Nos origines étrangères

La France est le pays le plus « multiculturel » d’Europe. Cela fait des siècles que c’est un pays d’immigration. Des siècles que des étrangers viennent pour trouver du travail, des mécènes, de la terre ou des droits. Des siècles qu’on naturalise à tout va car on a besoin d’hommes pour faire la guerre, pour faire tourner l’industrie, la construction, l’agriculture. Des siècles qu’on naturalise des femmes pour mettre au monde des Français.

Si l’on en croit l’historien de l’immigration Gérard Noiriel, c’est une politique qui remonte au moins à Louis XIV. Mais c’est devenu massif au XIXe, avec les guerres napoléoniennes et l’industrialisation.

Quel autre pays européen est constitué d’autant d’influences étrangères ? Il n’y en a aucun. Les Anglais s’inventent depuis peu une essence multicurelle. Dans leur naïveté arrogante, qui fait une partie de leur charme, ils pensent que la France est un pays à l’identité monolithique, et qu’eux-mêmes se définissent par une sorte de melting pot européen. Mais depuis quand le Royaume-Uni est-il une terre d’immigration ? Depuis l’après-guerre, puis depuis Maragret Thatcher. Allez en Angleterre et promenez-vous, vous verrez peu de noms qui ne soient pas proprement anglais, ou écossais, ou irlandais.

En France, nous avons tous des origines étrangères, ou des copains qui en ont. C’est une chose qui paraît évidente à tous ceux qui lisent ce blog, mais qui est ignoré par le monde entier : le nombre incroyable de Français qui disent, au détour d’une conversation, avoir un père espagnol, une grand-mère arménienne, un grand-père algérien, un père italien, des origines polonaises, allemandes, serbes, turques. Et je ne parle ni de nos anciennes colonies, ni de nos amis ultramarins.

J’en parlais à une amie nord-irlandaise, qui en fut très surprise. Elle avait l’idée que les Français était un peuple assez homogène et très cocardier. Elle me dit que dans ce cas, la France était une vraie réussite, car toutes ces populations s’étaient bien assimilées les unes aux autres.

Ce n’est pas faux, et c’est une donnée importante à ne jamais oublier dans ces temps de débats fumeux sur l’identité nationale.

10 commentaires sur “Nos origines étrangères

  1. Ce qui me faisait rire quand je prenais des cours de calligraphie, c’est que pour le prof qui était anglais, les Français écrivaient droit, à la romaine, pas en italique comme le font encore bon nombre d’anglo-américains. Et donc, ils pensaient que les Français étaient des esprits rigides, cartésiens, étroits… mais comme ils avaient a lot of humor, ils s’appelaient eux-mêmes des rosbifs… Le jour où les Français accepteront de se regarder comme des grenouilles en se regardant dans la glace, tout ira mieux dans le monde.

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  2. A ce propos et toi qu tiens un blog sur le monde.fr il est bon de rappeler cet phrase de COLOMABNI sur Sarkozy que je trouve assez juste : « Nicolas Sarkozy c’est un hongrois en partance pour l’Amérique qui a posé ses valises à Paris. ».Evidemment c’est une boutade mais qui tombe a pic avec cette histoire nauseabonde d’identité nationale…

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  3. Le choc culturel, pour mon épouse (fonctionnaire chinoise), quand elle est venue en France pour la première fois, a été d’abord les familles nombreuses. Elle m’a demandé de questionner une jeune femme qui passait avec un bébé dans sa poussette et deux petits enfants: est qu’ils sont tous à elle ? Ensuite ça a été de croiser des gens de toutes les couleurs. Elle savait qu’il y avait des Chinois dans le quartier chinois de Paris, mais croiser des gens noirs, bruns, jaunes à tous les coins de rue, ça l’a rendue perplexe, surtout quand je lui ai dit qu’ils étaient généralement Français. Et sur a carte d’identité, c’est marqué comme « han » ou « hui » en Chine ? eh bien non. Elle se demande encore comment ça marche.

    En fait, le secret, c’est que n’importe qui vient en France est prié de devenir français, le plus vite possible; et il est mal vu s’il ne fait pas d’effort. Pourquoi les Français aiment les Vietnamiens et n’aiment pas les Chinois, alors qu’ils auraient bien du mal à les discerner sans l’étiquette ? Parce que les Vietnamiens ont fait l’effort, alors que les Chinois ont bâti une petite Chine autour d’eux (comme ils font partout; à Toronto c’est bien mieux qu’à Paris).

    Les Britanniques, c’est différent. Ils considèrent qu’eux seuls sont membres de l’espèce humaine. Les autres, Continentaux compris, sont des Natives de diverses variétés, qui mènent leur vie, comme font les pigeons et les macaques. Donc on ne reprochera pas plus à une femme musulmane de se promener voilée qu’à un caniche d’être à poil dans la rue. Alors qu’en France la même femme voilée est entourée d’un petit nuage d’hostilité. Elle affiche qu’elle ne veut pas devenir française, rien de pire.

