L’amour des juifs plutôt que leur crainte

Je voudrais préciser que je suis un grand admirateur de nombreuses personnes de confession juive du monde entier. Non seulement j’ai des amis chers parmi eux, des juifs de France, des Etats-Unis, d’Israel, mais mon respect va beaucoup plus loin. J’ai lu avec passion de nombreux auteurs juifs qui m’ont influencé et m’ont construit. Ce que je leur dois à titre personnel est important. En tant que Français, je tiens pour un motif de fierté le fait que mon pays possède la plus forte communauté juive de tous les pays européens, et j’appelle de mes voeux qu’elle aille s’accroissant car ce que les juifs ont apporté à mon pays et à ma culture est très positif. Ce serait un malheur, une catastrophe, s’ils devaient tous émigrer je ne sais où, au moyen-Orient ou en Amérique.

On ne peut pas faire moins antisémite que moi.

Or, récemment, on a insinué que j’étais antisémite. Qui ? Des amis, qui n’étaient pas contents que je défende le travail de l’humoriste Dieudonné. Ils pensaient que, du fait que je ne trouve pas révoltants ses propos (mais quels propos, je ne le sais toujours pas), je devais être moi-même, quelque part, peut-être un peu antisémite. Ou qu’en tout cas, mon attitude « ambiguë » valait la peine que l’on s’inquiétât pour moi. Ces insinuations sur le fait que je serais, sinon antisémite, du moins compréhensif à l’égard de ceux qui le sont, me sont une douleur et me paraissent répugnantes.

J’ai monté ce blog en juillet 2007, et je l’ai fait héberger par lemonde.fr car c’est le journal en ligne que je lisais chaque jour. De plus, comme j’habitais en Chine, la censure bloquait les sites étrangers et se faire héberger par ce journal permettait de travailler sans se soucier des cyberpoliciers chinois. Pendant plusieurs mois, La Précarité du sage était référencé dans la sélection du monde.fr. Il y figurait quelques semaines, puis il en disparaissait quelques jours, puis il y réapparaissait, bref c’était un habitué de la sélection du journal. Du jour au lendemain, il en fut écarté, et de manière définitive. Cette exclusion a coïncidé avec un billet que j’ai écrit sur un humoriste, intitulé Dieudonné et les « nouveaux médias ». Ce billet date de septembre 2007, il est vieux de deux ans. Depuis cette date, ou plutôt depuis la fin de la discussion auquel il a donné lieu, mon blog s’est plutôt amélioré, pas tant au niveau de l’écriture qu’au niveau des recherches qui y trouvent leur théâtre, et pourtant, les modérateurs du monde.fr n’ont plus eu le goût de lui donner le plus faible écho.

Ils avaient d’abord, à une certaine période, tenté de bloquer quelques commentaires, puis ont décidé, semble-t-il, de ne plus prêter la moindre attention à ce blog. C’est leur droit et je ne leur en veux pas. Je ne fais aucune réclamation ni ne crie à l’injustice. Je souligne un petit fait intéressant qui illustre le climat de terreur qui accompagne toute référence aux juifs, à Israel et à ce qui entre en résonnance avec ces sujets-là. Dieudonné fait partie de ces sujets tabous qu’il est préférable, semble-t-il, de ne toucher que pour en dire le plus grand mal.

Pourtant, je crois n’avoir jamais dit quoi que ce soit sur les juifs, et il me semble bien que tout ce que j’ai jamais écrit sur eux se trouve dans ce billet, sous forme d’hommage sincère et respectueux.

Je ne me sens pas menacé, ni intimidé, ni bâillonné, mais à l’heure où ce même humoriste, Dieudonné M’Bala M’Bala, est tenu de s’expliquer devant la justice, comme le dit un article du Monde de cet après-midi, je rappelle ce micro-événement concernant mon blog car c’est avec une chaîne de micro-événements qu’on crée un climat, puis une influence et enfin un pouvoir. Le pouvoir médiatique a décidé d’effacer Dieudonné du paysage, c’est ainsi. D’abord en en parlant beaucoup et en contrôlant le contenu des paroles, pour le rendre abject, puis en cessant d’en parler, et en réduisant au maximum l’audience de ceux qui en parlent. L’article du Monde auquel je viens de faire référence est déjà retiré de la page d’accueil du monde.fr pour être recalé dans les archives, après deux heures d’existence.

Ce n’est pas avec ces méthodes qu’on va faire apprécier la culture et la communauté juives. Mais j’y pense, le but n’est pas de faire apprécier quoi que ce soit, le but est de propager la crainte. Je comprends le désir de se faire craindre, quand on est menacé, mais je crois que les médias auraient une meilleure carte à jouer, une autre stratégie à adopter, qui privilégierait l’admiration sur la peur, et le partage intellectuel plutôt que la menace et l’insinuation.