La cuisine de mon colocataire pakistanais

Mon colocataire pakistanais est un formidable cuisinier. Presque tous les jours, il se prépare des curry, des buryani, des plats du Penjab ou de la Swatt Valley. Il en fait toujours trop pour lui seul et exige que j’en goûte ou que je m’en sustente. Je reconnais là la générosité musulmane qui fait de cette religion quelque chose de profondément satisfaisant pour le ventre et l’esprit des hommes.  

Il refuse mes salades, mes crudités ou mes ratatouilles. L’été dernier, cela le faisait beaucoup rire que l’on pût faire quelque chose comme une ratatouille. D’ailleurs il ne comprend pas qu’on mange volontairement sans viande. Dans son pays d’origine, être végétarien, c’est être hindou. Et rien ne lui fait plus horreur que les hindous. Déjà qu’il a peu d’affection pour les Pakistanais en général, lui qui appartient à la minorité pachtoune… 

« Tu vois, les hindous croient que les vaches sont sacrées ; alors quand les musulmans égorgent des boeufs, les hindous deviennent fous et commettent des massacres. En conséquence de quoi, les musulmans, pour se venger, égorgent encore plus de boeufs, de manière provocante, sur la place publique, et ça dégénère. Tu comprends pourquoi on ne peut pas vivre ensemble, hindous et musulmans. »

La cuisine de notre maison, à Belfast, est un haut lieu de pédagogie ethnologique. Moi, avec mes salades composées, j’ai peu d’histoires sanglantes à raconter, c’est le problème. Sur ce plan aussi, je fais pâle figure. Pendant six mois, chaque fois qu’il me voyait cuisiner, il riait et prononçait : « Rrrratatouille ».

Il m’a appris à faire des curry, mais je ne lui arrive pas à la cheville. Je répugne à mettre autant d’huile que lui.

Certains soirs, quand je rentre et que j’ai bu, je fouille dans le frigo et, à l’aide d’une tranche de pain, je sauce un plat qu’il a préparé le soir même. Parfois, quand j’ai fait cuisiné un plat du Penjab, je compare nos deux réalisations. Dans un bol, je mets une cuillère de son plat et une cuillère de mon ragoût. Il gagne toujours, le salopard. C’est tellement délicieux qu’il m’arrive d’énoncer, tout bas : « Jesus, it’s fucking beautiful. »

Ce colocataire est un vrai don du ciel, c’est ce que je m’évertue à expliquer à la propriétaire, qui est choquée par l’odeur de renfermé qui imprègne sa chambre, et par la saleté relative qui y règne. Je lui explique que cela est superficiel, comparé à la bonne humeur qu’il instaure dans la maison, les odeurs de nourriture asiatique, la générosité élevée au rang d’art de vivre. Fréquemment, il ramène de son magasin des choses pour moi, des fruits, des légumes, de l’huile.

Cela fait longtemps que je ne suis plus offensé par son dédain vis-à-vis de mes plats. Il prend du plaisir, je crois, à me voir incapable de faire des choses vraiment bonnes à manger. Lui, les fruits et les légumes, ça le dégoûte. Mais je ne sais comment lui rendre tout ce qu’il me donne. Il a l’air d’être content d’avoir un rôle un peu nourricier.

Souvent, je lui dis qu’il est un génie. Mais ce n’est pas pour la bouffe. Je lui dis qu’il est une génie parce qu’il sait réparer internet.

11 commentaires sur “La cuisine de mon colocataire pakistanais

  1. C’est lui, la pièce manquante de ta salle de sport écologique : un petit stand de nourriture frite à l’huile couplé à des vélos d’appartement alimentant des lampes à basse consommation. Tu pourrais installer le tout dans une yourte, c’est à la mode.
    Pourquoi ne laisses-tu pas tomber cette thèse qui n’intéresse personne au profit de ce projet lucratif et, j’en suis sûr, amusant ?

