Les errances de la gauche française sur la laïcité

Le documentaire de Thomas Legrand est très intéressant car il montre bien que la question du voile sur les cheveux est une question interne à la gauche.

Les gens de droite, eux, sont très sereins quand il s’agit de restreindre les libertés des étrangers, des immigrés, des pauvres et des musulmans. Cela ne fait pas de débat à droite. Quand on se dit de gauche, en revanche, c’est souvent avec l’idée qu’il faut soutenir les plus défavorisés, et les musulmans sont les plus discriminés en France, ceux qui gagnent le moins d’argent, ceux qui ont le moins de pouvoir.

Donc, en 1989, quand deux jeunes filles de Creil sont allées à l’école avec un fichu sur les cheveux, et que le proviseur les a exclues, les choses auraient pu en rester là : la droite est pour opprimer les musulmans, et la gauche les défend. Malheureusement pour la santé de la France, c’est la gauche qui était au pouvoir à ce moment-là et il a fallu que ce soit elle qui agisse et réglemente. Le reportage montre bien le malaise. La plupart des gens de gauche n’ont pas de problème majeur avec ces filles voilées. Mitterrand (président) les trouve mignonnes, Rocard (premier ministre) s’en fout, Jospin (ministre de l’éducation) explique à l’assemblée que le droit à l’instruction doit primer et qu’il faudra accepter les filles voilées à l’école. Toute la gauche pense qu’il n’y a là aucun risque pour la république.

C’est alors qu’intervient une réaction extrêmement musclée de la part d’une gauche qu’on n’avait pas vue venir : les Badinter, les Finkielkraut, tous ces gens qui, depuis, ont quitté la gauche et sont devenus de droite et d’extrême-droite. Ils trouvent les mots pour retourner l’opinion de la gauche. Ils expliquent qu’au nom du féminisme il faut interdire le voile qui est un signe de soumission de la femme.

Ils expliquent que ces filles étaient manipulées par des musulmans radicalisés.

Ils expliquent que les filles musulmanes « nous appellent au secours » et veulent être protégées de leur famille, de leur quartier, de leurs grand frères. Et nous, pauvres de nous, nous les avons crus.

Moi-même, j’ai été convaincu par ces arguments qui me paraissaient beaux et paradoxaux : interdire aux filles de s’habiller comme elle veulent pour les protéger et leur garantir la liberté de conscience. Il faut être con pour penser cela, me direz-vous, et c’est vrai, j’ai été ce con intello et sûr de ses valeurs.

C’était raciste de ma part, mais j’avoue que j’y ai cru. Quand le débat est revenu sur scène, dans les années 2000, j’étais professeur de philosophie au lycée français d’Irlande, et je me souviens de mes discussions avec mes amis irlandais dans les pubs. Mes amis ne comprenaient pas la France, ils pensaient qu’on pouvait laisser les filles s’habiller comme elles voulaient. Je les traitais de naïfs et j’essayais de leur faire la leçon sur les valeurs de la république, la laïcité et le risque des religions.

Ce reportage qui met tous ces débats en perspective nous permet de comprendre que nous avons été floués. On nous a menti, on nous a manipulés. Elizabeth Badinter était dans l’erreur mais elle était sincère en tant que bourgeoise effrayée par les maghrébins. Caroline Fourest, elle, a carrément menti pour remporter la mise. Elle prétendait que dans les auditions, les filles musulmanes demandait anonymement l’interdiction du voile pour sauvegarder un espoir de liberté.

Trente-cinq ans après l’affaire de Creil, vingt ans après la loi sur les fameux « signes ostensibles » d’appartenance religieuse, nous avons pu prendre du recul, voyager, lire, nous cultiver, rencontrer des centaines de musulmans. Le bilan est simple : on s’est fait avoir. Les filles ne demandaient pas notre aide, en tout cas pas une aide sous forme d’interdiction vestimentaire. Les musulmans s’intégraient à notre nation malgré notre hargne à les persécuter et à les fliquer, malgré notre suspicion quant à leur rapport aux femmes, jusqu’à l’intimité de leurs filles.

Trente-cinq ans après, que sont devenues ces deux jeunes Françaises voilées de Creil ? Qui se soucie d’elles ? Moi, je pense à elles.

Les grandes idées d’un philosophe en pleine coupe du monde

Si j’en crois le philosophe officiel de la France centriste, Raphaël Enthoven, il faut lutter contre les femmes voilées et contre le Qatar qui est antisémite.

Sur un plateau de TV du service public, il égrène ses griefs contre le Qatar et je souligne ceci : « pays antisémite, où il est interdit de prier en hébreux dans la rue. »

Tous les mots de cette phrase m’étonnent et m’interrogent.

Il est interdit de prier dans les rues ? Pourquoi, qui a envie de prier dans les rues ? Qui voudrait se révolter parce qu’on interdit de prier dans les rues ? Même en France, où l’on a connu des phénomènes de prières musulmanes dans les rues, il y a dix ans et encore en 2017, même en France on a réglé la question et on ne prie plus ni en arabe ni en hébreux dans les rues.

