ZAD, discuter sur la barrière

Nous sommes entre midi et deux, les gendarmes sont en train de manger et les routes sont libres. Nous atteignons sans encombre la Maquizade : au bord de la route, une barrière bricolée et colorée, une tente de fortune pour ceux qui sont en poste. C’est l’accueil. Au cas où personne ne ferait le gué, une pancarte est adressée à la presse pour indiquer aux journalistes la marche à suivre : présentation de la carte de presse, du média, de l’employeur, des raisons de leur présence, de l’article ou du reportage prévu. Un numéro de téléphone et une adresse électronique sont donnés. La demande journalistique sera discutée « en AG » et une réponse sera donnée sous peu.

Un peu plus loin, sur la zone à défendre, une grande maison semble être le camp de base des zadistes. C’est la maison forestière, qui a dû être prise d’assaut. De la maison viennent les cafés, les vivres et les info pour les militants de la barrière.

Nous sommes gentiment accueillis par deux jeunes hommes habitués aux médias. Ils nous écoutent et ne voient pas l’intérêt de notre projet de documentaire. Je laisse Catherine parlementer, expliquer notre démarche. Les zadistes accusent l’ensemble des médias de faire des papiers tendancieux et éloignés de la vérité, et dans le même temps, n’ont pas très envie de nous laisser voir la réalité.

L’un des points d’achoppement est que la maison forestière, ainsi que l’ensemble de la zone, est en fait leur lieu de vie, et qu’il s’agirait pour nous de nous immiscer dans leur intimité, leur quotidien, et d’y poser des questions, ce qui est un peu trop intrusif. « C’est la même chose que dans tout collectif autogéré, toute communauté. Imaginez qu’on vienne faire un reportage dans votre salon, et qu’on vous pose des questions au petit déjeuner. »

Catherine proteste du fait qu’il ne s’agit pas du tout d’une simple communauté : ils occupent illégalement un site qui était promis à de grands travaux, donc ils savaient dès le début que leur geste était politique, attirerait l’attention des forces de l’ordre et des médias, il n’est donc plus question d’intimité. Ils sont obligés d’accepter, en effet, que l’on s’intéresse à eux. Dans leur aventure, même prendre un café est un geste politique.

Ils en ont conscience, c’est pourquoi ils ne nous ferment pas la porte, ne montrent aucun signe d’hostilité, et finalement nous proposent d’aller nous promener sur la zone pour nous faire une idée par nous-même. Sur ce point, zadistes et gendarmes adoptent le même ton et les mêmes méthodes : ils érigent des barrages, demandent des papiers et des cartes de presse, mais affirment que tout le monde est libre d’aller et venir à pied, comme bon nous semble.

Ils nous prêtent des gilets jaunes, car c’est la règle, les journalistes doivent porter des gilets jaunes. Nous sommes accueillis dans la maison forestière, bien chauffée au feu de bois. Des filles font des crêpes pour toute l’équipe. Les crêpes partiront dans les différentes directions, les différentes zones où les cabanes sont en train d’être construites, et où vivent des zadistes.

2 commentaires sur “ZAD, discuter sur la barrière

    1. « Dans leur aventure, même prendre un café est un geste politique. »
      Ce que je veux dire par là, c’est que leur acte politique est d’occuper un territoire, donc tous les moments de vie, même les plus calmes, les plus vides d’action, sont une partie du combat. Comme dans les tranchées d’un front, les soldats sont à la guerre même quand il n’y a pas d’obus qui tombent et qu’ils lisent un roman. D’ailleurs, en parlant de roman, le jeune qu’on a pris en covoiturage, pour le trajet du retour, nous a dit qu’il y avait une bibliothèque dans la maison forestière.

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