Hiver 1937. La capitale de la jeune république de Chine se trouve à Nankin, non loin de Shanghai.
Les Japonais se sont préparés à la guerre depuis les humiliations qu’ils ont subies de la part des Occidentaux au XIXe. La nation japonaise est devenue profondément militariste, guerrière, nationaliste, prête à tout pour devenir la plus grande puissance asiatique.
Ils ont déjà battu la Chine lors de plusieurs conflits, et ils ont même battu les Russes, ce qui a défrayé la chronique occidentale. L’Asiatique peut battre le Blanc sur le terrain militaire.
En 1937, ils déclarent la guerre contre la Chine et la bataille de Shanghai commence. A surprise de l’état major nippon, Shanghai résiste. La Chine est plus difficile à conquérir que prévu. Shanghai tombée, les Japonais fondent sur la capitale et se livrent à un véritable carnage. Ils tueront et ils violeront sans discontinuer pendant des semaines, même et surtout lorsque la capitale sera tombée. C’est pourquoi une expression se fait jour pour décrire cet événement : le « viol de Nankin ».
Dans la suite de la guerre, jusqu’en 1945, il n’y a pas eu d’autres exemples d’une ville sur laquelle on s’acharna à ce point. Quand on lit les témoignages, non seulement des anciennes victimes, mais des Japonais eux-mêmes, militaires, repsonsables ou journalistes, et des quelques Occidentaux qui étaient encore présents sur place, on ne comprend pas ce qui s’est passé.
C’est peut-être pour cela qu’Iris Chang s’est suicidée en 2004, sept ans après avoir écrit The Rape of Nanking. Elle a passé des années à travailler sur son livre sans pouvoir comprendre comment des hommes pouvaient aller si loin dans l’horreur. Comment une armée peut, collectivement, agir non comme des bêtes, car les bêtes ne font jamais rien de tel, mais comme des malades, des fous furieux, et laisser libre cours à tout ce qu’une âme peut receler de sadisme ?
Ils n’obéissaient pas à des ordres. Le chef de l’armée aurait, au contraire, voulu que les Japonais soient conquérants et irréprochables. Tout le monde croyait, d’ailleurs, et les Occidentaux les premiers, qu’une fois le pouvoir passé au Japon, les services, les industries et la sécurité n’en fonctionneraient que mieux.
Or, quelque chose d’obscur s’est déclenché chez les Japonais, quelque chose de trop fort pour eux, et ils humilièrent les hommes autant qu’ils le purent avant de les tuer. Et ils violèrent autant qu’ils purent, des petites filles aux vieillardes, et de la manière la plus grossière. Ils violèrent collectivement, insatiables, fascinés et incontrôlés.
Apparemment, c’est pour faire cesser cette folie sexuelle que le gouvernement japonais a créé un système de bordels militaires, avec des femmes coréennes par centaines de milliers, réquisitionnées pour la cause.
Il y a, sur cette « chose obscure », une question intéressante, c’est le rapport entre elle et le bouddhisme zen. On imagine aujourd’hui le bouddhisme japonais comme une « spiritualité » très « positive » et pacifique; Or, le zen, notamment Rinzai, mais aussi Sotocelui de Linji, notre vieil ami, fut semble-t-il fortement impliqué dans le sadisme des soldats japonais. En tout cas, c’est la thèse d’un bouquin assez important, comme celui d’Iris Chang, « Zen at war », de Brian Victoria. Il y a là tout un pan de l’histoire de la pensée japonaise qui est important parce qu’il montre une dimension du zen qui en éclaire d’autres, mais de manière assez sombre.
http://www.zen-occidental.net/nishijima/gudo3.html
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Ah oui, tu en avais déjà parlé de ce livre, je ne sais plus où.
Iris Chang dit que c’est le shintoisme qui est devenu religion d’Etat lors du passage à l’ère Meiji en 1868, et que cela participait d’un processus d’unification nationale, avec l’empereur comme incarnation de l’esprit collectif, et l’éthique samourai étendue à toute la population.
J’en déduis que le zen était favorisé lorsque la société était compartimentée, et que l’aristocratie était puissante, quasi indépendante.
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