Prier en hébreux ? Pourquoi prierait-on en hébreux dans un pays musulman ? Pourquoi Raphaël Enthoven feint-il d’être choqué que cela ne soit pas autorisé au Qatar ? Y a-t-il un seul pays au monde, à part Israël, où l’on prie en hébreux dans la rue ?

Je crois comprendre la stratégie du philosophe parisien. Son but est de criminaliser le Qatar, et de l’anathématiser sous le tripalium tétanisant de la misogynie, l’homophobie et l’antisémitisme. Il faut accréditer l’idée que le Qatar persécute les femmes, les homosexuels et les juifs.

Or, nous avons vu que, jusqu’à plus ample informé, les homosexuels étaient tranquilles dans le Golfe persique, même s’ils ne jouissaient pas des mêmes droits qu’en Europe. Nous savons aussi que les femmes étrangères y sont libres si elles sont financièrement indépendantes, et que les juifs n’y sont jamais menacés.

Donc Raphaël Enthoven ment devant nous tous, mais pour quelles raisons ? Je lance une hypothèse : le Qatar est un pays qui refuse de banaliser la politique d’Israël. À la différence de ses voisins, le Qatar continue de désigner Israël comme un pays colonisateur et injuste avec les Palestiniens. Je ne vois pas d’autres raisons qui pousseraient un intellectuel français à déclarer que tel pays est antisémite.

La même semaine, le même philosophe publie ce tweet :

« Un soignant antivax… qui lui confierait sa santé ? Et pourquoi pas un boucher vegan ? Une féministe voilée ? Un plagiste astronome ? Un cercle carré ? »

Raphaël Enthoven, 25 novembre 2022

Une femme qui porte un voile, surtout si elle est musulmane, ne peut pas être féministe selon Enthoven. C’est même une contradiction dans les termes, cela revient à imaginer un cercle carré. Or, je connais beaucoup de femmes voilées qui me paraissent et se déclarent féministes. Rien dans leur comportement et dans leurs paroles ne trahit un anti-féminisme, mais elles portent un voile sur les cheveux, librement, pour des raisons qui les regardent. Enthoven met toute sa puissance médiatique à étouffer la parole de ces femmes. Il faut les faire taire, et si ce n’est pas possible, il faut les rendre inaudibles.

Le philosophe Enthoven prend sa part dans la guerre que livrent certains contre l’islam. Pour la mener, cette guerre, il faut diviser les Français modestes entre eux, ce qui n’est pas très difficile. Il faut aussi tout faire pour maculer les pays musulmans aux couleurs de l’homophobie, de la misogynie et de l’antisémitisme.

Michel Onfray et l’antisémitisme

Michel Onfray en défense du sionisme, du CRIF et dans la haine de Mélenchon

Cette vidéo est une des choses les plus étranges que l’on puisse regarder. Elle date de 2018. L’assassinat d’une femme juive avait suscité une émotion légitime et une « marche blanche » avait été organisée contre l’antisémitisme. Or, le groupe communautaire pro-israélien CRIF s’était permis d’exfiltrer et d’exclure Mélenchon et les députés de La France insoumise, en raison de leurs critiques vis-à-vis de la politique de l’état d’Israël.

Dans cette vidéo, Michel Onfray défend l’action du CRIF et défend aussi la colonisation des terres palestiniennes.

Bon, le philosophe semble être animé d’une haine tellement profonde pour Jean-Luc Mélenchon que, peut-être, il ne peut retenir ses coups et ne voit plus de limite à tout ce qui peut noircir, salir ou maculer le leader de gauche. On ne sait pas ce qui se cache derrière une telle haine. Le candide que je suis peut imaginer qu’il y a eu des promesses non tenues, des déceptions ou des conflits personnels.

Ce qui m’intéresse davantage, c’est l’inconséquence des arguments de Michel Onfray. Dans cette vidéo, il tient des raisonnements tellement incohérents que le professeur de philosophie que je suis a envie de la diffuser à ses élèves pour qu’ils s’entraînent à débusquer les sophismes et les paralogismes.

D’habitude, on pense ce qu’on veut d’Onfray, mais sans être brillant il n’est pas complètement illogique. Ici, il me donne l’impression d’être drogué, ou aliéné. Il n’est plus lui-même. D’ailleurs, un professeur de physique et d’épistémologie fait une critique plutôt convaincante de son argumentation.

En définitive, Michel Onfray a retiré cette vidéo de sa chaîne Youtube. Selon moi, il a eu bien raison. Moi aussi je l’aurais retirée. Néanmoins, il eût été préférable qu’il fît une critique de ce faux-pas.

Antisionisme fin 2022.

