Discours croisés sur les migrations : deux voies sans issue

L’histoire poignante de mon ami H. qui prend des risques pour mettre le pied en Europe remue tant d’idées et de souvenirs en moi. Les mots et les idées s’entrechoquent.

Deux discours sur la migration se font face et sont également sans avenir et sans issue. En Europe, le discours dominant est celui de l’anti-immigrationnisme qui prétend que l’immigration est la cause de nos problèmes. En France, l’extrême-droite pense et dit cela depuis 50 ans, rejointe par les partis de droite et du centre depuis leur défaite de 1988, rejointe enfin par la gauche anti-sociale dite gouvernementale, qui se vautre depuis 2001 dans un racisme renommé élégamment laïcité.

En face, c’est une position inverse qui s’impose. En Afrique, le discours omniprésent est celui de la réussite par l’émigration. Aider quelqu’un revient bien souvent à lui trouver un « contrat » ou un visa dans un pays du Golfe persique, d’Amérique ou d’Europe. Les conseils fusent du genre : apprends telle langue, forme-toi à tel métier, cela te donnera plus d’opportunité pour partir dans tel pays. C’est un véritable crève-coeur de voir tant de gens de grande qualité avoir intégré l’idée que la réussite se trouverait forcément ailleurs.

Des millions de personnes dans le grand sud sont parkés dans des centres, des prisons, des camps, aux portes des espaces européens, américains ou asiatiques perçus comme des Eldorado d’opportunités. On entend des chansons et on voit des pancartes de gens qui clament : « Laissez-nous passer », « we need to pass ».

Où la sagesse précaire se situe-t-elle dans cet embrouillamini ? Doit-elle militer pour un accueil inconditionnel de tous ceux qui le veulent ? En quoi cela serait-il humaniste et rationnel ?

Le sage précaire est gêné. Il aimerait voir les voyageurs libres de traverser les frontières mais il comprend les frayeurs et les inquiétudes des braves gens devant l’immigration. Cette inquiétude est la même partout, elle est par exemple présente en Tunisie cet été en présence de tous les subsahariens qui apparaissent dans les villes côtières.

Ce qui est insoutenable dans tout discours, c’est de réduire les Africains à une catégorie d’être humain, celui qui cherche à s’en sortir. Il faut aussi donner voix à tous ceux qui veulent juste voir du pays, sans nécessairement fuir la misère, comme le sage précaire lui-même le faisait.

2 commentaires sur “Discours croisés sur les migrations : deux voies sans issue

  1. Bonjour Guillaume,

    En effet, l’immigration est un sujet récurrent depuis les années 90. Un sujet rendu sensible car sentimentalement traité souvent par clientélisme politique. D’accord avec vous, toute crise et échec politico-social ne peut se justifier par l’immigration. Et je me permettrais d’ajouter deux observations : certains français ignorent (ou font semblant d’ignorer?) que leurs compatriotes – français – partent eux aussi chercher ailleurs, c.à.d immigrer, même si cela s’appelle positivement « expatriation », et non immigration. Pour cela, il suffit de séjourner à Londres pour s’en apercevoir : nombreux français (blonds, roux, …) occupent des postes de réceptionniste d’hôtel, barman, serveur, guichetier, nounou, … Ce n’est pas tout : par ailleurs, en 2022 une proposition aurait été faite à plusieurs agences de communication à Paris pour tourner une émission sur une grandissante « prostitution féminine française » à Dubaï (tourisme sexuel); personne n’a voulu mettre en évidence ce phénomène misérable.
    Disons que la question de l’immigration devrait être traitée avec humilité et objectivité en tant que phénomène multifactoriel. Immigrer ne signifie pas aller faire la manche, mais c’est souvent aller chercher du travail et construire son futur. Que voit-on en France ? L’immigré est réduit non sans condescendance et malveillance à un bénéficiaire de la CAF. Tout ce qu’il réalise devient suspect, y compris tomber amoureux:-) ou se marier c’est vu comme vouloir avoir des papiers à la préfecture. Les jeunes des pays du sud sont dans une certaine mesure victime de mauvaise gouvernance, et en ce sens, pourrait-on au moins s’interroger sur les effets coloniaux et l’appui français apporté à des régimes politiques tels feux Omar Bongo au Gabon ou Ben Ali en Tunisie? À propos, j’ai lu hier, dans la Revue Jeune Afrique, que 40% des jeunes tunisiens seraient au chômage en 2023. Eh bien, n’ont-ils pas le droit – comme les français « expatriés » à Londres ou ailleurs – d’aller chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas dans leur pays? Dans la plupart des cas ils ont envie d’agir, mais il n’y a pas d’embauche et de financement de projets. Voir : « Journée internationale de la jeunesse: en Tunisie, les jeunes toujours plus désabusés », LIEN : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230812-journ%C3%A9e-internationale-de-la-jeunesse-en-tunisie-les-jeunes-toujours-plus-d%C3%A9sabus%C3%A9s

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