Des nazis en Asie : le cas John Rabe. Le viol de Nankin (3)

L’armée japonaise était plus que l’alliée de la Wermacht. Il y avait entre l’Allemagne et le Japon des années 1930 de profondes similitudes. Entre autres liens, les Japonais avaient été très impressionnés par le fonctionnement de l’armée allemande et l’avait imitée sur de nombreux plans.

Or, à Nankin, vivaient des Allemands qui appartenaient au parti de Hitler. L’un d’eux est devenu très célèbre, et les Nankinois l’évoquent encore aujourd’hui. John Rabe, né en 1882, était un paisible nomade de l’industrie, comme l’Europe coloniale en faisait tant. Après quelques années en Afrique, il travailla pour Siemens à Nankin. Il dirigeait la branche locale du parti national socialiste. Ses hagiographes affirment qu’il n’adhérait qu’au projet « socialiste » du nazisme, non à la persécution des Juifs.

Toujours est-il que cet homme va se servir des insignes nazies pour protéger des Chinois. Non seulement il étalera des drapeaux allemands pour que les avions japonais ne bombardent pas sa propriété, mais il utilisera son brassard nazi, son uniforme et son casque métallique à des fins pacificatrices.

D’abord pour imposer le silence dans la panique générale qui régnait chez lui. Les Chinois criaient si forts qu’il mit son casque et hurla partout des ordres de se taire. Je ne sais pas en quelle langue, peut-être en allemand. J’aime imaginer ce vétérand, qui n’avait jamais fait la guerre et qui, habillé en SS, jouait son petit Hitler et vociférait pour que chacun reprenne son calme. Il continuera avec les Japonais, qu’il fallait traquer constamment lorsqu’ils violaient et tuaient aveuglément. En général, les Japonais avaient peur, et, donc, respectaient les Allemands.

Partout où John Rabe apparaissaient, les Japonais prenaient la fuite, c’est aussi une image cocasse de ce massacre. Les vainqueurs tout-puissants continuaient de craindre l’autorité d’un seul homme. En réalité, ils craignaient encore les puissances occidentales, et c’est pourquoi quelques dizaines d’Américains et d’Européens avaient créé une « Zone de sécurité » à Nankin, où ils avaient décrété que les militaires n’auraient pas le droit d’agir.

Curieuse guerre où, en plus des victimes et des bourreaux, se trouvaient une troisième instance, presque magique, les « Blancs », les « Occidentaux », nouvelle race d’intouchables, ou de demi-Dieux qui pouvaient imposer une zone franche. Ils se sont pris des coups, se sont fait menacer, ont risqué leur vie, bien entendu, mais ils avaient l’autorité d’aller engueuler des soldats qui violaient des fillettes.

Parmi eux tous, c’est le nazi Rabe qui avait le plus d’autorité et qui fut le grand héros de Nankin. Les Chinois firent de lui un « Bouddha vivant ». C’est ainsi que le nazisme qui est, à nos yeux, l’incarnation du mal, est devenu, à l’autre bout de l’Eurasie, un bouclier assez fort pour sauver des dizaines de milliers de vies humaines. C’est à Hitler que Rabe envoyait des télégraphes laissés sans réponse, pour demander que l’Allemagne fasse pression sur le Japon à des fins humanitaires !

Quand j’étais professeur à l’Université de Nankin, en 2005, on me fit savoir qu’une de mes étudiantes avait remporté un concours d’écriture pour une nouvelle mettant en scène un Allemand qui avait sauvé de nombreux Chinois lors du « Grand massacre de Nankin ». Je ne connaissais pas encore très bien cette étudiante, mais elle allait faire parler d’elle sur internet quelques années plus tard et devenir une écrivaine franco-chinoise.

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