L’État d’Israël vient de renouer avec l’extrême-droite. Les élections ont mené Benyamin Netanyahou au pouvoir, grâce aux soutiens des ultra, des fanatiques et des racistes.

Le sionisme était un projet généreux et progressiste dans les années 1880, mais c’est devenu une réalité criminelle et illégale, en particulier sous l’égide de Benyamin Netanyahou.

Dans cette circonstance, on ne peut qu’être opposé au sionisme, entendu comme un projet colonial, raciste et discriminant.

En France, de nombreuses personnalités et des groupes d’influence essaient d’interdire le fait même d’être opposé au sionisme. Des gens comme Michel Onfray, Yann Moix, Christine Angot, Franz-Olivier Giesbert, Philippe Val et des centaines d’autres, criminalisent l’antisionisme.

En 2018, Michel Onfray est allé tellement loin dans l’indécence pro-sioniste qu’il a préféré retirer cette vidéo qui se terminait par un étrange « Bravo le CRIF ». Or quelqu’un a publié à nouveau cette vidéo. Le philosophe ne l’assume pas car elle semble être le résultat d’une négociation ou d’un pacte secret avec un groupe d’influence. Regardez-là, c’est très étonnant : tout donne à penser qu’Onfray est en service commandé, mais pour qui ? On comprend qu’il cherche à supprimer cette vidéo.

Cliquez ici pour la voir

L’assemblée nationale a voté une loi, en 2019, qui assimile l’antisonisme à l’antisémitisme. Or l’antisémitisme est un délit et non pas une opinion.

Un piège est en train de se refermer sur nous : nous devons non seulement accepter, mais vouloir la colonisation illégale des terres palestiniennes, au risque d’être taxé d’antisionisme, c’est-à-dire d’antisémite, c’est-à-dire de raciste.

Un collectif de 125 universitaires juifs a réagi à cette folie en lançant un appel aux députés français. Ils demandent de ne pas voter cette loi qui « assimile à tort l’anti sionisme à l’antisémitisme » : « Nous vous demandons de lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme, mais sans aider le gouvernement israélien dans son programme d’occupation et d’annexion. »

Début 2022, l’Etat d’Israel a été accusé par Amnesty International d’imposer un régime d’apartheid : « Après quatre ans de recherche, nous affirmons que le système de domination et d’oppression mis en place par l’Etat israélien à l’encontre des Palestiniens et des Palestiniennes constitue un crime d’apartheid, tel que défini par le droit international. »

Au dîner du CRIF de février 2022, le député Meyer Habib a déploré que la France ne condamne pas Amnesty International. Meyer Habib voudrait qu’Amnesty International arrête d’accuser Israel de commettre des crimes contre l’humanité.

Au dîner du CRIF 2022, le réalisateur Alexandre Arcady « espère que notre communauté sera vigilante ». De quelle communauté parle-t-il ?

Au dîner du CRIF, on discutait de la guerre que la Russie venait de déclarer à l’Ukraine. Le député français Meyer Habib déclarait notamment que Poutine était « un grand patriote russe ». M. Habib ne doute pas de l’issue du conflit car « je ne vois qui va aller se battre pour l’Ukraine, à part les Ukrainiens qui, semble-t-il, ne se battent même pas eux-mêmes. »

Fin 2022, on ne sait pas ce que pense le député Meyer Habib de la guerre en Ukraine, du patriotisme de Vladimir Poutine, ni de la victoire de Benyamin Netanyahou.

Législatives 2022 deuxième tour. Appel à mes amis d’extrême-droite.

Mosaïque des années 1920 dans la Grande Mosquée de Paris.

Chers amis racistes, vous me connaissez. Vous savez combien j’aime la France, tout autant que vous. C’est depuis cet amour de la nation que je vous encourage à voter pour les candidats de l’union de la gauche, dite NUPES, dimanche prochain, même si vous ne vous sentez pas de gauche vous-mêmes. Moi non plus je ne suis pas de gauche mais il y a des moments dans la vie où on choisit d’élire nos adversaires. D’ailleurs, chers amis fachos, écoutez comment le parti au pouvoir qualifie l’union de la gauche NUPES : « conspirationniste », « antisémite », « nauséabond ». Exactement les mots employés pour vous désigner. Cela devrait vous rapprocher de cette gauche.

Mes amis nationalistes, vous pouvez voter comme moi car vous savez combien j’ai toujours oeuvré pour la protection et la diffusion de la culture française. Laissez-moi vous donner quelques exemples de mon engagement patriotique : de nombreuses personnes nous conseillent de publier en anglais car c’est la langue de la recherche internationale. Moi, je passe pour un étroit nationaliste car je tiens à publier fréquemment en français dans des revues françaises. Combien de fois ne m’a-t-on pas accusé d’être un franchouillard passé de mode, chauvin et rétif ? C’est que je refuse d’abdiquer. Je continue de croire que chaque langue devrait se développer dans la recherche aussi, pas seulement dans la sphère familiale. Comme vous, chers amis identitaires, je suis contre le grand remplacement qui voit la langue anglaise s’imposer, alors même que j’aime la langue anglaise et la pratique tous les jours.

