Neige nous quitte

 neige-1.1264767876.jpg

Voilà. Il semble bien que ce soit terminé. Neige, la petite Chinoise francophone, a donné les raisons pour lesquelles elle a décidé d’arrêter d’écrire son blog.

Ce n’est pas la première fois qu’elle arrête, mais d’habitude elle le fait dans un coup de colère, un caprice ou un coup de fatigue. Son premier blog, Le papillon ou la neige (2006), elle l’a même détruit dans un geste de révolte ou de détresse. D’habitude elle cherche à provoquer une réaction de la part de ses lecteurs/commentateurs. En novembre 2007, c’est Ben, entre autres commentateurs, qui avait trouvé les mots pour la débarrasser de sa fausse honte et la faire continuer. Aujourd’hui, elle tire sa révérence calmement, en remerciant celles et ceux qui l’ont suivie et soutenue.

La faute en revient à un malheureux collègue qui lui a dit avoir pris connaissance de son blog. Jusqu’à présent, elle écrivait de manière clandestine, dans une langue inconnue de la plupart des Chinois. Elle pouvait parler des choses et des gens sans que personne le sache dans son entourage. Son blog est devenu connu, quelque chose de publique, et elle ne peut plus continuer. Un équilibre a été rompu, et Neige doit trouver d’autres moyens, qui lui conviennent, de s’exprimer.

La cyber-écriture est à cet égard plus intéressante que ce que l’on en dit habituellement. Souvent, on décrit les blogueurs comme des gens qui se « répandent » sur la toile, de manière informe et incontrôlée. « Se répandre » est le verbe que j’ai le plus souvent entendu, et dont la portée péjorative est nette : il s’agit de vomir, d’uriner ou de déféquer, voire d’éjaculer, selon les personnes qui utilisent le verbe. Le blogueur est vu, c’est ainsi, comme un solitaire sans éducation qui étale au grand jour ses petites manies, sa petite existence qui n’intéresse que lui. Par conséquent, la grande rumeur consiste aujourd’hui à dire que les blogs ont en moyenne un seul lecteur, l’auteur du blog lui-même.

La vérité est que certains blogs expérimentent des types d’écriture mi intimes mi ouverts, entre le privé et le public. A la différence des livres et des journaux, qui sont diffusés aveuglément, dans toutes les librairies possibles, les blogs forment des petites communautés plus ou moins consistantes. Certains ont très peu de lecteurs, et font exprès d’être difficiles d’accès ; on va sur leur blog comme dans un appartement ou un atelier sombre, et on s’y sent accueilli seulement si on a été introduit au préalable. On y lit des choses qui n’ont pas pour but d’intéresser le tout venant.

Le blog de Neige avait su attirer autour de lui une petite communauté de lecteurs, en Europe, en Afrique et en Amérique. Nous apprenions des choses que personne ne nous dit jamais sur la Chine. La vie d’une étudiante, les désirs des jeunes Chinois, les coutumes familiales à la campagne, les arrangements troubles des uns et des autres, nous suivions tout cela avec étonnement et ravissement. Neige ne cherchait pas de nouveaux lecteurs, elle ne provoquait pas les commentaires, mais elle répondait à ceux qui laissaient un mot, toujours gentiment et sans prétention. Et si l’on peut mesurer un blog à l’intensité de la lecture, à la fidélité des visiteurs, à la vitalité des échanges, à la bienveillance des regards et à l’exploration des territoires méconnus, alors Pays de Neige fut un très grand succès.

15 commentaires sur “Neige nous quitte

  1. Je me souviens du jour où j’ai découvert le blog de Neige. J’avais besoin du passage de Zhuangzi où le charron dit au roi que les livres sont des déchets.

    Je me souviens de plusieurs émotions fortes que m’a données ce blog.

    Mes pages de Toile sont un peu bizarres, encore aujourd’hui, mais grâce à Neige elles sont bien plus joyeuses qu’elles ne l’étaient, d’ailleurs en voici une au hasard:

    http://lutecium.org/stp/cochonfucius/dame-de-neige.html

    Guillaume, tu as raison, Neige fait partie du peuple des écrivains de langue française.

    J’aime

  2. Merci Cochonfucius. Des émotions fortes, dis-tu ? C’est chouette, ça, car certaines langues disent que l’écriture de Neige est puérile et n’attire les lecteurs que pour des raisons de lubricité.
    Peux-tu nous parler d’une ou deux de ces émotions fortes, et à quels billets elles sont redevables ?

    J’aime

  3. Eh bien, je suis triste d’apprendre cela, et j’espère que dans une vie prochaine, si elle vient en France, je la rencontrerai. Tu nous préviendras, dis, Guillaume ? et puis, cette photo est très jolie, pleine de rêve.
    Quant aux lubriques, laissons-les dans leur coin…

    J’aime

  4. Un exemple (difficile de décrire ma propre émotion en lisant cela, et de comprendre pourquoi j’ai fortement partagé ce moment de tristesse):

    « J’ai voulu l’embrasser pour demander pardon et pour le réchauffer mais dès que j’ai prononcé son prénom, il m’a arrêtée : « Ne dis plus rien, tu peux partir si tu veux.»
    Mais je n’ai pas tout pris, il est resté encore quelques choses qu’il m’a demandé de prendre quelques jours plus tard. J’étais tellement blessée en les voyant sur la table, bien rangées. »

    http://paysdeneige.blogspot.com/2008/06/mes-affaires-sa-maison.html

    « Mes affaires, sa maison » en juin 2008.

