Je découvre depuis peu la série américaine The Sopranos.
Qu’on ne s’y trompe pas, ce qui se passe à la télévision américaine est depuis au moins dix ans plus intéressant que ce qui se passe dans le cinéma. Un nombre impressionnant de créateurs extraordinaires trouvent à la télévision des financements que le cinéma ne veut plus donner qu’à quelques légendes (Scorsese, Tarantino, et quelques autres). La série télé est donc le nouveau genre dramatique, c’est là que des expériences narratives se font, c’est là que les Américains travaillent leur société, leurs valeurs, leurs croyances, leurs peurs.
En plus d’être « bien faites » (mais n’importe quoi peut être bien fait, une publicité, un crime) elles sont extrêmement drôles et étranges à la fois. Elles désarment le téléspectateur par leur intelligence, leur profondeur, leur faculté à nous questionner.
Je les ai découvertes en Chine, à Nankin, où les dvd pirates coûtent sept centimes d’euros. J’ai rempli des soirées d’hiver avec des histoires politiques, familiales, funéraires, où les personnages sont tous plus fucked up les uns que les autres.
Le scénariste David Chase a donc créé The Sopranos, dont le héro est un gangster dépressif. Il faut aller chercher une idée comme celle-là. Il tue des mecs, il en torture d’autres, mais il prend du prozac et pleure dans son lit.
Toni Soprano est à la tête d’un réseau mafieux redoutable. Parallèlement à sa vie de gangster, il est mari et père de famille. Mais ses enfants lui causent du souci. Dans la scène retranscrite ici, son fils doit s’expliquer après avoir volé la voiture de sa mère et l’avoir sérieusement abîmée. Le gamin traverse une crise d’adolescence relativement existentielle.
Le gamin : C’est pas de ma faute !
La mère : Tu aurais pu tuer les filles dans la voiture.
Le gamin : Ca, ça aurait été intéressant.
La mère : Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ?
Le gamin : La mort montre l’ultime absurdité de la vie.
Le père : Attends, qu’est-ce que c’est que ça. Tu veux me mettre à bout, c’est ça ? Parce que je suis à deux doigts de te balancer par la fenêtre !
Le gamin : Tu vois, c’est ce que je disais. La vie est absurde.
La mère : Ne dis pas ça ! Dieu te pardonne.
Le gamin : Dieu est mort.
Le père : Eh !
La mère : D’où ça sort, ça ?
Le père : C’est à l’école qu’on t’a appris cette merde ?
La sœur du gamin entre et se sert un soda dans le réfrigérateur.
La sœur du gamin : On lui fait étudier L’étranger. Vous croyez que l’éducation nous sert à gagner de l’argent ? C’est ça l’éducation.
Le gamin : Est-ce que vous pensez parfois : « Pourquoi nous sommes nés ? »
La sœur du gamin : Mme de Staël a dit : « Dans la vie, les hommes doivent choisir entre la souffrance et l’ennui. »
Le père : Va dans ta chambre.
La fille se retire.
Le gamin : Non, je suis sérieux. Pourquoi on est né ?
Les parents sont décontenancés.
La mère : Nous sommes nés à cause d’Adam et Eve… Voilà pourquoi. Maintenant, va dans ta chambre et va faire tes maths.
Le gamin : L’algèbre ? C’est ce qu’il y a de plus ennuyeux.
Le père : L’autre choix, c’est la souffrance, tu veux commencer maintenant ? (Il crie) Bouge ton cul !
Le gamin se retire.
Moi je ne connais pas du tout , mais c’est vrai que les séries américaines c’est ce qu’il y’a de mieux en ce moment , de plus créatif , d’inventif.Moi le dernier truc que j’aimai bien c’était Seinfeld, le quotiden d’un comédien à New York, hillarant , mais c’est vieux déjà. Dans le dernier monde diplomatique il y’a un article : » Les gangsters neurasthéniques des « Soprano »,par Geoffrey O’Brien.
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Oui, j’ai vu cet article, c’est ce qui m’a motivé à acheter le coffret des 6 ou 8 premières saisons. C’est comme ça ici, on ne visionne pas un film, tranquille, un soir. Non, on visionne 10 ans de feuilleton. Un peu comme les grands romans du 19ème siècle (dont les séries télé sont pour moi l’exact pendant) qu’on lit aujourd’hui en volume relié alors qu’ils étaient écrits pour être découverts chaque semaine.
Le temps que je passe à regarder ces séries, c’est ça de gagné sur letemps qu’il me faudra pour écrire des articles et des conférences quand elles seront devenues des classiques et qu’on demandera des introductions, des commentaires, des analyses.
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1/j’ai appris quelque chose sur mme de Staël
2/ Ca me fait une citation de plus à noter dans mon carnet !
3/ Je vous déteste parce que ça fait aussi une série de plus que je dois regarder lorsque je trouverai le temps et j’en oublierai encore le boire et le manger
4/ Guillaume, tu t’es suicidé depuis que j’ai (pourtant gracieusement) repoussé les avances que tu ne m’as pas fait ? Parce que plus de nouvelles….
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Je ne me suis pas encore suicidé, Ninog, malgré ton refus de venir boire un coup avec le schizo précaire que je suis.
La citation de Mme de Staël, en revanche, doit être prise avec des pincettes : elle a piqué cette idée chez Schopenhauer, dont elle était lectrice. Mais les dialoguistes de The Sopranos ne le savent pas car ils sont bourrés de talent mais n’ont aucune honte à avouer leur ignorance.
C’est ce que j’aime chez les Américains, leur absence de complexe culturel. Sur un DVD, le créateur de la série, David Chase, commente son épisode préféré, intitulé « L’amour fou ». Il dit ce qu’il comprend de cette expression française et précise qu’il l’a trouvée dans un documentaire sur Luis Bunuel. C’est ça l’Amérique, dire Bunuel fait super classe, le fait d’ignorer Breton et le reste du surréalisme ne pose pas l’ombre d’un souci. C’est une autre civilisation, que voulez-vous que je vous dise ? Encore plus difficile à pénétrer que la civilisation chinoise.
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Zut, moi qui espérait pour une fois avoir poussé un homme à se supprimer juste pour un « non » de ma part…
Allez, pour oublier, à défaut d’avoir une cave bien remplie, je m’en vais relire Schopenhauer pour voir si je ne peux pas lui piquer d’autres idées, on ne sait jamais !!!
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Avec ces histoires de séries , je viens de me rendre compte de l’importance des plus anciennes que je redécouvre avec plaisir. Je ne parle pas de Columbo dont je suis un fan irréductible mais plutôt de celles genre « Magnum » qui a tout son intérêt si on regarde bien et que je redécouvre en ce moment. Je me demande même si inconsciemment cette derniére ne m’a poussé a partir en chine. Mais oui , souvenez vous, ca se passe dans des ambiances asiatiques américanisés genre honolulu , hawai et puis surtout il y’a la voix intérieure de Magnum : « oh je sais ce que vous allez penser » , hillarant (avec le petit rire et le haussement de sourcils qui va avec) ce genre de truc qui m’interpelle vachement , et puis Higgins , Terry tout ça quoi , je suis trop content de redécouvrir ça en ce moment, je ne sais pas si il faiy se gacher la vie avec des études universitaires sur le sujet , en tout les cas , c’est vrai que c’est comme de feuilletons du 19eme siécle tout ça.
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