Je vous écris pour vous demander de voter pour l’Union populaire dite NUPES dimanche prochain, au cas où vous auriez le choix entre la gauche et la droite. Si votre candidat de prédilection s’est fait éliminer au premier tour, le meilleur remplaçant serait un député du programme de gauche car il défendrait davantage l’éducation nationale et la culture française.

Pourtant ce vote n’est pas dans mon intérêt. D’un strict point de vue égoïste, je suis beaucoup plus proche d’un banquier comme Emmanuel Macron que de ces « anarchistes d’extrême-gauche » que décrit judicieusement la ministre Amélie de Montchalin pour désigner les candidats NUPES. Comme Macron, je suis libéral ; comme lui je suis international et profite à fond de la mondialisation ; comme lui je suis en faveur de l’esclavage la réduction du coût du travail et je trouve détestable mais avantageuse l’idée de faire travailler gratuitement les pauvres, les sans-dents, les allocataires du RSA. Comme Macron, je suis un beau garçon qui cherche à dissimuler sa calvitie. Comme lui, j’ai été amoureux de ma prof de théâtre. Non, ça c’est une connerie, je n’ai jamais eu de prof de théâtre.

Bref, je suis un peu comme Macron, toute chose égale par ailleurs. À titre personnel, donc, je suis plutôt pour l’application du programme de la droite, car cela me permettrait d’obtenir des ouvriers presque gratuitement pour la rénovation de mon appartement. La retraite à 65 ans ne me poserait aucun problème puisque j’ai travaillé beaucoup d’années à l’étranger et ne serai jamais capable de faire valoir assez de cotisations pour bénéficier d’une quelconque retraite. Du coup, plus l’âge de la retraite augmente, plus les autres vont souffrir, mais pas moi qui dois me débrouiller. Or si le malheur des uns fait le bonheur des autres, alors la souffrance des travailleurs français devrait en toute logique participer au bonheur des sages précaires qui n’ont presque aucun droit aux avantages du système social français.

En dépit de tout cela, je vous le dis, chers amis qui avez voté pour Le Pen ou Zemmour : je voterai NUPES car c’est le vote le plus proche de l’intérêt du pays. Malheureusement pour moi, qui sacrifie mon intérêt personnel, c’est le bulletin NUPES qu’il vous faut glisser dans l’urne dimanche 19 juin 2022.

Les époux Poussin traversent l’Afrique à pied et soutiennent Zemmour

Photo de Taryn Elliott sur Pexels.com

Les jeunes gens figurant sur cette photo ne sont pas les fameux aventuriers Sonia et Alexandre Poussin. Ce que vous voyez ci-dessus est tout simplement une photo libre de droit qui m’a été proposée dans un moteur de recherche affilié à mon blog et qui génère des visuels gratuits. Lorsque j’ai saisi les mots « marcheurs Afrique », un grand choix de clichés m’a été donné, comprenant des paysages dignes de Michel Sardou chantant Afrique adieu. La photo que j’ai choisie ne m’a pas paru plus stupide ni plus stéréotypée que celles qui illustrent le récit de voyage de Sonia et Alexandre Poussin.

Leur best-seller s’intitule Africa Treck (Robert Laffont, 2004 et 2005), et relate en deux épais volumes leur périple à pied à travers l’Afrique. Le plus étonnant de ce livre apparaît à la toute fin de la narration. Avant de vous le dire, je vous pose la question et vous demande de prendre cette question comme un jeu : si vous deviez imaginer un itinéraire du sud au nord du continent africain, quel serait votre point d’arrivée ?

Je vous laisse réfléchir.

Ma femme m’a dit sans réfléchir : « La Tunisie ». Bon, elle est tunisienne, je ne sais pas si cela joue ou non. En tout cas, elle argumente qu’en Tunisie se situe le point le plus septentrional du continent, si c’est vrai c’est un point en sa faveur. Et puis terminer ce périple africain par Carthage, au nord de Tunis, ville en ruine construite par les Phéniciens, ça a en effet de la gueule et du sens historique.

Moi, spontanément, je dirais : « Gibraltar ». Nul besoin d’explication je pense.

Or, les époux Poussin n’ont pas fait ce choix. Ils ont opté pour une solution dont je m’étonne qu’elle n’ait pas été plus discutée, voire critiquée, dans le milieu de la littérature des voyages.

Le dernier épisode d’Africa Trek se situe en Israël. Pourquoi Israël ? Ce n’est pas en Afrique !

Ils passent la frontière entre l’Egypte et Israël avec une facilité suspecte. En marchant, tranquillement, avec leur sac sur le dos, comme des routards. Et leur commentaire à ce propos ne laisse pas d’être perturbant :

Nous n’avons jamais passé une frontière aussi rapidement, ni ressenti un tel contraste. Tout est propre et soigné, organisé et pensé. Ça sent l’Europe à plein nez. Ça pourrait être la Suisse. C’est Israël.