    Citation de Neige (dans les commentaires):

    Je n’ai rien à enseigner à personne, je me console avec les mots, c’est tout. L’écriture a une magie incroyabl: elle calme et elle console bien qu’elle ne change rien. Il semble que je me suis retrouvée avec elle.
    Heureusement, il y a l’amour, heureusement il n’y pas que l’amour dans la vie.
    Ca me fait du bien de retrouver ma belle solitude et tranquillité ce soir. Je me repose.
    Les images…je suis un peu gênée de mettre mes photos sur mon blog parce que ce que j’ai écrit est tellement privé…on verra, d’accord? Merci pour ton sourire.

    J’aime

  5. Merci pour ce petit moment d’émotion partagée.
    Moi, ce qui me plaisait beaucoup, c’était des phrases que je trouvais fulgurantes, comme :

    « Il y a une montagne où il y a des toilettes où il y a un miroir. »

    La proximité d’une langue poétique et d’une langue du quotidien est très naturelle. Le passage par les toilettes publiques pour arriver devant un objet hautement symbolique qu’est le miroir me paraît typique de la prose de Neige.

    J’aime

  6. Oui c’est par ce style plein de fraicheur, très vivant, très percutant que l’on sent qu’il y a vraiment un talent en Neige, au delà de la jeune femme nous faisant découvrir de façon très directe un peu de la vraie Chine au travers de sa vie quotidienne, de ses réflexions et de ses émotions d’étudiante puis d’enseignante.
    Elle écrira j’en suis sûr. L’écriture ne s’arrête pas aux blogs! Heureusement!
    On a été heureux de l’accueillir dans la revue de l’APA, comme on sera heureux de l’accueillir « en vrai » quand elle viendra en France, un jour ou l’autre.

    J’aime

  7. Sage précaire,
    on dirait une épitaphe ou je ne sais quoi ce déballement de gratitude sur Neige; rien selon moi pour lui donner envie de continuer son blog d’une autre forme quelconque .Bien que super intelligente et aguerri par la vie elle n’en demeure pas moins une frêle jeune femme de 25 ans avec le rpc comme mode de vie depuis toujours; by.Mildred

    J’aime

  8. Une épitaphe, Mildred ? Oui, peut-être un peu. Mais comment faire autrement ? C’est surtout un hommage et un remerciement de la part de plusieurs lecteurs/commentateurs. Neige a passé de très nombreuses heures à écrire pour nous, pour elle, pour je ne sais quoi. Elle a beaucoup travaillé pour donner cette impression de légèreté qui te font penser qu’elle une « frêle jeune femme ». Il me semble que le travail de ceux qui écrivent sur internet mérite aussi, parfois, d’être reconnu par des textes, des commentaires, des reprises, des citations.

    J’aime

  9. Sage précaire, je suis tout à fait d’accord avec toi sur toute la ligne concernant les congratulations, je suis peut-être un peu mal à l’aise avec une impression de comment dire ,d’appropriation du contenu qui en fin de compte n’appartien qu’a elle, comme si tu en faisais un peu trop,.. by.Mildred

    J’aime

  10. Sage précaire, et cette foutu impression d’appropriation du contenu comment je le gère dis-moi, la frêle jeune femme ne connaît pas sa liberté de refuser ta trop grande propension au protectorat,ne crois-tu pas, by.Mildred

    J’aime

  11. Je ne crois pas être en mesure de comprendre ce que tu veux dire ici, chère Mildred, et si je le comprenais, il me semble que je ne serais que partiellement d’accord.
    Mais ce que j’aimerais davantage, pour ma part, c’est que tu nous dises, toi, ce qui t’a amenée à devenir une lectrice fidèle du blog de Neige.

    J’aime

  12. En bien sage précaire je crois l’avoir écrit sur le dernier post de Neige., une fois j’ai eu envie de connaître la chine, à soixante ans je ne savais que ce que m’en avais raconté les missionnaires des écoles chrétiennes, j’habitais ma campagne profonde, c’était l’hivers et j’ai tapé neige et chine sur google., en tout premier j’ai connu le blog de Florent(pérégrination vers l’est), j’ai visité au fil des liens, j’ai choisi ceux qui me rejoignait dans ma façon de voir le monde. Je n’ai aucune connaissance littéraire, une très mauvaise ponctuation, j’écris avec ma grammaire grevisse et mon bescherelle, je ne suis qu’une lectrice, je poste très peu de commentaires, je dispose d’une heure au petit matin pour parcourir le monde. Alors il y a eu entre autre Neige et Nankin sur mon ordi, et dans ma vie de tout les jours la fillette tellement semblable physiquement de mon frère cadet qu’il est allé chercher en chine (les québéquois adoptent en grand nombre les fillettes chinoises) ., la vie de Neige en chine est cependant bien différente de celle de notre petite princesse au yeux bridés.,voilà.by.Mildred

    J’aime

  13. oh mais sage précaire, l’europe ne me fait plus rêver, pour avoir habiter la suisse pendant quinze ans; c’est de l’asie dont j’ai le regret de n’en connaître jamais qu’en virtuel. by.Mildred.

    J’aime

Laisser un commentaire