Deux poids deux mesures : le colonialisme d’Israël

On juge toujours d’Israël différemment que des autres espaces humains. Les uns disent que l’on ne peut pas critiquer Israël sans être accusé d’antisémitisme, les autres qu’on s’acharne sur Israël au point d’oublier que d’autres peuples souffrent davantage que les Palestiniens. L’expression à la mode, c’est « deux poids deux mesures ».

Il existe un problème de jugement avec Israël. On n’ose pas, on ose trop, on est gêné, on est excessif. Avec la Russie, la Syrie, la Chine ou la Corée du nord, c’est plus facile de hurler avec les loups et d’agonir les tyrans. Même quand les tyrans sont américains, on ne connaît pas de délicatesse pour les critiquer. Avec Israël, les « pro » et les « anti » dénoncent également un « deux poids deux mesures » qui cache la vérité.

Alors pourquoi ce « deux poids deux mesures » ?

Il y a certainement de nombreuses raisons, dues à la singularité du peuple juif, à ce qui s’est passé pendant la guerre, et à tant d’autres choses. Pour ma part, j’y vois deux raisons principales  : d’abord les Israéliens au pouvoir sont des juifs d’origine européenne et non des orientaux, donc quand ils agissent mal ils nous font honte à nous. Deuxièmement, surtout, il s’agit d’un projet colonisateur qui s’est mis en œuvre à l’époque des décolonisations. La création d’Israël (1948) s’est donc faite au rebours de l’histoire mondiale. Au moment où tous les peuples se soulevaient pour recouvrer le droit de se diriger par eux-mêmes, où toutes les puissances coloniales commençaient à refluer, les Nations unies légitimaient un événement contraire à cette immense vague. « Ici, en Palestine, ont dit les États-Unis, des Blancs s’imposeront et prendront de la terre, puis ils en occuperont tant qu’ils voudront. »

Voilà pourquoi il y a « deux mesures » chaque fois qu’il y a « deux poids » : l’impérialisme de Poutine n’a pas le même poids que celui de Sharon, mais surtout on ne le mesure pas avec les mêmes instruments. Il y a quelque chose de scandaleux, d’incompréhensible, à voir ces nouveaux venus en Terre-sainte écraser ceux qui habitaient là, au nom même du livre sacré qui a contribué à fonder l’Europe de l’humanisme.

7 commentaires sur “Deux poids deux mesures : le colonialisme d’Israël

  1. Je ne comprends pas très bien ta notion de colonialisme. personnellement, je ne vois pas vraiment Israël comme un projet colonial, en tout cas pas dans le même sens que dans celui de la colonisation de l’Afrique par des Européens. les Israéliens avaient quand même un lien historique avec la terre de Palestine, et d’autre part les Arabes eux aussi ont envahi la Palestine vers le 7e siècle. Parler de colonisation aujourd’hui, ça ne veut plus rien dire, sauf peut-être dans le cas des implantations hébreu à Jérusalem est ou en Cisjordanie. Si on remonte dans le temps, tout Etat est colonial. Qui peut prétendre être chez lui là où il est? personne absolument parlant, ou tout le monde dans les faits, dès qu’il s’y installe et réussit à rester, les Israéliens autant que les Palestiniens.
    Moi-même, Stéphanois, je suis sûr que j’ai des ancêtres Cro-magnon qui ont colonisé et peut-être même exterminé des Néanderthal dans la région Auvergne. Et c’est pas un viking barbare qui va nous donner des leçons d’anti-impérialisme.

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  2. Veux-tu dire, mon bon Ben, que les Israéliens étaient là il y a deux mille ans, et qu’ils ne font que reprendre possession d’une terre qui était leur ? Les historiens ont montré que cela n’était qu’un mythe. Shlomo Sand, professeur d’histoire à l’université de Tel Aviv, écrit que les juifs de l’époque biblique sont pour la plupart restés en Terre sainte et pour beaucoup sont devenus musulmans. Si bien que les vrais descendants des tribus de Judée sont les paysans palestiniens. Les juifs européens, eux, sont des descendants d’Allemands, de Français et de Polonais convertis il y a longtemps. Ils ont autant de rapport de « liens historiques » avec la terre de Palestine que les adorateurs du bébé nazaréen.

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  3. Maintenant, moi je n’ai jamais dit que cette terre appartenait à tel ou tel, ni que telles personnes n’étaient pas chez elles. Je suis d’accord pour dire que nos Etats se sont fondés par des annexions et des guerres de conquêtes. Mais enfin il y a des époques pour cela, quoi. La preuve par le Tibet : tout le monde trouvait normal que les Yuan envahissent le Tibet au XIIIe siècle, et soudain, en 1950, c’est devenu choquant que l’armée chinoise retourne à Lhasa.

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  4. L’exemple israelien montre bien justement le contraire de la loi générale que tu avances. On vit dans une époque où un Etat peut annexer des territoires conquis par les armes depuis 1967 et s’y maintenir au mépris de toutes les résolutions internationales.

    Par ailleurs, il est bien évident que le lien de chaque peuple avec une terre est essentiellement mythologique, mais il n’en est pas moins légitime. On ne peut pas demander aux gens de ne plus croire que leur terre est la terre de leurs ancêtres, même si c’est partiellement faux.

    Il me semble que tu disais récemment que la solution serait que Juifs et Palestiniens coexistent pacifiquement dans une Palestine démocratique – non dans un Etat d’Israel juif. Mais comme tu le remarquais aussi, la démographie palestinienne ferait que cette Palestine serait un Etat arabe. Or actuellement, il n’y a presque plus un seul Etat arabe, à l’exception du Liban et peut-être Maroc, dans lequel une minorité juive ou même chrétienne puisse vivre en paix et à égalité avec le reste de la population. Dans ces conditions, on peut comprendre la volonté israelienne de protéger à tout prix ce qu’elle considère comme son existence. Maintenant, il est évident que la disproportion des moyens militaires utilisés rend cette volonté insoutenable sur le long terme. Mais la perspective d’une grande Palestine islamiste arabe englobant l’actuel Israël en état de guerre civile entre Fatah, Hamas, Hesbollah et Juifs n’est pas non plus enchanteresse.

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    1. Oui, je ne vois rien de bon dans la constitution d’Etats ethniques et théocratiques, dirigés ici par les juifs, et là par des musulmans. Cela ne me paraît pas désirable. Or, comme les juifs et les musulmans ont toujours vécu en bonne intelligence, je suis tout simplement en faveur d’un retour à la normale en Palestine.

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