Vers la source du Rhône

Je ne voulais traîner autour du lac Léman sans aller voir le Rhône, le fleuve qui m’a vu naître, avant qu’il ne se jette dans le lac.

De l’autre côté du lac, il faut rouler en direction des montagnes. La nuit est tombée depuis longtemps, et je roule en écoutant la radio. Je ne vois pas les montagnes autour de moi, et je me dis que je m’arrêterai quand je serai fatigué.

Je m’arrête sur un parking, et quand je sors de la voiture, le froid me saisit : j’ai changé de paysage, mes frissons me le disent. Le froid est plus sec, je suis clairement en montagne, à la différence du froid de Genève, qui reste très métropolitain, au fond.

J’entends un bruit d’eau. Je vais voir, en espérant que c’est le Rhône qui coule comme un torrent. Je ne suis pas déçu mais ce n’est pas le Rhône. C’est une cascade.

 Je me réveille le matin environné des Alpes. C’est un enchantement qui me renvoie à mon adolescence. A cette époque, je tenais les hautes montagnes comme l’idéal de tout paysage. Rien n’était plus désirable que d’aller dans les montagnes. Le Massif central me paraissait trop petit, trop bas, pas assez accidenté. J’ai changé, depuis, je me suis assagi et j’ai appris à apprécier les vieilles montagnes des Cévennes.

Le Rhône a cette belle couleur turquoise des cours d’eau bien froids, qui sortent tout juste de leur glaciers.

Mais le lit du Rhône est un peu décevant pour le touriste. Rectiligne, creusé et maîtrisé comme un canal, il n’offre pas les sensations de sauvagerie qu’on aime percevoir quand on ne fait que passer.

 

Les mots du grand Ramuz me reviennent en mémoire. Les montagnes n’ont rien d’éternel, mais sont des vagues de terres, qui s’élèvent et qui retombent. Elles sont dans leur phase descendante aujourd’hui, et si j’étais un être aussi vieux que Dieu, je les verrais retomber aussi lourdement qu’une série de raz de marée. 

Les Alpes, ce n’est rien d’autre qu’une tempête interminable, au beau milieu de l’Europe.

 

3 commentaires sur “Vers la source du Rhône

  1. Un Suisse au restaurant. On vient de lui dire que son pays est petit. Il plisse, plisse encore la nappe, pour faire la forme des Alpes.

    « Là c’est petit, entre mes deux mains, mais si je déplisse, c’est toute la nappe, c’est grand. »

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  2. C’est beau, tout ça, avec l’ombre de Ramuz, on ne parle pas assez de Ramuz.
    Moi, les photos de montagne, ça me donne envie de froid. J’habite la ville la plus chaude du monde, sur la météo de France 24, j’ai envie de neige. On n’est jamais content.

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  3. « Nous ne songeons pas assez que nous vivons dans le relatif et qu’entre la terre et l’eau, et leur massivite, il n’y a qu’une difference de degre; nous ne songeons pas assez que si nous etions seulement plus lourds, nous enfoncerions dans le terrain le plus ferme et que le roc lui-meme cederait sous notre poids (…) qu’ainsi le terre et le roc sont infiniment plastiques, ont leur maree, leur point d’intumescence et leur point de retombement, sans cesse soumis a des forces qui les deforment, les reforment, ne jouissant a aucun moment du repos dans la magnificence, dont nos Alpe, par exemple, nous semblent presenter l’image. »

    C.F. Ramuz, Vues sur le Valais (Bale, 1943).

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