Problème stylistique d’André Germain

Le récit de voyage demande des auteurs solides, qui savent observer et poser une parole puissante sur des situations compliquées. Le problème stylistique abordé ici fait comprendre pourquoi André Germain a été oublié du monde des lettres.

Tout se joue dès la première page de son récit de 1933, Hitler ou Moscou ?, dans laquelle il dresse le portrait d’une ville et d’un pays au bord du gouffre. Hitler vient d’être élu, que va-t-il se passer ? Pour un auteur de voyage, normalement, cela revient à jouer sur du velours.

Le voyageur qui revient à Berlin, en ces jours historiques de décembre 1932, se sent étreint par une grave émotion. Il a entendu dire, avant de s’embarquer, que l’Allemagne était à la veille d’une grande catastrophe politique et économique, à la veille de la guerre civile. Or jamais Berlin ne lui a paru plus calme.

André Germain, Hitler ou Moscou ?, 1933.

La suite du paragraphe montre un voyageur qui n’a pas les épaules pour supporter la lourdeur de son époque. Il ne sait pas se dépatouiller des apparentes contradictions qui se présentent à lui.

Ce calme est presque angoissant. Au fond du calme et de l’indifférence qui endorment la ville, on sent je ne sais quoi d’inexprimable.

Idem.

« Je ne sais quoi d’inexprimable » ? Un redoublement de locutions sceptiques et suspensives ? Ce n’est pas convaincant car cela manque d’une nécessaire prise de position. Quand on écrit, on doit quand même prendre parti ou alors on se tait. Il fallait dire « je ne sais quoi de menaçant », ou « une menace inexprimable », mais il ne fallait pas redoubler l’idée selon laquelle « je ne sais pas quoi dire ».

Laisser un commentaire