Ma chambre sous les toits

J’ai changé de chambre à l’intérieur de ma propre maison. Jusque là, je croyais avoir la meilleure, la mieux chauffée, la plus confortable, la plus claire, la plus calme.

Mais à chaque fois que je montais un étage pour voir la chambre sous les toits, avec son espace compliqué, sa lumière venue d’en haut, son isolement dans les hauteurs, son bureau, son « espace lecture » dans un renfoncement, je me sentais attiré et j’enviais le mec qui allait la prendre.

Lorsque Ben a passé quelques jours ici, pour participer à notre colloque sur les Chinois francophones, j’étais heureux de lui offrir une chambre d’amis aussi chouette, même si elle sentait encore très fort l’odeur du précédent colocataire qui avait eu des problèmes de santé et qui était rentré chez lui, en Chine, pour se soigner. Puis je n’ai plus résisté. Quand Ben est parti, j’ai envahi la chambre pour la faire mienne.

Tandis que j’écris, j’entends la pluie sur le toit, et cela me rappelle mon adolesence. Dans la maison de Saint-Just Chaleyssin, quand mes frères aînés ont commencé à voler de leurs propres ailes, j’habitais aussi dans une des chambres du grenier. C’était formidable, pour un adolescent. Un grenier, c’est à la fois un espace pas terminé, bizarrement agencé, et c’est aussi des murs dont on fait ce qu’on veut. Moi, je peignais dessus, et j’invitais mes amis à peindre ce qu’ils voulaient. Je dormais ainsi dans un lieu fortement investi par mes proches, où la propreté passait au second plan derrière la créativité supposée de nos élucubrations. J’y pense, d’ailleurs : il y a eu une époque où je peignais partout et n’importe quoi, sur tous les supports, et jusque sur mes baskets blanches. J’étais un vrai rebelle, mais un rebelle non violent, narquois et insaisissable. Les rares fois où je me pointais au bahut avec de nouvelles grolles, les pions rigolaient : « Tu t’es acheté de nouvelles toiles ? »

Quel meilleur moment, pour revivre comme un ado, que ce temps suspendu, régressif et larvaire, de l’écriture d’une thèse, au milieu du chemin de la vie du sage précaire ?

Depuis l’une des deux fenêtres de toit, je vois quelques toits et les montagnes de Cave Hill. Aujourd’hui, elles sont encore couvertes de neiges, baignées de brumes, et surplombées de nuages qui ressemblent à de la fumée d’incendie.

19 commentaires sur “Ma chambre sous les toits

  1. Dans une chambre que j’avais sous les toits, non loin de l’Opéra Garnier, les murs étaient de plâtre et j’y avais tracé les douze méridiens de l’acupuncture avec les trois cent soixante noms des points. Je vivais dans une anatomie hiéroglyphique.

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  2. La fenêtre par laquelle tu vois Cave Hill, c’est bien celle qui est au-dessus de l’escalier, n’est-ce pas ? Chaque fois que je sortais de la chambre (avec joie, pour aller à Derry, à Queen’s ou dans un pub), chaque fois, je regardais les toits et les collines au fond, et, chaque fois, je me disais que j’aurais aimé avoir un appareil à photos pour prendre la vue avec les variations de lumière, la neige sur les crêtes, les lumières sur le quartier de Falls, la nuit, etc… l’espace urbain de Belfast. Et je risquais, à chaque fois, de louper la marche et de me casser la gueule dans l’escalier.
    C’est une chambre très agréable. J’espère que l »odeur du précédent locataire a disparu.

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  3. Oui, j’ai acheté un appareil photo et je prends une photo presque jour, on verra ce que ça donnera sur le moyen terme.
    L’odeur a disparu, maintenant c’est mon odeur qui a pris le dessus, sans vouloir me vanter.

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  4. moi, pour des raisons que je vous passe, je dois porter des trop tops baskets argentées et roses; je suis donc belle et re belle pour qq mois.
    ALORS.. si vous avez des conseils techniques en peinture sur chaussure, merci de m’en faire part.. (il faut cependant qu’elles restent chics enough pour aller avec mes tailleurs)

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  5. Moi j’utilisais tout simplement de la peinture à l’huile, et sur une chaussure je faisais un truc genre Mondrian (ou l’Oréal, du coup, dirait-on aujourd’hui), sur l’autre je ne sais quel dégradé à la con.
    Pour que ça reste chic, il ne faut surtout pas me faire confiance.

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