A. et S. Poussin, Africa Trek 2, p. 692.

Les préjugés. On comprend de suite ce que veulent dire les Poussin, puisqu’ils parlent de contraste : selon eux, l’Afrique est sale, négligée, désorganisée et irréfléchie. Si ce n’est pas du racisme, je ne sais pas ce que c’est.

Vingt ans après leur voyage de couple catholique, la presse nous apprend que les Poussin participent à des dîners de levée de fonds pour la campagne d’Éric Zemmour. Il est temps que les adeptes de la littérature de voyage ouvrent les yeux. Il existe une corrélation entre des termes apparemment antinomiques : raciste et humanitaire, africain et islamophobe, juif et discriminant, etc. J’ai déjà sonné l’alerte à propos de Sylvain Tesson, à propos de Priscilla Telmon et d’autres, ce qui m’a valu des reproches venus du monde académique et de lecteurs innocents.

Il existe un réseau d’écrivains voyageurs réactionnaires qui prétendent ne pas faire de politique et qui se cachent derrière les termes vagues d’aventure, d’ailleurs, de rencontre, de liberté. Il est de notre responsabilité, à nous qui aimons la littérature géographique, d’au moins faire connaître cette tendance pour, éventuellement, dégonfler certaines baudruches.

Pourquoi tant d’acharnement contre Jean-Luc Mélenchon ?

J.-L. Mélenchon : « Je pense à ces milliers d’hommes venus de si loin pour libérer la France des nazis. Des troupes des différentes colonies, et beaucoup, beaucoup, beaucoup sont morts dans la prise de la colline. » Marseille, mai 2021.

On peut se demander ce qui leur prend, à tous, de taper si fort sur Jean-Luc Mélenchon. Le seul qui ait subi une telle animosité contre lui dans l’histoire récente fut Jean-Marie Le Pen dans les années 1980 et 1990. Moi-même, j’avoue que j’avais peur de Le Pen à l’époque.

Cette unanimité fait réfléchir. Mélenchon doit faire peur, mais pourquoi fait-il peur ? Pourquoi lui préférer François Ruffin, Adrien Quatennens ou tout autre figure de la gauche ? Pourquoi tant de gens ont peur d’un vieil homme littéraire qui n’a pas de bons sondages, qui n’a pas commis d’autres crimes que de hausser la voix quand des hommes lui interdisaient d’entrer dans ses propres locaux, un vieil homme franc-maçon, ancien professeur, député de la nation ?

Que peut-on craindre d’un homme comme lui ? Au point pour le philosophe Raphael Einthoven d’aller dire que Le Pen lui est préférable ? Au point pour l’autre philosophe (Ô ma France, pays des intellectuels) Michel Onfray de le traiter d’homme malade et « condensé de pathologies » ? Au point pour le pouvoir en place de le traiter d' »ennemi de la République »…

Je ne sais pas si Mélenchon ferait un bon président et je ne sais pas si je voterai pour lui. D’ailleurs, je ne sais plus pour qui j’ai voté au premier tour de la présidentielle de 2017. Et le sage précaire n’a que peu d’appétence pour l’Assemblée constituante voulue par la France insoumise ; pas davantage pour l’usine à gaz que sera sans doute la sixième république. Mais la sagesse précaire n’a pas peur de Jean-Luc Mélenchon, ceci est une chose certaine. La sagesse précaire n’appelle pas à voter, la sagesse précaire s’en fout, mais elle aime bien écouter les gens qui ont quelque chose à dire, à droite, à gauche, au centre, et parmi toutes les religions. La sagesse précaire a plus peur des racistes, des suprématistes, des délinquants, des voleurs, des évadés fiscaux, des prédateurs économiques, que des populistes lyriques qui appellent à la réconciliation nationale.

Alors voici mon hypothèse. Mélenchon fait peur car il est le seul en France à posséder un art rhétorique capable de faire vibrer une corde sensible chez des populations très variées. Si ces populations se mettaient soudain à voter, et personne ne peut être sûr qu’elles ne le feront pas, cela ferait bouger les lignes de manière irréversible.

Jean-Luc Mélenchon est le seul orateur capable de se faire entendre par des ouvriers, des chômeurs, des profs, des fonctionnaires, des intellectuels et surtout aussi des immigrés, des musulmans et des gens originaires d’Afrique. Personne d’autre ne sait faire cela aujourd’hui en France. Et tout ce petit monde mis bout à bout fait largement 50 % de Français.

Alors il est certain que si l’on pouvait « se débarrasser » de Mélenchon « le plus vite possible » (dixit une ancienne ministre de François Hollande), il y aurait moins de risque qu’une jonction apparaisse entre les différents mouvements sociaux, les différentes luttes pour le respect et la reconnaissance, les différents combats des pauvres gens et les différentes soifs de dignité.

