Caroline Riegel, ingénieuse et marcheuse

En disant « Caroline Riegel, ingénieuse » je fais un jeu de mot. Comme je n’ai pas d’humour, j’explique mes blagues.

Ingénieuse, ici il faut le lire comme féminin d’ingénieur, car elle est ingénieur hydrologue, elle a construit un barrage dans la Montagne Noire (Dieu sait ce que c’est) et un au Gabon (mais où au Gabon, Dieu le sait.) Et puis elle a décidé de faire un long voyage du lac Baïkal au Bengale, en passant par les steppes et les montagnes d’Asie centrale.

Comme cela se peuple, dites-moi, l’Asie centrale ! Un nombre très élevé de livres de voyage paraissent ces temps-ci sur cette région du monde. On peut le comprendre pour différentes raisons : 1) Région riche en pétrole, elle intéresse toutes les puissances du monde. 2) Région riche en jolies femmes, elle intéresse tous les traîne-savate. 3) Région riche en cultures mélangées, elle passionne les ethnologues. 4) Région longtemps sous-visitée, elle représente quelque chose de neuf.

La carte générale de Caroline Riegel va un peu dans le sens d’une région très pure, très « neuve ». De même, les photos qui parsèment le livre sont toutes prises dans la nature. À feuilleter le premier tome de Soifs d’Orient, un léger malaise s’installe : on dirait que ces immenses territoires ne connaissent pas la ville, que les hommes qui peuplent ces lieux n’ont jamais rien construit. Puis quand on lit le récit de voyage, les villes apparaissent mais sont détestées par la narratrice. Elle les trouve sales, grises, sans charme.

Il faut s’interroger sur tous ces voyageurs qui n’aiment pas les villes. Ils y voient une perte d’authenticité. C’était déjà le cas chez nos orientalistes du XIXe siècle, qui allaient voir en Algérie et au Liban une humanité et une nature pas encore contaminées par la révolution industrielle. Nos grands voyageurs écologistes sont-ils vraiment tout à fait différents de nos grands artistes colonisateurs des siècles passés ?

Je pose seulement la question.

Reste que notre ingénieuse hydrologue féminise la cartographie. Du moins elle essaie, dans l’apparence.

La carte qu’elle place en début de récit est légendée ainsi : « Du Baïkal au Bengale : pérégrination d’une goutte d’eau. »

Sur une carte satellite, la ligne de l’itinéraire de l’ingénieuse Caroline est un peu impressionniste, comme un coup de pinceau assisté par ordinateur. Les lignes de l’itinéraire sont jonchées de gouttes d’eau.

Il n’y a pas à dire, c’est un bel itinéraire. Un grand zig-zag dans l’Asie centrale, qui n’est pas sans rappeler la figure symbolique du Yin et du Yang. Comme je n’ai pas de sens artistique, j’explicite et j’illustre mes idées plastiques. Avec des couleurs, sans quoi la vie est terne.

Au Baïkal, la formation scientifique de notre voyageuse s’avère précieuse. Elle en parle avec émotion et en connaissance de cause. Une telle masse d’eau pure, sur la terre, pour elle c’est une perle. D’ailleurs elle intitule son chapitre « La perle de Sibérie ».

Et moi, ce que je trouve précieux, ce qui m’émeut, c’est le destin scientifique de la voyageuse. Je l’aime d’autant plus qu’elle est une femme de science, qu’elle va voir des savants dans des instituts de limnologie (science des lacs), qu’elle s’informe et que le lecteur l’admire autant pour ses aventures de voyageuse que pour son savoir qu’on imagine vaste.

En réalité, on n’en sait rien, mais cela fait partie de la panoplie du voyageur, ses compétences supposées, les exploits qu’on lui prête, les mystères qui l’enrobent. C’est le crédit du voyageur.

14 commentaires sur “Caroline Riegel, ingénieuse et marcheuse

  1. Au Gabon, dans les monts de Cristal : c’est un massif montagneux au Nord de Libreville, le long de la frontière Guinéenne et Camerounaise. On peut s’y rendre facilement, et loger près du barrage. Il y a la forêt, des cascades, et il y fait un peu plus frais Quant à la Montagne Noire, c’est un très beau massif à l’extrême Sud du Massif Central, du côté de Carcassonne. Tu dois connaître.

