Sculpture et affrontements

RISE, de Wolfgang Buttress

Pendant que les violences éclatent à l’est de Belfast, on érige à la lisière de mon petit ghetto une grande sculpture qui symbolise le soleil qui se lève et l’optimisme de la ville.

« RISE », la sculpture de l’artiste Wolfgang Buttress, basé en Angleterre, prendra place sur le rond-point de Broadway, exactement à l’intersection de deux axes essentiels : l’axe nord-sud de l’autoroute M1, et l’axe est-ouest le long duquel se distribuent les quartiers de Falls Road et du Village. Précisons une fois encore qu’à l’ouest du rond-point, on est catholiques, et de l’autre côté protestants.

Moi, avec mon esprit tordu, quand j’ai vu cette sculpture apparaître petit à petit, j’ai pensé que le but était séparer les communautés par un gros ballon, et de diminuer l’impact des provocations lancées de part et d’autre du rond-point. Mais les journaux et les sites officiels annoncent un tout autre objectif : il s’agira d’accueillir les automobilistes qui entrent dans la ville avec un signe plein de dynamisme, de confiance en l’avenir et de lumière.

Lever de soleil entre le "Village" et "Falls Road"

Hier soir, par ailleurs, pour la deuxième nuit consécutive, des affrontements ont eu lieu de l’autre côté de la ville, là où je n’habite pas. Dans le quartier de Short Strand, où une enclave catholique subsiste dans un environnement largement dominé par les protestants. Entre 400 et 700 personnes ont participé à des jets de pierre, de cocktails molotov et de dégradations de toutes sortes. Des coups de feu ont été tirés, un journaliste blessé à la jambe. Lundi, deux personnes furent blessées par balles.

Comme à chaque fois que cela se produit, c’est-à-dire chaque été, on feint de s’étonner et on annonce que ce sont les pires violences que l’on ait vues depuis une décennie.

Comme toujours, selon qui donne les nouvelles, les responsables des coups de feu sont les républicains dissidents (pro-irlandais) ou les paramilitaires de l’UVF (Ulster Volonteer Force, pro-britanniques). La première version est celle du Belfast Telegraph, qui accomplit une acrobatie rare : l’article commence en désignant les républicains comme coupables, et termine en avouant que le chef de la police refuse de dire qui sont les responsables des coups de feu.  

Nous abordons la troisième génération de combattants communautaires. Dans les années 90, on pensait que le temps de la paix était arrivé car les nouveaux combattants n’étaient même pas nés à l’époque de la Bataille du Bogside en 1969. Aujourd’hui, les plus jeunes de ceux qui lancent des pierres et foutent le feu aux voitures n’étaient pas nés à l’époque des accords de paix de 1998.

5 commentaires sur “Sculpture et affrontements

  1. La culture de l’affrontement est hélas capable de se transmettre sur plusieurs générations. Voir les « histoires corses » de Prosper Mérimée, ou le célèbre « Avril brisé » d’Ismaïl Kadaré.

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  2. Oui, j’avoue que tout est de ma faute. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Hier, j’ai failli récidivé en traversant le campus avec le chapeau vert de la Saint Patrick. Ce n’est vraiment pas le bon moment.

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  3. Hier, ma propriétaire m’a dit qu’un concours allait avoir lieu entre catholiques et protestants, à qui serait le premier à planter un drapeau au sommet de la sculpture. Soit l’Union Jack, soit le drapeau tricolore irlandais.

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