    L’amie nord-irlandaise a raison. Les Français sont un peuple homogène et cocardier, et aiment si peu les étrangers qu’ils veulent les faire devenir comme eux. Le résultat, c’est que les Français sont un des peuples les plus variés de la Terre, et pourtant ils se ressemblent tous. Quand nous faisons du tourisme, pour épater ma femme, je repère de loin un (ou une, ou deux ensemble) Occidental dans la rue ou au restaurant, et je lui dis « celui-ci est français ». Je vérifie en lui disant bonjour. Je ne me trompe pas souvent, même s’il est blond, noir ou brun. J’ai gardé longtemps un vieux numéro de Elle, avec un article de fond « ce qui est le plus sexy chez un homme » (le bas du dos bien musclé, semble-t-il). Illustré d’une photo de Yannick Noah recto-verso très peu vêtu. Personne ne remarquait jamais qu’il est noir, c’est simplement hors sujet.
    De même il serait idiot de dire que notre président actuel est « d’origine hongroise » ou que son épouse actuelle est italienne. Ils sont français, aucun doute possible. Quand j’étais métallo, j’avais un collègue de travail, pas très malin, qui avait un nom polonais. Je lui ai demandé s’il avait de la famille en Pologne. Réponse « Je crois que les parents de mon père viennent de là-bas ». Un autre collègue m’a renseigné. Ses parents étaient arrivés en France déja mariés, sans savoir parler français. Ils avaient démarré dans un des villages polonais des mines du Nord qui existaient encore en ce temps là. 30 ans après, leur fils n’était même pas au courant.

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  4. Le modele assimilationniste est un echec dangereux. Moi je serai toujours plutot pour la collaboration, l’association, plutot que pour l’assimilation, qui est une negation de la culture des nouveaux venus.

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  5. « Quel autre pays européen est constitué d’autant d’influences étrangères ? Il n’y en a aucun.  »

    Il me semble pourtant que la Suisse pourrait y prétendre, puisqu’on y parle 4 langues officielles, auxquelles s’ajoutent de nombreuses langues parlées par 10% de la population issus de l’immigration. C’est un pays typiquement multiculturel, qui n’a jamais été tenté par la voie de l’intégration à la française. Et pourtant, cette ouverture apparente ne les empêche pas de voter contre les minarets.
    Le modèle d’intégration à la française n’est pas seulement une négation de la culture des nouveaux venus, c’est aussi une tentative pour instaurer des règles communes permettant de vivre ensemble.

    Aujourd’hui, les modèles fondés sur des identités collectives, que ce soit pour les défendre des agressions extérieures (comme le tente le gouvernement français) ou pour préserver la culture d’origine des nouveaux venus (qui parfois voilent leurs femmes et pratiques l’excision) me semble ringard. Ce à quoi la civilisation aspire, c’est à la libération de l’individu, pas à la préservation des cultures communautaires.

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  6. La libération de l’individu, évidemment, mais certains individus ont presque peur de devoir se libérer.

    Ils vivent une « identité groupale » qui les rassure, tout en les handicapant.

    Heureusement, il y a les études, la drague, plein d’occasions d’ouverture à saisir.

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  7. On peut aussi etre un « etranger » français…il suffit d’etre « different » par rapport a une norme pré établi : handicapé, malade, névrosé, aliéné, instable, artiste, poéte, philosophe…autant de chose qui prouvent que cette histoire d’ identité nationale ne tient pas la route…au moment ou on veut enterrer pour la deuxiéme fois l’auteur de « l’étranger » c’est vraiment minable, ca me redonne ‘envie de partir parfois, d’etre irlandais ou chinois…mais ma position de « résistant » , dans ce maquis de livres et d’échanges sociaux au coeur de la béte immonde ca a un coté plaisant paradoxalement…

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  8. « ils pensaient que les Français étaient des esprits rigides, cartésiens, étroits… » Oui, Nénette, c’est bien ce genre d’analyse que l’on trouve chez nos amis de passage en France. Après une pratique de plusieurs années, et malgré la connaissance de la langue, certains ne dépassent pas cette pauvreté ethnologique. « Le jour où les Français accepteront de se regarder comme des grenouilles », dis-tu : mais nous sommes les premiers à manier l’auto-dérision et à nous peindre sous des couleurs de râleurs fainéants et arrogants (cf. Astérix, les Bidochon, les films de De Funès et Bourvil, pour ne prendre que des exemples classiques.)

    « L’amie nord-irlandaise a raison. Les Français sont un peuple homogène et cocardier, et aiment si peu les étrangers qu’ils veulent les faire devenir comme eux. » Oui, Ebolavir, sauf que je désapprouve l’idée que les Français n’aiment pas les étrangers. Ni qu’ils imposent une façon d’être : les Français ont toujours évolué avec le temps et avec les nouvelles influences.

    Irène, vous adopteriez donc le modèle anglo-saxon, et auriez peut-être bien raison.

    Oui, Mart, la Suisse est peut-être bien multiculturel, mais sans doute pas un pays d’immigration depuis des siècles.
    D’ailleurs, c’est précisément parce que la population française est largement composée d’immigrés que les nouveaux-arrivants sont vus avec méfiance. R. Dati le rappelait très bien à la radio, ceux qui ont fait l’effort de s’intégrer ne veulent pas que leurs efforts soient ruinés par une régularisation massive des gens qui sont irréguliers.

    François résistant ? Au coeur de la bête immonde ? Hou, voilà qui fait peur.

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  9. Pour ce qui est de faire peur, j’aurais du mal en effet a etre au niveau du sage précaire , j’ai beaucoup de travail encore…

    « antimili dans une caserne » pas mal vu cochonfucius…et jolies photos !

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