La Taiwanaise

En direct de Taiwan, ou l’ordinateur ne connait pas les accents francais.

Rencontre un type d’une soixantaine d’annees qui reproche a son frere de sortir avec une Taiwanaise de vingt ans sa cadette. « Mon frere, dit-il, c’est un flambeur, qu’est-ce que tu veux. Il a beaucoup joue, beaucoup parie, et il a toujours perdu. »

Moi, je trouve qu’il a plutot reussi, au contraire, il s’en est paye de larges tranches, il a voyage, il a fait des affaires, il a gagne beaucoup d’argent puis tout perdu. Puis il a su se relever tranquille, en louvoyant avec les banques. Il a connu des femmes, il ne s’est jamais marie, n’a pas d’enfant. Je ne sais pas s’il le regrette, mais il sait toujours apprecier la beaute des choses transitoires. Sur le seuil du troisieme age, il n’a pas de propriete, mais il habite avec une (jeune) Chinoise qui, pour reprendre ses mots, « s’occupe de moi comme jamais aucune femme n’a su le faire. » Il reve tout haut, il se demande s’il ne va pas quitter la France pour de bon et venir finir ses jours ici.

Son frere trouve cela revoltant. Sur le ton de la confidence, il me dit, sans m’expliquer vraiment pourquoi, que c’est mal.

« Ca me plait bien, moi.

– Oui, mais toi tu es jeune. Lui il a 60 ans!

– Non mais ca me plait bien que ce soit possible a 60 ans. »

16 commentaires sur “La Taiwanaise

  1. Le frère de ce fringant sexagénaire partage sans doute l’opinion si répandue en occident, et immortalisée par le titre d’un roman de Roamain Gary : « Au delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable ».

    Sauf que la vie n’est pas un voyage en métro, et que, de toute façon, beaucoup d’Asiatiques ne partagent pas ce préjugé « anti-vieux » (j’ose le mot – j’ai plus de 60 ans).

    Pourquoi parle-t-on toujours de « dirty OLD man » (VIEUX cochon° ? La cochonceté, si tant est qu’elle existe en ce domaine, devrait s’apliquer à tout le monde, non ?

    Je préfère qu’elle ne s’applique à personne.

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  2. Oui, j’ai toujours ete choque par le fait que des jeunes (et des moins jeunes) meprisent les vieux pour avoir encore des envies, des desirs. Il y a la plus que de la betise. Je me souviens d’etudiantes et de jeunes profs d’universite qui se moquaient ouvertement d’un brillant sexagenaire qui tentait sa chance parfois avec des femmes. C’etait un gentleman (d’ailleurs il est anglais) et il n’insistait jamais quand la femme ne voulait pas. Par extension, les femmes occidentales tendent a mepriser les femmes asiatiques qui, elles, tentent des aventures moins conventionnelles car prises dans d’autres types de prejuges.

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  3. « Par extension, les femmes occidentales tendent a mepriser les femmes asiatiques qui, elles, tentent des aventures moins conventionnelles car prises dans d’autres types de prejuges »

    Quels autres types de préjugés, au juste ?

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  4. Quels préjugés ? Entre autres celui qu’une femme a pour rôle d’être une bonne petite femme d’un homme qui peut offrir la sécurité matérielle. En Chine, dire d’une femme qu’elle est « traditionnelle » est un grand compliment. Très peu de femmes se décrivent autrement. La tradition, ce n’est peut-être seulement un préjugé, mais ça en participe.

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  5. ça y est, j’ai compris… (enfin, je crois : vous vouliez dire « plus » conventionnelles, et non pas « moins »… « plus » conventionnelles au sens de « plus » conformes à la tradition)
    nous qui valorisons tellement l’initiative personnelle et l’individualisme, il est toujours étonnant de voir des gens se féliciter d’être « traditionnel ». C’est comme s’il y avait deux stratégies de développement personnel : l’une qui mise sur l’adaptation de la personne aux règles de la collectivité, et l’autre qui mise sur le développement de l’autonomie personnelle.
    Les « sages précaires », comme vous les appelez, figure éminemment contemporaine, ont me semble-t-il pour caractéristique principale de développer au maximum leur capacité d’adaptation individuelle. Un « sage précaire », c’est quelqu’un qui ne s’incrit pas durablement dans les schémas collectifs. Il est donc amusant que la Chine, pays si traditionnel, si anti-« sage précaire », vous attire autant.

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  6. Oui, vous avez bien compris, mais je voulais en même temps vraiment dire « des aventures moins conventionnelles » car paradoxalement, les femmes asiatiques se retrouvent dans des histoires sans lendemain, de réelles aventures, qu’elles abordent sans amertume, et sans prise de tête. C’est aussi qu’un étranger, ici, est un étranger au sens plein, il est vu comme vivant dans un monde parallèle. C’est presque moins impur de se faire souiller par un étranger car il n’est pas de notre monde.

