Femme blanche et voix off

Une société de production avait besoin de voix d’hommes français pour un documentaire. On m’avait fait miroiter de longues heures de travail et beaucoup d’argent, ce qui n’était pas pour m’attirer terriblement, sauf que j’aime ce qui miroite. Miroitements et flamboiements sont les mamelles des mes émerveillements.

Ma première motivation fut l’opportunité de rencontrer de belles Blanches. Dans mon imagination, dans ce milieu de la production, des voix-off, des publicités, des reportages, beaucoup de femmes de toutes les races devaient graviter. Or, à ce moment-là de ma vie, les Blanches représentaient un exotisme certain. Et puis, si je réfléchissais bien, je n’avais été heureux durablement qu’avec des Blanches, dans ma vie, alors il était peut-être temps de revenir à elles.

Le casting passé, je me retrouvais dans le studio d’enregistrement insonorisé, un casque sur la tête, à lire le texte de personnes interviewées. Des Chinois de tous âges et de toutes origines socioprofessionnelles.

Après la lecture des paroles d’un acteur, j’entends une voix gênée qui me dit : « Un peu plus jeune, c’est possible ?

– Oui, quel âge a-t-il ? » 

On me dit un âge qui était exactement le mien ! Est-ce à dire que j’ai une voix de vieux ?

Seul dans ma boîte, je devais, dans le silence et entouré de micros, interdit de bouger et presque de respirer, me tenir prêt pour, à la seconde voulue par le technicien en chef, dire le texte d’une voix « plus jeune ». Sans répétition, sans personne qui me montre ou qui m’explique. Ils parlent comment, les gens de mon âge ?

Ils enregistrèrent mon deuxième essai sans faire de commentaire. Il était l’heure de passer à un vieux tailleur de pierre, qui était « un moine, donc assez spirituel, mais énergique quand même, tu vois, genre chef d’entreprise. » 

Ah ? Quel âge ?

Puis ce fut le tour d’un maître d’arts martiaux qui « parle pour lui-même, tu vois, tout en puissance rentrée, donc tu dois être hyper zen mais en même temps hyper self control, genre Bruce Lee mais en plus sage, en plus méditatif. »  Les transformations que je devais faire sur moi pour me mettre dans la voix de ces personnes revenaient à faire de véritables voyages. Je cherchais, dans le silence du studio capitonné, le moine en moi, le kung fu master en moi, la star de cinéma en moi… Il y a un monde en moi, c’est une vraie cour des miracles. En revanche, en fait de femmes blanches, ça n’a pas été le Pérou. La seule que j’y ai vue est la compagne d’un copain, et il n’y avait aucune autre femme de quelque couleur que ce fût.  

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