Ces jours-ci, l’écrivain Boualem Sansal est retenu par le pouvoir algérien, et l’agitation médiatique autour de cette affaire donne l’impression qu’il n’y aurait qu’un seul intellectuel en prison dans le monde. Mais au-delà de cette figure célèbre, combien de Français sont aujourd’hui encore otages ou détenus arbitrairement à l’étranger ? Depuis quelques années, et plus particulièrement depuis 2020, je m’intéresse aux prisonniers français en Iran. J’ai moi-même voyagé dans ce pays, arpentant avec mon épouse Hajer les rues de Shiraz et d’Ispahan, ces mêmes lieux où plusieurs Français ont été arrêtés.
Appel pour la libération des otages français en Iran
Aujourd’hui, je tiens à rappeler l’urgence de la situation de Cécile Kohler et Jacques Paris, respectivement professeurs de français et de mathématiques, arrêtés en Iran lors d’un voyage culturel et accusés d’espionnage. Il y a quelques jours à peine, Olivier Gondrand a été libéré. Globe-trotter, amoureux de la poésie, il aurait inscrit un poème de Nerval sur le mur de sa prison pour tenir le coup. Ce détail, tout comme le choix des mots dans ses rares prises de parole publiques, me fait penser qu’il est peut-être un écrivain voyageur. J’attends donc de lui – et avec impatience – un récit de captivité, un récit de voyage ou, à défaut, quelques paroles sur son expérience. D’ailleurs, je l’invite à un entretien dans les locaux de La Précarité du Sage, pour discuter de son rapport au voyage et à la littérature en captivité.
Fariba Adelkhah et l’anthropologie du voyage
Mais parmi les Français qui ont connu la prison en Iran, il en est une dont le parcours est fascinant : Fariba Adelkhah. Anthropologue, directrice de recherche au CNRS, elle a consacré une partie de son travail à l’étude des voyages comme structures fondamentales des relations humaines, entre migration, commerce et exil, notamment entre Afghans et Iraniens. L’un de ses ouvrages porte un sous-titre éloquent : Comment les voyages forment la nation. Son « anthropologie du voyage » l’a conduite à étudier les Baloutches, les Pachtounes et les Hazaras, ces minorités mobiles qui défient les frontières et les États. Accusée d’espionnage – accusation habituelle en Iran contre les intellectuels étrangers –, elle a été emprisonnée entre 2019 et 2023. De cette expérience, elle a tiré un livre qui entre immédiatement sur ma liste de lecture : Prisonnière en Iran. Une analyse du système carcéral iranien (Seuil, 2024).
Le voyageur face à la prison
Le voyage est un grand plaisir de privilégiés quand il n’est pas migration, mais il comporte aussi des risques. La prison, dans ces circonstances, devient une mise à l’épreuve radicale de l’expérience du voyageur. On passe de l’errance choisie à la captivité imposée. Pourtant, certains parviennent à transformer l’épreuve en réflexion, à en faire un témoignage ou un objet d’étude. Que l’on songe notamment à Jean-Paul Kauffmann dont l’expérience d’otage du Hezbollah dans les années 1980 a déterminé toute son œuvre d’écrivain.
La liste des voyageurs emprisonnés en Iran est longue, mais leurs récits, eux, sont encore rares. Tout en remerciant le Très-Haut de m’avoir permis d’échapper aux filets de la police iranienne lors de mon périple persan en 2020, je recommande la lecture des voyageurs qui ont connu la prison en Iran, Fariba Adelkhah en tête.