Lecture des « Femmes », sourate IV. Une part de l’héritage

Le sage précaire lit le coran selon un mode de lecture dynamique. Quand le coran édicte un principe, ce n’est pas pour dire que cela doit être ainsi pour l’éternité, statique et gravé dans le marbre. Il faut comprendre le but dans lequel est édicté le principe et s´efforcer vers ce but. Ici, c’est la justice et l’équité.

Trop de personnes commettent l’erreur de croire que l’islam impose pour toujours un partage brutal et définitif des héritages. On cite le verset qui dit : au fils, une part équivalente à la part de deux filles. Et les gens de crier : voyez comme l’islam est sexiste ! Une fille ne vaut que la moitié d’un garcon. Cette erreur vient d’une lecture statique du coran.

Au moment où le coran vient sur terre, les filles n’héritent de rien du tout par principe. Les filles, on leur donne ce qu’on veut, c’est à la discrétion des hommes, et surtout, on ne leur garantit aucune part. Dans l’antiquité, la vie et la fortune des filles sont subordonnées au bon vouloir et à la sagesse de leurs tuteurs.

Le coran vient pour dire aux hommes : arrêtez de vous croire tout-puissants avec les femmes. Les femmes sont des créatures de Dieu comme vous. Certains pouvaient être tentés de dire que l’homme adore Dieu et que la femme doit vénérer son mari ; certains comprennent l’épitre aux Éphésiens de Paul dans ce sens, mais ils manquent de générosité avec Paul.

Le coran vient remettre les choses au clair. Non seulement il faut aimer sa femme comme le dit Paul, mais il faut aller plus loin que cela. Considérez les femmes comme des sujets de droit ; dans un héritage, il leur revient même une part à part entière. Il n’est pas suffisant de donner un beau cadeau à sa femme pour lui faire plaisir et de garder tout le reste pour soi et ses affaires. Une femme a beau ne pas être en charge de l’administration et de la

gestion des biens, elle a le droit d’avoir ses propres biens et d’en user comme bon lui semble, car une femme est un être adulte. C’est une révolution car on n’avait pas encore vu cela. Rappelez-vous que les filles de l’aristocratie britannique n’avaient aucun droit à l’héritage encore aux XIXe et XXe siècle, (comme l’illustrent les romans de Jane Austen ou la série Downton Abbey). Le fait qu’elles aient une part d’un héritage est tellement nouveau que ce doit être une avancée inscrite comme une loi divine. D’où le verset 7 :

Aux hommes revient une part de ce qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches ; et aux femmes revient une part de ce qu’ont laissé les père et mère ainsi que les proches. Que ce soit peu ou beaucoup, cette part est une obligation.

Coran, IV, 7

Le mot arabe pour dire « obligation » est Mafrudan, qui renvoie à un devoir impérieux, non pas une recommandation. La même racine est utilisée pour le mot qui désigne les piliers de l’islam (prière, jeûne, charité, etc.).

Il est donc obligatoire d’un point de vue légal et d’un point de vue religieux de garantir des droits aux enfants, parmi eux aux orphelins et par dessus tout aux femmes. Et dans d’autres sourates il sera noté que les femmes ont autant de dignité que les hommes, qu’on peut les prendre comme témoin dans des affaires de résolution de conflit, etc.

Je me permets de le dire aux islamophobes ainsi qu’aux musulmans intégristes : le coran ne demande pas qu’aujourd’hui les filles héritent moins que les fils. Croire cela n’est pas faire justice à la sagesse de la religion.

Le témoignage d’un sage : Rony Braumann

C’est un homme de confession juive qui est né en Israël et qui a grandi dans une adhésion naturelle au projet sioniste.

Son récit de vie est intéressant et sa manière de mettre en perspective sa biographie intellectuelle est passionnante.

L’entretien que je mets ici en ligne est l’épopée d’une conscience qui se libère de ses dogmes et qui cherche une voie droite dans un monde tordu.

La lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée

21 février 1944, Fresne

Ma chère Méline, ma petite orpheline bien aimée. Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, j’y ne crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je técrire, tout est confus en moi et bien claire en même temps. Je m’étais engagé dans l’armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et de but.

Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goutter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. J’en suis sûre que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoir dignement. Au moment de mourir je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit. Chacun aura ce qu’il meritera comme chatiment et comme recompense. Le peuple Allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous ! — 

J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendu heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre sans faute et avoir un enfant pour mon honneur et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je lègue à toi et à ta sœur et pour mes neveux. 

Après la guerre tu pourra faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat regulier de l’Armee française de la Libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer tu feras éditer mes poèmes et mes ecris qui valent d’être lus. Tu apportera mes souvenirs si possibles, à mes parents en Arménie. Je mourrais avec mes 23 camarades tout à l’heure avec courage et serénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellment, je nai fais mal à personne et si je lai fais, je l’ai fais sans haine.

Aujourd’hui il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que jai tant aimé que je dirai Adieu ! à la vie et à vous tous ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal où qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous à trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendu. 

Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaisse de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.

Ton ami

Ton camarade

Ton mari

Manouchian Michel (djanigt)

P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la Rue de Plaisance. Si tu peus les prendre rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M

Edgar Morin témoigne pour sauver les Juifs lors de la chute d’Israël

Dans cette affaire, en plus de vouloir faire preuve d’humanité face au calvaire infini que vivent les Palestiniens, l’intellectuel juif Edgar Morin songe aussi à sauver l’honneur des Juifs.

Il sait, comme nous le savons, comme tous les humains savent autour de la terre, qu’Israël se rend coupable de crimes tellement graves qu’il est en train d’incarner le mal absolu dans l’esprit des hommes. Une rengaine simpliste est en train de devenir réalité : ceux qui furent persécutés par les nazis font aux autres ce que les Nazis leur ont fait. La comparaison avec Hitler et les SS devient irrésistible : mépris, racisme, animalisation de l’autre, victimisation de soi, déportation à des fins d’épuration, jusqu’au boutisme.

Ce n’est pas être gauchiste que de dire cela. Le monde entier regarde désolé ce qui se passe à Gaza et songe à cette analogie trop facile pour être vraie : Israël = Troisième Reich. Trop facile mais trop puissante pour être réfrénée par les arguties justificatrices de nos intellectuels organiques de plateaux télé.

C’est pourquoi de nombreux intellectuels juifs sortent en plein jour et dénoncent les crimes d’Israël. Il est urgent de briser le lien entre Juifs et Israël. Il faut sans arrêt clamer l’amour des Juifs et « témoigner » contre Israël. C’est ce que fait Edgar Morin dans cette vidéo bouleversante.

Malheureusement, l’analogie ne s’arrête pas là. Elle se poursuit dans l’avenir. Israël n’a pas plus d’avenir que l’Allemagne nazie. Dès 1942, on savait que l’Allemagne allait perdre la guerre mais il a fallu bien des batailles et de sang versé avant qu’elle capitule. Dès 2024, les hommes ont compris qu’Israël ne pourra pas durer, que son existence est menacée à court terme par sa propre ignominie, sa propre violence autodestructrice, mais combien de sang versé encore ? Et pour combien de temps ?

Qui est responsable de tous ces massacres ?

C’est triste à dire, mais Israël est le seul responsable de la tragédie qui a lieu sous nos yeux au Proche-Orient.

Notre amour des Juifs, notre admiration pour les cultures juives dussent-ils en souffrir, Israël est le coupable de ce qui se passe car il est le dominant.

Quand les Ouïghours commettent des attentats pour se libérer de la tutelle chinoise, personne ne proteste. On n’aime pas les attentats, les actes terroristes, les attaques au couteau, mais on ne dit rien. Quand l’armée chinoise réplique par des massacres, des camps de concentration et des tortures, on dénonce la Chine. Cette dernière nous accuse alors de faire un « deux poids, deux mesures ». Ils disent : ces attentats ouïghours sont le plus grand massacre de Chinois depuis le Viol de Nankin de 1937, mais cela n’émeut pas l’Occident, ni personne d’autre.

