Les fils narratifs de « La précarité du sage» : la lettre d’un éditeur

Quand on écrit des manuscrits qui sont invariablement refusés par les éditeurs, on devient un as du refus. On apprend à lire des signes même là où il n’y en a pas nécessairement. Un refus ne ressemble pas à un autre refus. Il y a des gradations, des nuances. Il y a des refus qui fonctionnent comme des victoires, relativement à d’autres refus. Il y a une échelle des refus.

Le pire est celui où l’éditeur n’accuse même pas réception et ne vous donne aucune nouvelle, jamais. Moins pire mais pas vraiment consolant, la lettre ou le mail anonyme qui ne dit rien du contenu de votre texte.

Mais parfois, on se fend d’une lettre qui cherche à se justifier, et cela fait plaisir. Parfois, l’éditeur lui-même, le grand patron, prend la plume et vient vous gratifier de quelques mots. L’écrivain raté prend cela pour une reconnaissance de son travail, un quasi succès.

Voici ce que j’ai reçu, un jour, de la part d’un éditeur qui est à mes yeux l’un des plus prestigieux de France.
Monsieur,
Je vous remercie de nous avoir confié « La précarité du sage».
Excusez-moi, je vous prie, mes très longs délais de lecture.

C’est un très beau texte, calme et sage, en effet. On y apprend
beaucoup de choses sur la Chine, en douceur, paisiblement et
précisément.

Pourtant, je reste tout de même réservé. D’abord parce qu’il y a dans
votre regard un je ne sais quoi de gentiment ironique qui m’a gêné.
Ensuite, je ne suis pas tout à fait certain d’avoir vraiment ou
toujours ressenti les fils narratifs que vous évoquez dans votre
courrier d’accompagnement ni, surtout, la tension qui les tiendrait.

Avec mes regrets, et vous renouvelant mes excuses, je vous prie de
recevoir, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

XXXX XXXXXXXXXXX
 

P.S. Pouvez-vous s’il vous plaît nous indiquer, pour le retour de votre
manuscrit, si votre adresse de Shanghai est toujours valable. »

Moi, gentiment ironique ?

50 commentaires sur “Les fils narratifs de « La précarité du sage» : la lettre d’un éditeur

  1. « Ironie »
    Sur le fond, je crois qu’il y a pire que de ne pas recevoir de réponse, c’est de recevoir une réponse à côté de la plaque. Il ne faut pas se leurrer, nombre de français, résidant en métropole, prêteront aux expatriés les intentions qui les arrangent et se verront dans l’impérieuse nécessité de vouloir modifier leur regard sur ce pays. Un pays que bien-sûr, ils connaissent pour l’avoir visité pendant leurs vacances, avoir discuté avec des chinois en France, où en avoir beaucoup entendu parler…

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  2. J avais envoye quand j´avais entre quinze et dix sept ans un ensemble de poemes dont je n ai plus memoires, ficeles dans un obscur recueil dont je n’ ai plus le titre accompagne d une lettre d’accompagnement rapidement ecrite sur une vieille machine a ecrire Olivetti, le tout envoye donc a une revue parisienne (un truc d´ etudiant qui en vendait dans le metro me semble t il et qui etait a mes yeux le meilleur de toutes les revues) que de toutes facons il serait debile de taire le nom puisqu elle a du disparaitre depuis le temps et que j ai tout oublie ou seulement quelques bribes). Pas une lettre, rien ! Et est-ce que je me plains hein ? hein ?

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  3. C’est d’autant plus ironique que je n’ai jamais eu la pretention d’enseigner quoi que ce soit a propos de la Chine. Mais je ne la trouve pas a cote de la plaque, cette lettre. Au contraire elle dit assez bien qu’il y a sans doute quelques bonnes pages mais que l’ensemble du manuscrit ne tient pas la route.
    En revanche, c’est vrai que le statut de resident dans un pays joue finalement en defaveur de la personne qui ecrit ou qui dit quelque chose sur le pays en question.