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  2. Et tu n’aurais finalement pas à abandonner ta thèse : au contraire, tout en surveillant, tu décrirais le voyage des pédaleurs, archétype du voyage post-moderne, immobile, bio, inscrit dans le temps circulaire de la yourte, et non dans l’espace éculé et saturé de CO2 des agences de tourisme. L’horizon ultime du voyage : l’immobilité verte, universitaire, gastronomique et engagée.
    Oui, lance-toi, c’est un plan en or comme on en conçoit pas deux dans une existence.

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  3. D’accord, je vais en parler à mon Pakistanais. Il voulait monter un business une fois son MBA payé. La fac devrait bientôt le lui décerner, ce qui lui donnera un peu de répit, si j’ai bien compris, au niveau de son autorisation de séjour. S’il est prêt à se lancer dans cette aventure, je ne réponds plus de rien.

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  4. Oui, c’est bien si ça se réalise. J’ai une idée « optionnelle » à ce projet, interessante (et qui me tient à coeur) ; j’aime bien tout ce qui se rattache aux avancées écologiques concrétes (et amusante). j’en toucherai un mot suivant les avancées de ce beau projet (via ce blog ou mail plutôt) et de la reactivité de ton pakistanais, ça peut aller loin, trés loin ce truc…Je pense à ce sujet que tu devrais faire attention de ne pas trop divulguer toutes tes idées géniales par le biais d’Internet, de ce blog surtout, la concurrence est rude et les esprits inventifs peuvent se faire piquer facilement leurs idées par des petits malins sans scrupules par ce support informatique génial mais difficlement controlable. C’est la dure loi de la jungle ok, mais quand même, fais attention. Copyright de ce projet ? droit d’auteurs ? Sacem ou je ne sais quoi…tu vois….

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  5. Ce qui est triste avec François, c’est qu’il est sérieux même quand on croit qu’il cherche à être drôle.
    Ou alors :
    Ce qui est drôle avec François, c’est qu’il ironise même quand on croit qu’il est sérieux.

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  6. Il y’a trop de malentendus. J’étais tout à fait sérieux.Tout ce que j’ai à répondre c’est qu’il ne faudra pas pleurer le jour où vous vous apercevrez que cette idée de SPA (Sages Précaires Associés) écolo assez bonne
    1) existe déjà (peut être…) aprés tout
    2) a été récupéré par un petit malin
    3)que ce même petit malin a déposé un droit de propriété sur cette idée géniale auprés d’un organisme d’etat agrée (irlandais ou français ou de n’importe ou) ou d’une association protegeant l’invention (le droit d’auteur ‘puisque c’est de cela qu’il s’agit) et qu’il se la coule douce maintenant, protégé et en sécurité, dans son gymnase club SPA écolo de « son » invention, puisque c’est « son » idée, que les papiers administratifs et légaux le prouvent et que « son » bizness est florissant et qu’il se la coule douce maintenant dans « sa » piscine avec « son » champagne, « ses » grosses montres, « son » gros yatch, « ses » bimbos blondes aux gros seins dans leurs bikinis recyclables qui..non je ne dirai rien…et que si un autte lui pique son idée il lui enverra « ses » avocats et un procés au cul !! et qu’il se marre bien maintenant de ce débat de geeks complétemnt à coté de la plque pour savoir si François est ironique ou sérieux ou je ne sais quoi en tout cas il vous avait bien prévenu, le droit d’auteur c’est important…et , en ricanant bétement devant tant de mépris il se reservira une coupe de « son » champagne avant de repiquer une tête dans « sa » piscine et de se faire masser dans « son » hamam… (comme Jeannés j’attend d’en voir plus avant d’intervenir…et je suis trés sérieux…quand le sage Précaire sera Docteur et gérant de SPA gymnase club écolo en même je reviendrai faire mon numéro de clown triste et drôle que vous semblez tant apprécié )./ Bonne vacances .

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  7. @Mart
    Excellent !!
    « salle de sport écologique : un petit stand de nourriture frite à l’huile couplé à des vélos d’appartement alimentant des lampes à basse consommation »
    Riche idée ! faut présenter ça au concours Lepine, tenez-nous au courant (lol)
    Catherine (51)
    Fan2 fitness

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