Rapports anciens de l’islam avec la France. Comment Zemmour prend nos ancêtres pour des cons

Cordoue européenne et islamique, Photo de Rafael Albaladejo sur Pexels.com

La France est inséparable de ses voisins et les historiens qui pensent qu’autrefois les peuples étaient clos sur eux-mêmes font fausse route. Les origines de la France, par exemple, sont en lien assez direct avec l’histoire européenne de l’islam : la littérature française n’avait pas commencé à exister que l’Espagne et le Portugal parlaient déjà arabe, que des régions françaises avaient déjà été islamisées et que les seigneurs francs avaient mené des batailles contre tous les voisins, dont des chefs de guerre musulmans. On a passé aussi des alliances avec des chefs de guerre musulmans, que ces derniers fussent arabes, berbères ou européens.

En débat face à Jack Lang qui dirige l’Institut du Monde Arabe, Éric Zemmour se lance dans des contre-vérités crasses concernant la langue et la culture arabe. Il assène l’idée selon laquelle l’arabe est une « langue de chanson » mais pas une « langue de science et de culture ». Il mentionne l’historien Sylvain Gouguenheim qui avait écrit contre toute évidence que la culture européenne médiévale ne devait rien aux savants du monde islamique. Puis il cite Ernest Renan qui, au XIXe siècle, développait des idées d’un racisme épouvantable. Renan étant justement abondamment cité par l’historien français faute de références récentes (voir cet article de Guillaume Dye pour approfondir « l’affaire Gouguenheim »)

Tout ce petit monde, Renan, Gouguenheim et Zemmour, rejoint l’armée des xénophobes qui désirent ardemment que l’Europe fût autarcique et n’ait connu aucun échange avec la civilisation islamique qui était pourtant vibrante, là, juste à côté de chez nous, en Espagne, en Sicile, dans les Balkans. Tout indique que nous étions proches des musulmans, que nos sociétés étaient poreuses, pour des raisons géographiques et musicales, pour des raisons médicales ou des raisons de campagnes militaires. Car même nos guerres sont des signes de communauté de vie. Les musulmans et les chrétiens se faisaient la guerre, tranquilles, comme tous les voisins. Nos guerres contre les musulmans n’ont rien à envier aux guerres inlassables entre les Français et les Anglais, les Bourguignons et les Armagnac. D’ailleurs, en Espagne, les musulmans se faisaient aussi la guerre entre eux, et les chrétiens étaient fréquemment des alliés de tel ou tel chef musulman. Enfin, on partageait énormément de choses. Il n’est pas jusqu’à Denis de Rougemont qui, dans L’Amour et l’Occident, fait naître dans la poésie arabe la nouvelle façon de parler des Cathares qui mèneront les Occitans à créer le Fin’amor et l’amour courtois.

Ce qu’ils ont en commun, Renan, Goughenheim et Zemmour, est de n’être formé ni en arabe ni en islamologie, ni en histoire du monde islamique… À la lettre, ils n’y connaissent rien. Leur talent consiste à impressionner des shampouineuses abonnées à Valeurs Actuelles. Ils sont des idéologues qui nient la réalité simple que les Européens doivent beaucoup à la culture arabe. Se battre pour prouver le contraire est vraiment une perte de temps.

Basé sur des mensonges de pseudo-historiens, Zemmour dit que l’islam a permis la traduction de textes scientifiques et mathématiques mais qu’il refusait la philosophie grecque car le savoir philosophique « contesterait le Coran et le Dieu unique. » Certes, il faut être stupide pour penser de la sorte puisque le Coran est un texte ouvert à la science et à la réflexion personnelle, mais surtout, il faut vouloir à tout prix fermer les yeux sur le réel. Il faut n’avoir jamais ouvert un livre d’Averroès, d’Avicenne, d’Al Farabi, de Ghazali, et de centaines d’autres philosophes arabes qui commentaient notamment le De l’âme d’Aristote.

Bon, mais en quoi cela heurte-t-il le coeur d’un patriote français ? En ceci que lorsqu’on aime la France, on aime se représenter que les créateurs français ont eu l’intelligence de voir ce qui se faisait à côté de chez eux et ont eu le goût d’imiter les voisins pour acquérir de nouveaux savoir-faire. Cette aberration historique d’une culture européenne étanche à la culture islamique voisine n’est pas un signe d’amour de la culture européenne, bien au contraire. Pendant sept siècles, l’Espagne était musulmane et s’en portait bien, sept siècles de vie plus développée qu’en France, sept siècles de paix relative et de prospérité plus manifeste qu’en France. Et pendant ces sept siècles, nous n’aurions eu aucun échange avec nos voisins ibériques ? Nous n’aurions été au courant de rien, nous nous serions bouchés les oreilles et aurions tout fait pour rester dans l’obscurité qui était la nôtre ? Quelle fierté française en effet.