Il y a une raison à cela : quand vous êtes dominant, vous êtes responsables de ce qui se passe sur le territoire. L’État français est responsable (et même coupable) des révoltes paysannes actuelles, des soulèvements de type Gilets jaunes, des émeutes urbaines et des mouvements sociaux. L’État français sait que faire pour éviter ces incessants soulèvements, mais décide en conscience de brutaliser les pauvres et les travailleurs. C’est son choix, il en paie le prix, pour l’instant ce qu’il en retire (les dividendes de son action en faveur de la finance) lui paraît convenable, et cela durera le temps que cela durera. Mais l’État français, quoi qu’on dise, mérite de voir son peuple se révolter.

Les puissances dominantes doivent assumer leur position en assumant la responsabilité de ce qui leur arrive.

La Chine est responsable des mouvemements séparatistes tibétains et ouïghours.

La France est responsable des émeutes et des soulèvements populaires qui éclatent sur son territoire.

Israël est responsable des massacres ignobles qui ont lieu en Palestine.

On parlera du Hamas, quitte à le dénoncer, quand les Palestiniens auront un État digne de ce nom.

Averroès a-t-il souffert d’être philosophe ?

Ibn Rochd était un des grands intellectuels du Moyen-âge européen. Né en Espagne en 1126, sa langue était l’arabe mais je ne sais pas quelle était son ethnie. Il était peut-être descendant de l’aristocratie wisigoth convertie à l’islam trois cents ans plus tôt. L’Espagne était alors arabophone depuis les années 800.

Ibn Rochd est donc connu pour être un grand philosophe, tirant ses théories entre autres de ses lectures d’Aristote. Comme beaucoup de penseurs médiévaux, il tâcha de concilier la religion et la rationalité, les vérités révélées et les vérités démontrées.

On nous dit que son travail philosophique lui valut des persécutions de la part des autres musulmans. La preuve, il fut exilé et termina sa vie au Maroc, en 1198.

Est-ce vrai ? Était-il interdit de faire de la philosophie dans l’empire islamique ? Le film de Youssef Chahine semble aller dans cette direction, ainsi que la notice Wikipedia d’Averroès. Je pense qu’il faut regarder les choses avec nuance.

1. Ibn Rochd a profité de la culture de son époque, de ses traductions et de ses institutions. Il n’a pas étudié en clandestin.

2. Il appartenait à une grande famille de juristes et devint lui-même le grand cadi (juge suprême/préfet) de Séville, puis de la grande Cordoue. C’était un notable puissant, un homme de grand pouvoir, probablement proche des leaders.

3. Sa connaissance de la philosophie était appréciée du pouvoir islamique en place puisque ce sont des princes qui lui ont demandé d’écrire des vulgarisations de la pensée d’Aristote.

4. Il fut nommé médecin du sultan. Sans commentaire.

Mais alors pourquoi fut-il persecuté, calomnié, expulsé ? Pourquoi ses livres furent-ils brûlés ?

Parce qu’il y eut un changement de régime et que les nouveaux leaders firent ce que l’on faisait toujours au Moyen-âge pour se débarrasser d’anciens régimes et de potentats locaux : ils tuèrent, traitèrent d’hérétiques, instruisirent des procès en impiété, exproprièrent, bannirent.

Quand un pouvoir a besoin de savants, il en crée. Quand le même pouvoir est mieux servi par des religieux fanatiques, il écrase les savants. Puis quand il a besoin de séduire tel partenaire, il écrase ses soutiens fanatiques et met de nouveaux favoris en avant.

À mon avis, il ne faut pas chercher beaucoup plus loin la grâce et la disgrâce d’Averroès.

Hitler ou Moscou ? D’André Germain

La fiche Wikipedia d’André Germain n’existe qu’en allemand car l’écrivain a laissé une trace plus vive à Berlin qu’à Paris. À tel point d’ailleurs qu’il aurait inspiré un personnage du roman Mephisto de Heinrich Mann alors qu’il n’a rien inspiré à personne en France. Nul n’est prophète…

Ce n’est donc pas étonnant que j’aie pu trouver ses livres en éditions originales à la Bibliothèque nationale de Bavière. J’ai emprunté notamment Hitler ou Moscou ? publié en 1933 chez Denoël. Contrairement à ce que le titre laisse penser il s’agit d’un récit de voyage, ou d’une série de rencontres, de portraits et de reportages en Allemagne, à un moment très précis de l’histoire. Le livre est entièrement écrit entre les élections de 1932, qui ont donné la majorité relative à Hitler, et la nomination de Hitler au poste de chancelier. C’est donc le portrait d’une nation nerveuse, énervée, à bout de nerfs.

