
On peut reconnaître une chose à Pascal Praud : c’est un professionnel de la télévision. Il a réussi à créer une ambiance, un rythme, un cadre dans lequel le téléspectateur fatigué trouve son compte. C’est du spectacle. Mais ce spectacle, derrière son apparente légèreté, est profondément utile. Il révèle quelque chose. Il met en lumière l’adversaire. L’adversaire de la liberté, de l’inclusion, de la République telle qu’on voudrait qu’elle soit : ouverte et égalitaire.
Une séquence qui en dit long
Hier soir, une séquence m’a particulièrement marqué. Le présentateur évoquait un bébé israélien pris en otage par le Hamas. Autour de ce sujet, trois professionnels : un autre présentateur cité en exemple, une journaliste spécialiste du dossier, et Pascal Praud lui-même. L’objectif était clair : humaniser cet enfant, faire ressentir au spectateur toute l’horreur de cette situation.
Et bien sûr, cela fonctionne. On compatit. On s’émeut. On s’identifie à cette famille israélienne en souffrance. Mais dans le même temps, une question s’impose : où sont les autres bébés ? Où sont les milliers d’enfants palestiniens massacrés dans ce conflit ? Leur humanité, leur souffrance, sont-elles moins dignes d’attention ?
Ce silence assourdissant, cette absence, révèle une idéologie. On veut nous faire pleurer sur le malheur d’une famille, et c’est légitime, mais ce faisant, on occulte volontairement l’autre camp. Comme si ces enfants palestiniens, ces familles détruites, ne méritaient pas le même regard, la même compassion.
Une idéologie décomplexée
Cette séquence de télévision est le reflet d’un racisme décomplexé. Elle repose sur une dichotomie : d’un côté, des êtres humains, de l’autre, des barbares. C’est cette pensée qui permet de traiter un camp avec humanité et l’autre comme une masse indistincte, déshumanisée, réduite à des chiffres ou des clichés.
Et c’est là le cœur du problème. Ce n’est pas seulement une question de narration biaisée. C’est une question de regard sur le monde. Ce racisme tranquille, diffus, se manifeste dans cette incapacité à accorder aux Palestiniens la même individualité, la même dignité qu’aux Israéliens.
Regarder pour comprendre
Alors, pourquoi continuer à regarder une émission comme celle-ci ? Parce qu’elle divertit, oui, mais aussi parce qu’elle éclaire. Elle met en scène une pensée en action, celle qui façonne une partie de l’opinion publique, qui légitime des politiques, qui nourrit des discours d’exclusion et de haine.
Regarder, c’est aussi se préparer. Voir l’adversaire fourbir ses armes, comprendre ses mécanismes, ses stratégies. Ce n’est pas agréable, mais c’est nécessaire.
Et si l’on veut un jour bâtir une société réellement inclusive, réellement républicaine, il faut commencer par dénoncer ces récits, ces silences, et ces regards biaisés.