Nous savons que cela est faux, qu’il y a eu de nombreux échanges, mais même si nous ne le savions pas, ce serait méprisant pour l’esprit français que d’imaginer nos ancêtres vivant en contigüité avec une civilisation supérieure et n’en rien retirer, ne pas s’y intéresser, ne nourrir aucune curiosité à son égard. Quelle gloire y a-t-il à rester sourds et aveugles aux avancées culturelles, technologiques, architecturales et culturelles des voisins andalous ?

Éric Zemmour, l’idéologue chéri de l’extrême-droite, est tellement obsédé par sa haine des Arabes qu’il est prêt à tous les mensonges et toutes les perversités rhétoriques pour les exclure du roman national. Il veut croire que Napoléon méprisait les Arabes lorsqu’il cherchait à se faire accepter d’eux, que François 1er n’aimait pas l’arabe au moment même où il ouvrait une chaire d’arabe au Collège de France. Il faut pourtant que les Français qui gardent un bon fond se méfient de ce prophète de malheur. Si vous aimez la France, ne la réduisez pas à un peuple sans ouverture d’esprit, sans capacité d’apprécier ce qui se fait à côté de lui. Aimer la France, c’est préférer imaginer les Français comme de fins observateurs plutôt que des autistes rejouant éternellement des farces racistes.

Sylvain Tesson et la haine des musulmans

Sylvain Tesson écrit sur l’islam, il ne peut pas s’en empêcher. Tesson est l’écrivain voyageur le plus célèbre de France donc, puisque je suis un chercheur en littérature viatique, je ne peux pas occulter ce qu’il écrit, ni ignorer ce qu’il dit quand il s’exprime dans les médias. Il entre dans les prérogatives de mon métier, malheureusement, d’effectuer une veille médiatique sur ce qui se fait dans le domaine des lettres géographiques. Les sottises proférées par les idéologues actuels en faveur d’une guerre civile entre Européens et Africains, ou entre chrétiens et musulmans, je peux encore les souffrir calmement car mon champ de recherche n’est pas associé à leur travail. Mais un écrivain du voyage qui publie un ou deux livres par an et qui a beaucoup de succès, je suis contraint de m’y astreindre, à mon grand dam, et mon dégoût le dispute à l’accablement.

Le journal de Tesson de 2014 à 2017 transpire la haine de l’islam et des musulmans. Son titre se veut pourtant fragile et subtil : Une très légère oscillation. Or loin de ressentir une vibration ou un tremblement, le lecteur se prend en pleine figure les certitudes d’un homme très à l’aise avec ses privilèges et ses préjugés. Je ne peux pas lire cela avec détachement, qu’on me le pardonne. Quelque chose en moi est blessé par les envolées de ce « vagabond » autoproclamé qui ne peut supporter l’altérité que lorsqu’elle est exotique, lointaine et décorative. Les musulmans sont trop proches de lui, et en même temps ils résistent trop bien à l’impérialisme de sa culture. Tesson ne peut les supporter alors il les fait passer pour des crypto-terroristes. La méthode est simple, elle comporte quatre étapes :

1. Citer les quelques phrases violentes et choquantes qui figurent dans le Coran, on les connaît tous, les sortir de leur contexte et les interpréter de la manière la plus simpliste qui soit.

2. Prétendre que ces phrases constituent l’essence de l’islam, que les musulmans tendent par définition à devenir aussi violents que le sont ces phrases quand elles sont mal comprises.

3. Enfin décrire les crimes réels qui parsèment la vie des hommes, sans oublier de rappeler autant que possible lesdites phrases du coran.

4. Laisser reposer. Le résultat vient de lui-même sans avoir besoin de produits additionnels. Le pauvre lecteur, l’innocent auditeur, l’exsangue téléspectateur tirera la conclusion de lui-même : les musulmans sont nos ennemis et nous devons nous en débarrasser.  

Pourtant, on pouvait attendre d’un écrivain du voyage qu’il essaie de dépasser les stéréotypes qui essentialisent des populations. Un voyageur n’a-t-il pas un rôle philosophique dans la société d’où il vient ? N’est-il pas censé ouvrir les yeux sur le réel et faire comprendre les cultures étrangères aux autochtones qui, eux, n’ont ni le temps ni le luxe de voyager ?

Au contraire, Sylvain Tesson incarne une autre figure éternelle du voyageur qui a déjà été longuement dénoncée dans les études postcoloniales notamment : supérieur, ethnocentrique, le superbe explorateur sûr de lui qui prend la pose de l’aventurier pour établir des hiérarchies conservatrices entre les hommes, rappelant constamment l’opposition fantasmatique entre un « eux » et un « nous », et se conformant quant à lui, résolument, dans le camp du bien, du civilisé et du doux.