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  4. Oui, je ne parlais que de son regard sur ton regard. Là il me semble qu’il se trompe. Je n’ai en effet pas vu d’ironie dans tes propos.
    D’ailleurs, si on peut toujours manier l’ironie pour parler de la France, les français ayant ce penchant unique pour l’auto-dénigrement, j’ai le sentiment qu’il est devenu difficile pour un français de discuter de la Chine avec ironie aujourd’hui sans passer illico presto pour, au mieux un ringard nostalgique, au pire un ennemi de la Chine. C’est dommage, cela nous prive de bonnes feuilles.

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  5. Et le statut de résident joue en ta défaveur, quoi que tu écrives ou quoi que tu dises. Le truc de l’ironie gentille, c’est qu’un critique qui ne sait pas quoi dire peut soupçonner d’une position « ironique », distanciée, un peu supérieure, finalement ethnocentrée, n’importe qui qui dit n’importe quoi dès lors qu’il n’est pas dans le témoignage brut. Et si, au contraire, il est dans ce dernier cas, notre critique soupçonnera un manque de conscience de l’inévitable distance qui sépare deux cultures, et blablabla, une « connivence ». Dans les deux cas, ce sont des lieux communs.
    Moi, je suis supercontent: je croyais que tu avais réussi à faire censurer la précarité du sage comme tu as réussi à le faire pour Chines. Ca, ça aurait été les boules.

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  6. « les français ayant ce penchant unique pour l’auto-dénigrement »?? mais un prof de cultural identity dit dans le cours que les britaniques ont la réputation pour l’auto critique, alors que je croyais que c’étaient les italiens qui savaient mieux se moquer. C’est finalement assez naturel et universel de critiquer son propre pays tant que l’on a la liberté de le faire. Il y a en effet bcp de Français qui donnent les propos sur la politique mais ne serait-ce pas plutôt un penchant pour les plaintes ou pour tout renverser (tout le temps)? Quant à leur audience il devrait y avoir une bonne partie qui écoute sans écouter et qui s’en fout ou verse leur compassion. De toute façon il serait mieux de sortir de l’ethnocentricité ou l’hyperfierté de la citoyenneté française. IL y a rien à trop s’en fier aujourd’hui, il faut le savoir.
    Quant aux commentaires de l’éditeur, je trouve ça normal car ds fois/la plupart du temps notre écriture peut produire un effet tout à fait contrarié chez les lecteurs, selon leur propre manière ou penchant de la perception.L’époque du royaume des signes est révolue. Maintenant c’est la subjectivité d’interprétation, ça.

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  7. Non seulement je n’ai pas reussi a me faire interdire ce blog, mais en plus je viens de racheter un ordinateur (un mois de salaire), donc je pourrai a nouveau acceder a mon blog chinois, puisque la connexion qui est chez moi est speciale etrangers. Watch out, « Chines » is back to business!

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  8. Ah, le plaisir des lettres de refus !…

    Je ne vois pas d’ironie dans la réponse de l’éditeur, plutôt une sorte de sympathie bienveillante. Par contre, il y a de l’ironie dans votre regard, Guillaume, et c’est ce qui le rend intéressant.

    Par contre, le reproche sur l’absence de fil narratif ne me surprend pas puisque je suppose que c’est un texte composé de billets et de fragments – un « blog texte », même s’il y a des thèmes et des préoccupations communes qui donnent une unité.

    On avait eut ici même une intéressante discussion sur le statut de l’intrigue et les fils narratifs et je me souviens que vous ne trouviez pas cela très intéressant, ni très utile.

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  9. Autant que je m’en souvienne, mon manuscrit n’etait pas compose de fragments, et certainement pas de billets de blogs, mais de chapitres centres sur un personnage different a chaque fois. Les fils narratifs, il y en a et je les trouve essentiels, mais les intrigues ne m’ont jamais interessees, meme comme lecteur.
    Je veux dire que, par exemple, Mme Bovary n’a pas vraiment d’intrigue, c’est seulement le destin d’une femme, et peut-etre surtout de son mari. Comme avec les oeuvres de Stendhal 20 ans plus tot, la narration se confond avec la biographie des personnages, mais avec des raffinements et des paves dans la marre dans la facon de raconter ces vies.
    L’intrigue, c’est a mes yeux le polar bien trousse, le roman, d’espionnage ou autre, qui vous donne envie de savoir ce qui se passe dans les pages suivantes, sauf que moi cela m’endort. Des que je lis quelque chose comme : « Il lui donna un paquet qu’il fallait remettre en main propre au ministre… » je ne peux vraiment pas m’interesser a ce qui va advenir du paquet, du ministre ou de l’intercesseur entre les deux.
    Je pensais avoir unifie mes chapitre par une sorte de tension continue, mais je n’y suis pas parvenu, ce qui ne m’etonne pas de moi.