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  2. « Les Monts de Cristal » : voilà un nom qui me faisait rêver quand je regardais, en France, la carte du Gabon ( celle que nous avons acheté en Sologne, à l’IGN ) C’est très fort, comme nom de montagne. Un nom sur une carte, ça a parfois un pouvoir très fort. Par contre, la carte en elle-même n’est pas terrible : toute verte ( au Gabon, il n’y a que de l

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  3. Que de la forêt. Sinon, ce que je voulais dire, c’est que le féminin de « ingénieur », ce n’est pas « ingénieuse », mais « ingénieure ». Mais tu le savais déja.

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  4. Un relent sexiste, tiens, intéressant, voyons un peu. Il y a en effet un usage assez complexe du féminin et du masculin dans ce billet, mais a-t-il pour but de diminuer Caroline Riegel en tant que femme ?
    Il me serait très utile que ceux qui voient une once de sexisme dans ce billet disent en quoi, car moi, je n’en vois pas l’ombre. Au contraire, je trouve que sa carte n’est pas assez féminisée, qu’elle n’est féminisée qu’en apparence, et une apparence qui ne rend pas justice à la féminité. Les coups de pinceau dans le paysage, cela donne une impression de vague, de flou, qui, malheureusement, ancre et cantonne la femme dans un rôle de douceur, d’innocence, de superficialité malvenue.

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  5. Le féminin d’ingénieur, Ben, peut être ingénieure pour les réformistes comme toi. Pour les puristes – dont je ne suis pas, Dieu m’emballe! – c’est encore « ingénieur ». D’ailleurs, Caroline Riegel elle-même l’écrit sans « e » sur la quatrième de couv, dès les premiers mots : « Ingénieur hydraulique, j’ai souvent observé à quel point l’eau pouvait être un objet de facination. »
    Sinon, oui en effet, la montagne noire, maintenant je me souviens : pas loin des Corbières, là où l’on cultive le raisin dont on fait le formidable Fitou. En bon sexiste que je suis, j’ai traversé cette région avec une camarade de jeux mi tunisienne mi marocaine (c’était elle la sexiste, dans le déduit elle voulait toujours surplomber les débats.)