Mogambo, 1953. Le foyer de l’étrange colonialisme de John Ford

 

Ils passaient Mogambo sur Arte l’autre jour, dans l’après-midi. Comme je me trouvais dans un appartement doté d’une télé, j’ai sacrifié à mon péché mignon : travailler mon manuscrit en cours avec comme fond sonore un classique hollywoodien, que je pouvais zyeuter par moments.

Au vu du programme de la chaîne franco-allemande, ils ont passé Mogambo pour le rôle qu’y tient Grace Kelly. Suivait après le film un documentaire sur le mariage de celle-ci avec le prince de Monaco, et sans doute encore le biopic qui a été fait sur elle l’année dernière. Je ne connaissais pas cette actrice, j’avoue, et si je ne comprends toujours pas comment on peut transformer de simples acteurs en stars, je reconnais que Grace Kelly possède un sourire enchanteur.

Mogambo se déroule quelque part dans une Afrique de pacotille. Une Afrique pleine de clichés, de chants et de danses, de torses musclés, de soumission et de sauvagerie. Une Afrique subsaharienne, la jungle kenyane peut-être, où Clark Gable est un chasseur de bêtes féroces.

Ava Gardner se trouve là, ne me demandez pas pourquoi (j’ai pris le film en cours), ainsi que Grace Kelly qui joue le rôle d’une Anglaise mariée à un anthropologue moins sexy que Clark Gable. Les deux femmes sont amoureuses de Clark qui n’est rien moins que le sage précaire dans vingt ans : aventurier, impitoyable, célibataire, moustachu séducteur, l’oeil qui frise, bardé de diplômes (non, ça c’est uniquement le sage précaire). Pathétique, profiteur, mais amoureux de la vie et prompt à renouer avec d’anciennes amoureuses.

Je n’avais jamais vu ce film. Son colonialisme brutal frappe la vue dès la première seconde. Il n’est pas étonnant que ce soit en réalité une reprise d’un film des années 1930. On n’aurait pas pu inventer, il me semble, un truc aussi effroyable après la deuxième guerre mondiale, en pleine période de décolonisation, et alors que les colonisés  s’émancipaient de toute part. Les tribus africaines y sont filmées de la même manière que les gorilles.

Cela tombait bien, le chapitre que je travaillais était celui consacré aux récit de voyage écrits par les migrants, les postcoloniaux et les francophones de l’après-guerre. J’étais en train de me dépêtrer de tous ces écrivains africains qui ont écrit sur le voyage et la migration, l’exil et le retour, sans avoir jamais sacrifié au genre même du récit de voyage. Les Africains de 1953 étaient bien loin de ressembler à ce que John Ford nous montre dans Mogambo.

J’ai levé les yeux de mon manuscrit pour voir la scène centrale de Mogambo. La plupart des oeuvres d’art possèdent un coeur battant, un foyer rayonnant, autour duquel tout le reste est construit. Le sage précaire n’a qu’un don dans la vie, en plus de jouer au Clark Gable des Cévennes : il capte intuitivement le centre névralgique des oeuvres. Il est comme un médecin des oeuvres : donnez-lui un roman ou un film malade, demandez-lui où est le coeur, et il vous le rendra avec un diagnostique sûr. « Le coeur est là, mais il n’est pas assez rayonnant, il bat trop faiblement, et le récit n’est pas assez irrigué, il part en couille, en eau de boudin. »

Je crois que c’est un don que j’ai. Voulez-vous d’autres exemples de scènes centrales ? Dans Raining Stones, de Ken Loach, la scène où le père de famille va voir le prêtre ouvrier, qui élimine les traces de son forfait et lui dit : « J’écoute ta confession ». Ce moment où le chômeur catholique se met à genoux pour enfin se libérer de ce qui l’angoisse, c’est le coeur du film, si rayonnant que le film en est nimbé d’une aura magnifique.

Dans Mogambo, c’est quelques secondes à peine. Les gorilles sont filmés en train de manger et de grogner. Clark Gable les tient en respect avec son rifle. L’homme et l’animal se jaugent, tous deux grands fauves, mâles dominants sans complexe et prêts à tout. Clark n’est pas tout seul ; à côté de lui, l’anthropologue anglais que Clark cocufie avec Grace Kelly (vous suivez ou pas ?) se fait tout petit et tient sa caméra. Clark Gable est payé pour accompagner cet anthropologue et sa charmante épouse dans la forêt des gorilles afin qu’il puisse enregistrer des images et des sons.

Gros plan sur l’anthropologue qui relève sa caméra et la dirige sur le primate. Ce dernier, ça le rend fou qu’on le filme, il prend cela comme un affront. L’anthropologue sue de peur, mais il bande comme jamais. Il réalise son rêve atroce de voyeur orientaliste.

Tout Mogambo, et toute la littérature coloniale, sont concentrés dans ces quelques secondes où le cameraman, protégé par une arme à feu, enregistre crânement la colère des autres, la nudité des autres, la bestialité des autres, leur vulnérabilité.