Au début du livre, on ne sait pas encore si Hitler va gouverner le pays, s’il accepterait un poste de ministre dans un gouvernement de droite, s’il sera capable de travailler en coalition. Germain insiste sur le fait que ses supporteurs sont fanatiques et qu’au moindre faux-pas la jeunesse nazie peut passer aux communistes.

Car selon notre voyageur qui était brillant germaniste, la vie en Allemagne réside aux extrêmes.

L’Allemagne est saturée d’esprit révolutionnaire. L’observateur impartial sent de plus en plus que la force et la vie sont aux extrêmes, aux extrêmes révolutionnaires de gauche et de droite.

André Germain, Hitler ou Moscou ?, 1932, p. 107.

Il admire les communistes et les nationaux-socialistes, et nomme « bouillie » les partis démocratiques qui font vivre la république de Weimar. Chez les communistes, il admire surtout les grands écrivains. Il fait la recension de plusieurs pièces de Brecht, notamment,

À la fin du livre, Hitler a bien été nommé chancelier et on comprend que la preférence de Germain, s’il fallait choisir, pencherait plutôt pour Hitler que pour Moscou. Non par haine des juifs car Germain ne semble pas habité par cette maladie, mais par un raisonnement bizarre selon lequel les nazis incarnent involontairement un projet chrétien, et qu’il faut bien faire un choix de civilisation en définitive. Quand les peuples et les médias soortent de leurs gonds, ils ressortent les vieilles chimères civilisationnelles, comme aujourd’hui et les vieux racismes qui exultent.

Dans les nationaux-socialistes on ne voit plus que des antisémites. C’est confondre la partie avec le tout ; ou plutôt c’est attribuer une importance excessive à un phénomène infiniment regrettable, mais qui s’atténuera, sous la pression des problèmes plus profonds.

Ibid., p.209.

Germain ne pouvait pas se tromper davantage. L’extrême-droite massacre les innocents précisément pour cacher les problèmes plus profonds.

La marche de 12 novembre

Dimanche 12 novembre, une marche a été organisée par la présidente de l’assemblée nationale pour soutenir Israël dans sa vengeance terrifiante sur la population palestinienne. Pour faire passer cette pilule amère, Mme Braun-Pivet a dit que ce serait pour dénoncer l’antisémitisme en France.
Sans même regarder les reportages qui ont rendu compte de cet événement, je sais déjà ce qui en sera dit à droite et à gauche car la manipulation est de mise dans le discours médiatique.
Ce qui est inquiétant, dès qu’on s’approche de la terre sainte, c’est la façon dont les journalistes français ne sont plus capables de penser par eux-mêmes. La petite émission d’analyse des médias que je mets en exergue ci-dessus fait un point sur le malaise qui a empêché notre champ journalistique de faire son travail depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre.

Voici les trois étapes de l’enfumage pro-israélien orchestré par la présidente de l’assemblée nationale :

1. En séance, elle déclare son « soutien inconditionnel » à Israël.

2. En Israël, elle fait corps avec l’un des belligérants et déclare que « rien de doit empêcher Israël de se défendre ».

3. De retour en France elle appelle la France entière à défiler en soutien au même belligérant. Ce soutien est explicite dans le texte d’appel publié dans Le Figaro et dans les drapeaux exhibés pendant la marche.

Conclusion : il était préférable de boycotter ce défilé, mais ceux qui ont voulu s’y rendre doivent avoir la paix.

Strasbourg, ô Strasbourg !

Hajer aprés une nuit passée dans la voiture

Strasbourg est une ville stimulante pour l’esprit car elle est allemande et elle est française mais le voyageur se trompe souvent sur ce qui fait d’elle une ville allemande et une ville française.

