La colère des Chinois, après l’entrevue du président français et du Dalaï Lama, est une très bonne chose.
Il n’y a pas lieu de s’en effrayer, mais il n’y a pas lieu non plus d’en retirer du ressentiment. Les Chinois, ne l’oublions pas, sont en apprentissage dans le concert des nations. Leur croissance économique a été très rapide, leur donnant un poids économique qu’ils croient légitimement devoir être doublé d’un poids politique équivalent.
Dans leur apprentissage, il y a une chose qu’ils devront prendre en compte, entre autres règles immuables. La France se sent bien quand elle agace tout le monde.
Les Chinois se souviendront peut-être de la tension qu’il y avait à l’époque des préparations de la guerre en Irak. Chirac et De Villepin disaient non à la super-puissance américaine et la pression sur la France était autrement plus écrasante que celle que la Chine peut imprimer sur un pays aussi contradicteur que la France.
Ce n’étaient pas que les Etats-Unis qui faisaient pression, c’était tout le monde anglo-saxon. Je lisais les journaux anglais à l’époque, c’était du délire. Même les analystes qui ne soutenaient pas la guerre peignaient les Français comme des salauds, des faibles, des lâches. On nageait dans une atmosphère électrique, c’était très réjouissant.
Les gens que je rencontrais à l’époque ne me disaient jamais que mon gouvernement faisait preuve de courage, alors qu’il faut reconnaître que c’était celui qui en avait le plus (devant ceux de Chine, de Russie, d’Allemagne, d’Afrique, d’Amérique du sud, qui soutenaient ses efforts mais en se cachant derrière son écran). J’entendais plutôt dire que, naturellement, la France avait des intérêts financiers avec Saddam Hussein, et que c’était ces intérêts qui lui dictaient sa conduite.
L’idée que des Français aient des principes, ou fassent preuve de fermeté, ce sont deux choses que l’imagerie anglo-saxonne cherchent à miner, depuis les deux guerres mondiales. Il s’agit de convaincre le monde que nous sommes, par nature, égoïstes, faibles et lâches.
Les Chinois l’ont cru, puisqu’ils sont comme tout le monde, sous l’influence de la culture et de la pensée américaines.
J’ai des amis chinois, enseignants de français, connaisseurs de la culture française, dont les idées ressemblent davantage à celles des journaux anglais que celles des journaux français. Ce sont les préjugés anglo-américains qui ont le plus pénétré les autres cultures, plus que leurs valeurs fondamentales, malheureusement.
Les Chinois, donc, doivent apprendre qu’il y a des pays plus emmerdants que d’autres, dont on a pas encore réussi à se débarrasser.
Ils doivent apprendre aussi que plus ils seront en colère, plus ils chercheront à faire peur, plus les Français seront contents et bomberont le torse. C’est malheureusement rendre un grand service aux dirigeants français que de chercher à faire pression sur eux.
Et avec le temps, les Chinois (le peuple cette fois-ci, les citoyens curieux du monde), se rendront compte que leur vice-ministre des affaires étrangères avait un peu dépassé la mesure. Quand on en vient à dire : « Cette entrevue a profondément ébranlé des intérêts centraux pour la Chine, a gravement blessé les Chinois et endommagé le socle politique des relations de la Chine avec la France et l’Union européenne », c’est qu’on manque un peu d’assurance en soi-même.
Et cela, les Chinois seront assez intelligents pour le remarquer par eux-mêmes, très bientôt.