Depuis les salles de lectures et de travail, au rez-de-jardin, on voit les arbres de la petite forêt intérieure qui se font taquiner par les flocons de neige. C’est très doux et très apaisant, après des fêtes un peu tumultueuses.
Les bibliothécaires se morfondent devant leurs écrans sans s’émerveiller d’un tel spectacle, alors que dans les grandes villes européennes, très peu de travailleurs bénéficient d’une vue sylvestre et d’un hiver aussi bucolique.
Je me concentre sur l’oeuvre de Gao Xingjian, en particulier sur son récit de voyage La Montagne de l’âme. A la dernière page, l’écrivain avoue ne rien comprendre à rien :
Tout est calme alentour. La neige tombe en silence. Je suis surpris par ce calme. Un calme de paradis.
Pas de joie. La joie n’existe que par rapport à la tristesse.
Seule tombe la neige.
(…)
ah, La Montagne de l’âme … tu as bien raison de te concentrer. Je crois me rappeler que le premier acte de ma vie de commentateur fut de protester contre un des premiers actes de ta vie de blogger, sur Gao, dans lequel tu parlais du Livre d’un homme seul, sans dire autant de bien que je pensais que tu aurais dû le faire de son auteur.
C’est curieux de voir que le thème de la neige le rattache pour moi à Pamuk : dans mon souvenir, les deux Nobel sont liés par une sorte de fraternité. Leurs romans ne sont-ils pas tous deux des « récits de voyage » silencieux et un peu mélancoliques ?
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Oui, c’est vrai. C’est vrai que ton commentaire sur Gao fut le premier commentaire tout court de « Nankin en douce ». C’est vrai aussi que la neige relie Gao et Pamuk.
Mais moi, la neige chez les Chinois, (en dehors de « Pays de Neige » en lien ci-contre) me fait surtout penser à Lu Xun, dans un de ses petits textes en prose, où il dit que « la neige du nord est solitaire ».
Voir le billet sur une fille qui s’appelait Neige et qui lut, à Suzhou, cet extrait de Lu Xun : http://nankinendouce.over-blog.com/article-546977.html
Or, dans le chapitre 71 de la « Montagne de l’âme », le narrateur de Gao est à Shaoxing, et il parle de Lu Xun, d’une manière qui mène à penser qu’il s’identifie à lui.
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Calme intérieur
Tout est calme
Pendant l’hiver
Au soir quand la lampe s’allume
À travers la fenêtre où on la voit courir
Sur le tapis des mains qui dansent
Une ombre au plafond se balance
On parle plus bas pour finir
Au jardin les arbres sont morts
Le feu brille
Et quelqu’un s’endort
Des lumières contre le mur
Sur la terre une feuille glisse
La nuit c’est le nouveau décor
Des drames sans témoin qui se passent dehors.
Pierre Reverdy (« Plupart du temps » – Gallimard, 1969 – poèmes écrits de 1915 à 1922
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Je viens de relire ton article de Nankin en douce sur Gao (http://nankinendouce.over-blog.com/article-524867-6.html#c)
C’est marrant comme le souvenir que j’en avais gardé est différent de l’impression qu’il me fait aujourd’hui. D’abord, parce que tu as rajouté de très belles photos, mais aussi parce que je suis plus à la thèmatique africaine qui s’y trouve, bizarrement, avec les copains conglais et sénégalais de ton pote et surtout avec celui des masques.
La théorie des masques, c’est la Montagne de l’âme ou le Livre d’un homme seul ?
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Merci François pour ce beau poème.
Et merci Ben pour rappeler ce billet de l’été 2005. J’avais complètement oublié cette histoire d’Africains en échanges universitaires, et oublié que j’avais parlé là du salon nocturne franco-africain.
La théorie des masques, ainsi que tout ce que je disais de Gao à l’époque, est tiré du « Livre d’un homme seul », qui est un livre moins génial que « La Montagne de l’âme » mais plus facile à lire et plus informatif pour ce qui est de la Révolution culturelle.
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J’aime bien celui-ci aussi :
Que j’aime le premier frisson d’hiver ! le chaume,
Sous le pied du chasseur, refusant de ployer !
Quand vient la pie aux champs que le foin vert embaume,
Au fond du vieux château s’éveille le foyer ;
C’est le temps de la ville. – Oh ! lorsque l’an dernier,
J’y revins, que je vis ce bon Louvre et son dôme,
Paris et sa fumée, et tout ce beau royaume
(J’entends encore au vent les postillons crier),
Que j’aimais ce temps gris, ces passants, et la Seine
Sous ses mille falots assise en souveraine !
J’allais revoir l’hiver. Et toi, ma vie, et toi !
Oh ! dans tes longs regards j’allais tremper mon âme
Je saluais tes murs. Car, qui m’eût dit, madame,
Que votre cœur sitôt avait changé pour moi ?
Alfred de Musset
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Et je rajouterai même plus : « mais où sont les neiges d’antan » ? (d’un certain François chantonné par Georges)
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« Les bibliothécaires se morfondent devant leurs écrans sans s’émerveiller d’un tel spectacle, alors que dans les grandes villes européennes, très peu de travailleurs bénéficient d’une vue sylvestre et d’un hiver aussi bucolique. »
Moi, en tout cas j’ai vu -au moement même où j’écris ces lignes- sur le bois et la plaine champétre du bois de Chigny et avec les pavillons enneigés de ci de la c’est une vue splendide…difficile de se morfondre avec une vue pareille ; c’est une fête des yeux chaque matin de chaque jour de chaque saison ; j’espére qu’il ne vont pas construire un dysney parade un casino ou un nouveau aquasplash sur ce magnifique champ de vision peut etre pas aussi grandiose et prestigieux que celui de la BNF mais que j’apprécie enormément.
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« champ de vision » ou « vision du champ », j’hésite entre les deux…
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De plus, je n’ai pas le temps de me morfondre..j’invite d’ailleurs des bibliothécaires de la BNF qui lisent ces lignes par pur narcissisme et a tout hasard à venir faire un petit stage à échanger ma place contra la leur, car, c’est parfois tellment agité ici qu’il y’a des jours où parois j’aimerai bien me morfondre…un petit stage de dé-morfondisation c’est salutaire !
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Les bibliothécaires de la BNF sont très bien, ils sont serviables, ils ont le temps de s’occuper des usagers, ces derniers leur demandent très peu d’attention…
D’ailleurs, les règles d’utilisation de la BNF sont si complexes que seuls ceux qui en ont vraiment besoin s’y aventurent, c’est la grande différence avec un CDI.
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Mais tout a fait mon bon Guillaume, tout a fait, je ne dis pas le contraire, bien sur qu’ils sont serviables et trés bien, bien sur.
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