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  6. Il y’a plusieurs questions que m’inspirent ce billet : d’abord est-ce que ce genre de récit peut rentrer dans le cadre d’une thése sur la littérature de voyage ?(non je ne suis pas sexiste en disant ca,vous allez comprendre aprés…)… est-ce que ce genre de récit d’exploration ou d’explorateurs (trices pardon oh la la) contemporains peut rentrer dans le cadre d’un travail de recherche sur la littérature de voyages ? si oui alors pourquoi partir aussi loin, pourquoi faire d’aussi longs trajets, pourquoi faire compliqué quend on peut faire plus simple…Ce livre est peut etre trés bien , je suis sur qu’il me plaira quand je le lirai, mais je ne peux m’empécher de penser qu’au fond il va un peu m’ennuyer, me paraitre même un peu palot par rapport a d’autres grands récits d’explorateurs (le journal de christophe colomb est un must en la matiére, sans compter Marco Polo, la aussi on va me traiter de sexiste moi aussi…pourtant, je pense au journal de Maud Fontenoy que je vais me faire offrir NOEL , cette navigatrice que je vénére et que j’adore par exemple comme bon nombre d’exploratrices et voyageuses conquérantes, dynamiques , curieuses et passionnantes, vous voyez que je ne suis pas sexiste. bon) . Un exemple : prenons n’importe quel(lle) quidam(e) (?) qui se donnerait comme idée folle de par exemple suivre les traces de la construction de chateaux d’eaux en seine et marne… (ou de la région de Carcassone, ou de Lyon, bref un petit périmétre du terroir franco-français la on va me traiter de sale nationaliste, mais on peut appliquer l’expérience sur une autre petite parcelle d’un pays étranger si vous voulez mais l’expérience risque de foirer…) ou d’églises, ou de pharmacies, ou de supermarchés gigantesques qui font la gloire de la région , d’hotels campaniles ou d’amour ou d’amis perdus de vue ,des gens inconnus pris au hasard dans le bottin histoire de rigoler, tiens tous les mecs dont le nom commence par A et vivant à Coulommiers et sa région par exemple…soyons encore plus fous… bref, n’importe quel truc qui donnerait sens au trajet, (un peu comme l’eau dans ce livre) et fairait ce cheminement avec un moyen de locomotion originale (a pied , en camping car,vieille deux chevaux pourrie, trotinette,minibus wolwasgen retro façon hippie, skate board, …par exemple, histoire de mettre un peu d’exotisme dans tout cela avec, en plus, un pauvre baluchon a l’épaule ca faira encore mieux) puis en fairait un récit, un journal ou un blog et l’écrirait avec talent, ca serait aussi passionnant qu’un bon vieux Bouvier non vous ne pensez pas ? Autre chose : imaginons un type ou nana qui veuille refaire le trajet a la lettre du parcours de Bouvier ou Alexandra David Neel mais écrirait comme une merde, on trouverait ca nul et on aurait raison…mais si le mec ou la gonzesse qui fait un parcours de deux kilométres écrit avec talent, cherche a faire plaisir son lecteur on est quand même content, on prend du plaisir a le lire…un peu comme le « zones » de Rollin (je dis ca , mais Rollin est un réel écrivain voyageur et le revendique ca se complique quand on arrive au probléme du style et ça rigole plus…) Bon un autre exemple : Il y’a aussi ce grand livre de Cortazar : « les autonautes de la cosmoroute » ou il parcourt l’autoroute du soleil avec sa femme et dresse le récit de ce parcours comme un journal (c’est d’ailleurs un réel récit de voyage, réalisto -fantasmagorique agrémentés de photographies…vous qui aimez les récits de voyages LISEZ CE LIVRE génial comme savent l’écrire les grands écrivains sud américains… un livre culte et de chevet pour moi, on ne voit plus les aires d’autoroutes de la même façon aprés ca, un vrai travail d’écrivain et un vrai récit de voyage d’un couple d’expatriés passionnés par la france qui n’ont parcouru que quelques kilométres pouratnt, il y’a de l’hulour , de la joie, de la tragédie, les affres de la création, de la découverte, c’est splendide vraiment comme beaoucup de livres de Cortazar…vive l’argentine, fermons la parenthése) Prenons le cas de Jean Echenoz maintenant: « le méridien de greenwich » est un récit -scénario-journal de voyage tout comme « je m’en vais » d’ailleurs, alors ? l’histoire se passe au pole nord ou dans un bateau faisant cap vers le groenlnd, jene sais plus trop mais c’est trés réaliste, et Jean Echenoz n’y a jamais mis les pieds !! que faire de ces petits rigolos d’écrivains contemporains qui en plus d’écrire bien, jouent avec le réel dans leurs récits de voyages hein ? Et Michaux n’en parlons pas, c’est lui qui a ouvert le bal de cette grosse embrouille entre réel, récit de voyages et magie, fantasmagorie, mais on a pas fait mieux depuis malheureusement.J’espére avoir été clair.

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  7. Dans ces oeuvres d’art plastique, qu’est-ce qui est de l’ingénieuse ingénieure et qu’est-ce qui est de ta sagesse précaire ?
    Un coup on a l’impression que c’est toi qui colorie sur sa carte pour montrer le yin-yang, un coup on a l’impression que c’est elle qui a féminisé la carte en rajoutant des coups de pinceau.

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  8. Oui, j’ai encore été inclair. Les couleurs, c’est moi et ma grande maîtrise du logiciel « Paint ». Sur votre ordinateur, vous cliquez-droit sur la photo que vous voulez regarder. Dans « ouvrir avec », vous choisissez « paint » et votre photo apparaît immense. Il faut la réduire puis vous utilisez les couleurs et les outils (pinceaux, bombe, crayons, etc) pour maculer l’image.
    Comme Riegel avait cherché à féminiser la carte, je l’ai remasculinisée avec le yang et le yin, mais d’une masculinité non close, non exclusive puisque dans le yang le yin prospère.
    Tout cela, il n’était pas besoin de le dire, il suffisait de regarder, à condition qu’il soit évident pour le lecteur quelle carte était la sienne et quelle la mienne.

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