La cathédrale par exemple. Qui peut dire que c’est typiquement allemand ? Il me semble que le gothique est surtout né en France, mais que son expression tardive, dite « gothique flamboyant » est plus visible outre Rhin. En tout cas oui, le sage précaire a toujours été arrêté, interdit, presque effrayé devant la cathédrale de Strasbourg. La première fois que je l’ai vue, c’était dans les années 1990, avec Ben, mais j’ai oublié la raison et l’occasion de notre virée à Strasbourg. Ce que je n’ai pas oublié, c’est l’émotion violente que j’ai ressentie au contact de ce monument extraordinaire. En marchant devant, hier, Hajer me disait que ça lui faisait peur. J’imagine les gens du Moyen-âge. Leur frisson sacré.

La place de la République, aussi, est typique de cette incertitude, (ou devrait-on dire oscillation ?) entre France et Allemagne. Nous l’avons découverte après la nuit passée dans la voiture, et après le premier café pris à l’hôtel de Royan. En tournant autour de cette place, j’ai d’abord pensé que c’étaient des constructions françaises. L’architecture générale me faisait penser à Paris ou à Lyon. Puis en tournant une deuxième fois autour de la place, on voit un symbolisme qui renvoie à l’empire plutôt qu’à la république. On gare la voiture pour regarder les monuments de plus près car il nous semble que là, sur cette place, Strasbourg nous crie son histoire.

Des figures d’écrivains allemands apparaissent sur une des façades, et nous nous avisons qu’il est écrit en lettres d’or surajoutées : « bibliothèque nationale universitaire ». Cette façade célèbre des écrivains de langue allemande sur sa moitié droite, et de l’autre côté Molière, Shakespeare, Dante et Calderon, c’est-à-dire le reste de l’Europe. Si les Français avaient bâti cette bibliothèque, ils auraient mis des auteurs de langue française et à mon avis seulement Goethe du côté européen.

Nous avons adoré nous promener à pied et en voiture dans cette ville romantique et douce. Les arbres étaient jaunes et ocres en bord de rivière. D’énormes oiseaux sombres, des espèces d’oies sauvages, s’y reposaient et s’en détchaient pour faire d’amples cercles dans le ciel gris.

Hajer dit préférer Strasbourg à Munich et voulut y trouver un travail pour s’y installer. Quand, comme elle, on n’est ni française ni allemande, mais qu’on vit avec un Français et dans la langue allemande, il semblerait que Strasbourg soit faite pour vous.

Manifester contre Yaël Braun-Pivet et pour les juifs

La présidente de l’assemblée nationale a déshonoré la France à deux occasions. D’abord en déclarant officiellement son « soutien inconditionnel » à Israël, ensuite en déclarant que « rien ne devait empêcher Israël de se défendre ».

Rien.

Les mots ont un sens, glaçant et contondant. « Rien », il n’y a rien entre Israël et son action sur les Palestiniens. Par la présidence de l’assemblée nationale, la France commet la faute diplomatique et humaine de justifier les actions de l’armée israélienne.

Ce qui transpire des mots et des interventions de Yaël Braun-Pivet est l’annihilation de l’humanité même des Palestiniens. Ces gens arabes et musulmans existent, certes, mais leur vie, leurs droits, leur dignité ne valent presque rien, « rien », en tout cas rien en comparaison des êtres humains que sont les Israéliens.

Il n’est donc pas étonnant que la même politicienne, conservatrice modérée en France mais fanatique pro-sioniste au proche Orient, appelle à une marche contre l’antisémitisme en France au moment même où les Palestiniens se font massacrer sous les actions scandaleuses de l’armée israélienne. La même logique de mépris est à l’œuvre : il faut protéger les juifs car ils sont nos frères humains mais la sensibilité des musulmans n’a pas à être prise en compte car ceux qui meurent et étouffent en Palestine ne sont pas vraiment des hommes, ils n’existent pas autant que les familles israéliennes.

Par conséquent, l’extrême-droite française se rejouit de participer à cette marche avec Yaël Braun-Pivet. Sur ce point, comme sur bien d’autres points, ils sont sur la même longueur d’onde : rapprochement des juifs et des chrétiens et communion dans une même humanité ; exclusion des orientaux, des musulmans et des africains hors du champs de l’humanité. Leur calvaire, c’est rien.