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  7. C’est drôle, à une époque j’habitais en Amérique latine et j’avais expérimenté la même chose. Des femmes aux vies bien réglées vivaient des aventures sans lendemain et sans prise de tête avec des étrangers de passage. Toutes proportions gardées, c’est sans doute l’équivalent pour un Français de France à la vie de famille bien réglée d’une aventure sans lendemain lors d’un congrès dans une ville éloignée. Puisque de toutes façons les mondes sont parallèles et ne communiquent pas, on peut y faire des incursions sans mettre sa vie en danger.

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  8. On peut peut-être dire que la Chine, pays traditionnel est le pays le plus « anti-sage précaire », mais on pourrait aussi dire avec autant de sens que le « sage précaire » est aussi une tradition chinoise, de Confucius aux maîtres Chan, sans parler des « mondes flottants », si typiquement sino-japonais. Mais ce qui m’agace, c’est cette histoire de « mondes paralleles », comme s’il y avait des mondes paralleles, comme si la Chine était un monde et l’Occident un autre monde, avec une incomprehension inévitable entre les deux. En vérité, je vous le dis, mes bien chers freres: nul monde ne flotte parallelement au nôtre. Et nous ne saurions refuser aux Chinoises ou aux latino-americaines l’humanité qui pourrait leur permettre de regarder autrement que comme « étranger » tout ce qui n’a pas les yeux bridés ou la samba dans la peau. Par contre, il paraît inévitable que les sentiments ne développent des faux-semblants chez ceux qui les éprouvent, comme autant de paravents derriere lesquels dissimuler sa pudeur. Mais les amours de nuages et de lune ne sont-ils pas depuis toujours l’empire des faux-semblants?

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  9. Les mondes flottants, 浮世絵 ukiyo-e en japonais, fu shi hui en chinois.

    C’est le monde des lieux de plaisir et de ceux qui y vivent, tel qu’il a été dessiné par les auteurs des estampes japonaises. Les musiciens et les prostituées sont des précaires, mais pas au sens de l’honorable auteur de ce journal. Ils et elles dépendent de leurs clients, condamnés à rester près d’eux à leur disposition, sinon à disparaître.

    Pour tout savoir du quoi et du comment de ces beaux papiers:
    http://www.museeguimet.fr/Chefs-d-oeuvre-du-musee-Ota-de

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  10. Merci bcp ebolavir,
    ça me plaît encore plus, maintenant que je comprends.

    Et ça m’a fait penser à une phrase de Graham Greene que j’ai lue hier avant de m’endormir :

    « Les notables ont un emploi stable, de hauts revenus… Ils ont toujours quelque chose qui leur appartient, comme cet hôtel vous appartient. Les noceurs, c’est-à-dire nous, cherchons fortune ici et là, dans les bars… Nous marchons les yeux grands ouverts et l’oreille attentive ».

    Précaires, mondes flottants et noceurs d’un côté ; notables et emplois stables de l’autres (encore que « noceur » soit une idée un peu étroite)

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  11. Belle citation de greene, serait-ce pas tiré des Comédiens?
    Concernant les « mondes flottants », du côté Chinois, j’aimerais bien entendre le venerable sage precaire nous parler de Shen fu, et de ses « six chapîtres: d’un monde flottant », où il y a bien une influence japonaise, mais aussi une reference à Li Po. Apparemment, la « vie flottante » (traduction Pimpanneau), le « monde lottant », le « fil inconsistant des jours », tout ça, c’est la même chose. « L’univers n’est que l’auberge des créatures, et le temps, l’hôte provisoire de l’éternité; au fil inconsistant des jours, notre vie n’est qu’un songe, et nos joies sont fugaces… »( Li Po, citation rapportée par Ryckmans en exergue de sa traduction de shen Fu.)

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  12. J’en ai parlé déjà, et pas qu’une fois, mon bon Ben, mais sur mon blog chinois. Je ne connais pas la traduction de Ryckmans qui était épuisée quand je m’intéressais à ce roman, mais je la subodore sensuelle et délicate. C’est un livre qui communique une nervosité délicieuse au corps. A faire lire à tous ceux que la Chine indiffère ou ennuie.
    Merci Ebolavir pour le lien et Mart pour la citation. On peut se nourrir de tout cela.

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  13. Mille pardons, il fallait en effet aller voir sur Nankin en douce, en date du 5/3/6, ton article « la vie flottante », dans lequel tu mentionnais effectivement le « fu sheng liu ji » qui donne son titre au livre de Shen fu. J’ai pu trouver la traduction Ryckmans, mais je ne l’ai pas encore lu; en ce moment, et au moins pendant encore quelques semaines, je suis dans le Hong Lou Meng. Tu vois que tes conseils de lecture sont suivis attentivement .
    Pour revenir au monde flottant, je n’ai pas trouvé dans l’article cité de « théorie portative » vraiment développée; Maintenant que c’est devenu l’exergue de ton nouveau blog, tu ne peux plus y échapper, il va falloir t’y mettre.

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