
En direct depuis le Musée des Cinq Continents, à Munich.
Depuis mai dernier, le musée accueille une exposition temporaire étonnante : l’art de rue à Bamako, et plus particulièrement celui qui s’affiche sur les bus.
Titre de l’exposition : Merci maman.
En français dans le texte.

À Bamako, les bus, souvent d’anciens Mercedes des années 1980, vivent une seconde vie. Donnés à l’Afrique de l’Ouest plutôt qu’envoyés à la casse, ils circulent aujourd’hui dans les rues maliennes, transfigurés. Repeints, décorés, ils deviennent de véritables œuvres d’art brut roulantes. Le visiteur allemand, peut-être, y reconnaît une forme de familiarité détournée : un vieux minibus d’ici devenu objet d’art là-bas. Il y a sans doute un plaisir curieux à voir ces véhicules d’outre-Rhin revêtus de nouvelles couleurs, de nouveaux symboles, porteurs de récits africains.
Mais l’intérêt de l’exposition ne s’arrête pas à cette transformation esthétique. Les commissaires, et en particulier Jonathan Fischer, journaliste, musicien et commissaire germano-malien, ont choisi de mettre en avant l’art dans ces peintures populaires, sans condescendance, en affirmant leur valeur visuelle et expressive. Le projet ne se limite pas à l’esthétique : il propose aussi une lecture ethnographique de ces transports collectifs. Les vidéos tournées par des artistes maliens, les textes d’exposition, les entretiens, nous plongent dans la vie quotidienne bamakoise : les chauffeurs, les apprentis (ces jeunes garçons orphelins qui gèrent arrêts et clients), les parcours et les dynamiques sociales autour du transport.
Cette double lecture, artistique et anthropologique, résonne parfaitement avec la mission du musée, qui explore depuis des décennies les cultures du monde dans toute leur richesse matérielle et symbolique. On y découvre aussi l’histoire de figures majeures comme Drissa Konaté, l’un des artistes les plus en vue de cette scène urbaine. Son parcours, raconté dans un entretien avec Jonathan Fischer, donne une densité humaine et biographique à ces images de bus : derrière chaque motif peint, une histoire de vie.

En somme, cette exposition est bien plus qu’une simple présentation de véhicules bariolés. C’est une méditation joyeuse et profonde sur la migration des objets, la puissance de l’image, et la manière dont l’art surgit dans les interstices du quotidien. Une traversée de continents et de disciplines entre Bamako et Munich, entre art et ethnologie.