que des millions d’autres. Mais je jouis d’une audience qui dépasse de loin ce que je pouvais espérer quand j’ai commencé à bloguer – et je ne parle pas que des rares et précieux commentateurs. A fréquence régulière, j’entends parler de gens qui me lisent fidèlement. Et certains de mes billets sont consultés chaque semaine depuis des années. Ce n’est pas la gloire mais ça suffit pour mon besoin narcissique de reconnaissance.

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  16. Cet ensevelissement dans la masse n’a pas lieu de la même manière partout.

    Internet y occupe une place tout à fait à part, car même s’il existe des dizaines de milliers de sites, il règne sur le réseau un égalitarisme parfait. N’importe quel inconnu peut surgir, se faire référencer, être lu, pour peu qu’un réseau d’amateurs grandisse autour de son site ou blog. L’histoire d’Internet est d’ailleurs riche de ces musiciens ou blogueurs inconnus qui deviennent des stars presque du jour au lendemain, sans rien devoir à personne.

    Dans le monde des galeries de peinture, de l’édition littéraire, ou de la production de cinéma (on pourrait ajouter le journalisme, le théâtre, la danse), il en va tout autrement, car il y existe des positions acquises, des caciques, des notables, fermement accrochés à leur siège.

    Tu écris un billet de blog, tu es lu sans réticence pour peu que Google et le hasard amène quelqu’un jusqu’à toi.
    Tu peins des tableaux, les galeristes refusent de les voir.
    Tu écris un roman, les éditeurs refusent de le lire.
    Tu écris un scénario, aucun producteur n’y pose le regard.
    Pourquoi ? Parce qu’on leur propose trop de tableaux, trop de manuscrits, trop de scenarii pour qu’ils puissent les voir.
    C’est pourquoi la créativité fleurit sur Internet et s’étiole dans les champs traditionnels.

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  17.  » Mais je jouis d’une audience qui dépasse de loin ce que je pouvais espérer quand j’ai commencé à bloguer – et je ne parle pas que des rares et précieux commentateurs. »
    Ca fait plaisir de lire ça par ce beau samedi matin !

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  18. Non, Francois, je ne suis pas le Fred a qui tu penses. Nankin, j’y suis passe trop rapidement il y a quelques annees.
    Les rentrees litteraires, je suis pour aussi. Il m’est arrive de traduire des livres qui ont eu une bonne presse en spetembre. Ca fait vraiment plaisir et on se sent reconnu…

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  19. Au temps pour moi Fred. Moi aussi j’y suis passe assez vite a Nankin quand j’y pense, meme si j’y suis reste une annee entiere, j’ai toujours le regret de ne pas avoir prolonge mon sejour.
    Pierre Assouline qui lache un com, c’est un peu comme une consecration pour ce blog .

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