Les enseignements de spécialités au lycée

Vous ne le savez peut-être pas mais les élèves de terminale vont passer la semaine prochaine les épreuves anticipées du baccalauréat. On appelle cela les épreuves de « spécialité ».

Depuis la réforme du premier mandat du président Macron, les élèves doivent choisir, en plus des disciplines obligatoires comme la philosophie, le sport et l’anglais, deux enseignements spécifiques dans lesquels ils devraient pouvoir s’épanouir. Ce sont les EDS, « Enseignement de Spécialité ». On y trouve des sciences, des lettres et des arts.

Les spécialités les plus prisées sont sans surprise les mathématiques, l’économie, la physique-chimie, la biologie (SVT), et l’histoire-géographie. Celle que j’enseigne au lycée s’appelle « Humanités, Littérature & Philosophie » (HLP). Nous l’enseignons à deux, un enseignant de lettres et un de philosophie, à raison de 6 heures par semaine, auxquelles s’ajoutent les 4 heures de philosophie obligatoires pour toutes les terminales. Naturellement, peu d’élèves choisissent cette spécialité car ils n’ont jamais fait de philosophie auparavant ; de plus, ceux qui aiment le français ne voient pas forcément de débouché professionnel dans une formation qu’ils jugent excessivement littéraire.

À titre personnel, j’aime enseigner cela car je suis passionné de littérature, mais je note deux effets pervers dans ce nouveau système.

  1. La philosophie est en passe de devenir une discipline accessoire dans le parcours des élèves. Beaucoup d’entre eux pensent qu’elle ne sert à rien et cette nouvelle organisation, qui met l’accent sur des spécialités, leur confirme qu’ils n’ont pas d’efforts particuliers à fournir pour réussir leur baccalauréat.
  2. En l’associant avec la littérature, les élites qui nous gouvernent rendent la philosophie inaudible à tous les esprits plutôt tournés vers les mathématiques, les sciences et les sciences sociales.

Le dernier texte que j’ai fait expliquer à une de mes classes était signé Karl Marx ; il traitait de la place que prend la religion dans une organisation sociale et politique. C’est un texte qui aurait pu avoir sa place dans des enseignements d’histoire, de sciences économique et sociale, ou de science politique.

Faire de la philosophie une discipline strictement littéraire est une grave erreur car cela la range dans un ghetto, l’ampute de ses membres scientifiques et logiques. Cela contribue à la marginaliser.

Un commentaire sur “Les enseignements de spécialités au lycée

  1. Ça me fait penser à une brève de Joachim du Bellay :

    « Je me ferai savant en la philosophie,
    En la mathématique et médecine aussi :
    Je me ferai légiste, et d’un plus haut souci
    Apprendrai les secrets de la théologie :

    Du luth et du pinceau j’ébatterai ma vie,
    De l’escrime et du bal : je discourais ainsi »

    (…)

    http://www.paradis-des-albatros.fr/?poeme=bellay/je-me-ferai-savant-en-la-philosophie

    mais cette proclamation ne lui sert qu’à déplorer son échec dans toutes ces spécialités.

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