France 1500 : Renaissance entre Italie et Flandre

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En voyant les affiches, dans le métro parisien, je ne savais pas à quoi m’attendre, car je croyais qu’il s’agissait de 1500 années de l’histoire de France. En réalité, l’exposition concernait l’anné 1500. Une exposition sur la création artistique au tournant du XVIe siècle.

Moi dont le compositeur préféré s’appelle Josquin Després, et qui appartiens au XVIe siècle plus qu’à mon propre siècle, moi qui vois dans Montaigne l’idéal de toute vie humaine, je ne pouvais pas être indifférent à cette exposition.

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Installée dans le Grand Palais, où j’allais pour la première fois, « France 1500 » m’a fait une forte impression. Il faut le dire avec force, c’est un événement extraordinaire qui a lieu, silencieusement, dans la capitale française. N’importe où ailleurs, une telle exposition provoquerait des mouvements de foules. Mais les foules préfèrent aller voir la rétrospective Monet. Tant mieux, cela nous laisse plus de place pour la renaissance française.

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Fin XVe siècle, la France se relève à peine de la désastreuse « guerre de cent ans » et des guerres civiles. La France a failli disparaître, et elle retrouve un semblant de vigueur, grâce à ses paysans, grâce à l’immigration venue d’Italie, d’Espagne, de partout, et grâce à un pouvoir stabilisé et des leaders enfin capables de tenir à peu près debout.

En particulier, on insistera sur la figure d’Anne de Beaujeu (1461-1522), régente du roi Charles VIII à la fin du XVe siècle. Cette femme sut à la fois diriger le pays avec soin et avoir une grande influence sur la renaissance artistique de la France. Sa cour, à Moulins, était d’un faste extraordinaire, et son rôle dans l’art moderne français est inappréciable.

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Pourquoi des mouvements de foules, alors ? Parce que nous pensions que l’art en France était rustique et que tout nous était venu d’Italie. Nous pensions qu’après les deux siècles brillants qui avaient amené les Français à « aimer la gloire comme un patrimoine » (Lavisse), les siècles merveilleux que furent les XIIe et XIIIe siècle, la France était tombée dans une sorte de barbarie artistique, et que nous n’avions pas un peintre apte à représenter une chèvre. Nous pensions que, gorgée de soleil italien, la Renaissance était venue du sud nous éclairer et nous subjuguer.

Or, on découvre que les Flandres ont eu sur nous une influence peut-être encore plus considérable que l’Italie. On découvre une double culture qui prend racine en France, région par région. Un courant venu du midi et une sève venue du nord se sont embrassés sur le sol convalescent de la France.

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On découvre – enfin, on redécouvre – que l’humanisme lyonnais était brillant, et que Lyon avait en Perréal un artiste polyvalent d’un talent exceptionnel.

On découvre enfin des livres illustrés et des sculptures à tomber à la renverse. C’est bien simple, j’ai parfois eu envie de crier.

12 commentaires sur “France 1500 : Renaissance entre Italie et Flandre

  1. Trés interessant billet et tjolies illustrations, merci. Quel était est le philosophe lyonnais le plus important de cette époque au fait ? Montaigne c’est sur Bordeaux, mais sur lYON ?

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  2. A ma connaissance, il n’y a pas de philosophe à cette époque. Même Montaigne, je ne sais pas si on peut le désigner comme philosophe, mais c’est une autre question.
    A Lyon, il y avait simplement un humanisme très vivant, avec une activité de presse très forte en France. La moitié des livres de Montaigne lui-même étaient publiés à Lyon, ce qui est étrange quand on considère les cartes de « circulation » dans la France du XVIe siècle.
    Mais de nom qui émerge, connu internationalement, non, je ne vois pas.

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  3. Merci de cette réponse rapide et pertinente. C’est vrai que c’est béte de catégoriser ainsi « philosophes » les écrivants de cette époque. On pourait trés bien considérer Louise Labbé (le seul écrivain lyonnais de ma connaissance du seiziéme siécle -et sans taper google « philosophe lyonnais  » !- comme une philosophe aussi non ? . Sinon si on fait google « philosophe lyonnais » on tombe sur des curiosités. Regardez on y voit aussi eric emmanuel schmidtt !

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  4. Si on sort du XVIe siècle, il y a au moins deux grands philosophes lyonnais : Irènée, qui inventa le concept d’éternité, affirme Borges dans son Histoire de l’Eternité, sur les pentes de Fourvière, et Bonaventure, le grand théologien franciscain, qui développa aux Cordeliers une philosophie de l’Histoire dont le Pape actuel, Joseph Ratzinger est, paraît-il, un spécialiste incontesté.

    Pour faire le derby, j’ajouterai qu’à St Etienne, nous avons aussi eu un très grand philosophe, dont l’histoire retiendra le nom même s’il est injustement sous-estimé aujourd’hui : Gilbert Simondon, qui travaillait à Mimard. Simondon a beaucoup réfléchi sur la notion de technique.

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  5. @Ah la « Belle Cordiére »…c’était la poéte(sse ? )-je ne sais jamais comment on écrit…-) préférée de mon prof de français -« j’ai chaud j’ai froid en endurant froidure… » il récitait ça en ancien français dans le texte devant des élèves tour à tour je m’en foutistes,( jeunes branlos de banlieue-petite-bourgeoise-om-tout-va-pour -le mieux dans-le meilleur -des mondes) tour à tour passionnés et médusés par tant de finesse et de classes dans ce paysage de béton mi campagnard mi citadin, il a pris sa retraite maintenant, un peu amer mais content ..je crois…(les derniéres lettres de Rimbaud sous le bras) et un peu éméché aussi…… sur la passion amoureuse on a rarement fait mieux et « La belle cordiére » ça sonne bien comme nom. Ca fait presque nom de groupe de rock.
    @merci Ben, quelle culture !

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  6. SONNET VIII

    « Je vis, je meurs: je me brûle et me noie,
    J’ai chaud extrême en endurant froidure;
    La vie m’est et trop molle et trop dure,
    J’ai grands ennuis entremélés de joie.

    Tout en un coup je ris et je larmoie,
    Et en plaisir maint grief tourment j’endure,
    Mon bien s’en va, et à jamais il dure,
    Tout en un coup je sèche et je verdoie.

    Ainsi Amour inconstamment me mène
    Et, quand je pense avoir plus de douleur,
    Sans y penser je me trouve hors de peine.

    Puis, quand je crois ma joie être certaine,
    Et être en haut de mon désiré heur,
    Il me remet en mon premier malheur. »

    Louise Labé

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  7. En relisant ce sonnet j’ai pris pleinement conscience que les symptômes de la ménopause sont similaire à ceux de l’amour;ça rassure une soixantenaire croyez-moi les petits gars.

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  8. Je rappelle que Louise Labé, dont un poème est cité plus haut, a une existence assez obscure pour qu’un débat ait été lancé il y a quelques années sur sa réalité. Il est question que ses poèmes furent écrits par un collectif de poètes, dont Maurice Scève, pour s’amuser. Ils auraient demandé à une amie, prostituée selon certains, d’incarner cette auteure mystérieuse.
    Moi, je fais partie de ceux qui n’ajoutent aucune foi en cette thèse. Mais elle a le mérite de souligner le fait qu’à Lyon la vie lettrée était très vivante au XVIe siècle.

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