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  10. Alors abandonnons le mot « intrigue », car je ne suis pas non plus un grand lecteur de romans policiers (mais pourquoi ratatiner ce mot ? Mme Bovary vit aussi des aventures, que je sache, et dans tous les sens du terme).

    Mais bon, « fil narratif » suffit, après tout.

    Je n’imaginais pas tant un texte compilant des billets de blog, qu’une série de fragments, d’observations, de fenêtres, comme on en trouve sur un blog. Mais si des personnages portent ces chapitres-fragments, je suppose que ça devient des sortes de « nouvelles » (vous récusez peut-être ce terme valise, mais je n’en trouve pas d’autre) – et qu’il y a à l’intérieur de chacune de ces « nouvelles » une sorte de « fil narratif » qui fait réagir les personnages (sauf évidemment si ces personnages ne sont que des regards passifs). Bref, on en arrive dans tous les cas à une succession de fils narratifs centrés sur des personnages qui disparaissent d’un chapitre/nouvelle à l’autre. Et on arrive alors au pb très classique de la cohérence de l’ensemble. A vos yeux, elle est peut-être évidente, vous y voyez probablement une communauté de thèmes, d’inspiration, de lieux, d’idées, d’écriture, que sais-je. Mais il n’en reste pas moins que pour le lecteur, ce qui prime et maintient son intérêt de lecture, c’est rarement la continuité des thèmes, de l’inspiration, des lieux, des idées ou de l’écriture. C’est plus souvent le « fil narratif ».

    (Après, évidemment, il y a plusieurs conceptions de ce qu’est un « fil narratif » et je devine que l’on a pas exactement la même.)

    Bien sûr, on peut viser une cohérence d’ensemble qui s’affranchisse de tout « fil narratif », comme un recueil de poèmes en prose, ou un journal de voyage, ou un recueil de nouvelles, mais dans ce cas il faut que chaque poème en prose, chaque billet, chaque nouvelle « tienne » par lui-même. Et rien ne dit alors qu’il faille lire l’ensemble comme un ensemble : on piochera volontiers au hasard.

    PS : Je ne prétends pas que ce que je viens de dire est vrai, ni même que c’est intéressant pour les autres, et je ne cherche à convaincre personne. Ca m’a intéressé de l’écrire et c’est tout. Je dis ça car je sens que c’est un sujet polémique et qu’il y a dans mon ton affirmatif quelque chose qui agace vite…

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  11. Avec toutes ces precautions oratoires, je vous rassure, Mart, vous n’avez choque personne. Je suis d’accord avec vous, et s’il est vrai que pour le lecteur, « ce qui prime et maintient son intérêt de lecture, c’est rarement la continuité des thèmes, de l’inspiration, des lieux, des idées ou de l’écriture. C’est plus souvent le “fil narratif” », alors il faut peut-etre changer de lecteur, ou se desinteresser de ce qui est suppose l’interesser. Ce n’est pas arrogance que je dis cela, c’est en fait l’inverse : me considerant moi-meme comme un lecteur lambda, je ne peux pas voir ce que j’aime comme des choses inaccessibles au commun des lecteurs. Ce que j’aime, je tends a penser que beaucoup de gens l’aimeront aussi.

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  12. Pourquoi avez-vous écrit la phrase « Les fils narratifs, il y en a et je les trouve essentiels » si dans le même temps vous pensez que « s’il est vrai que pour le lecteur, ce qui prime et maintient son intérêt (…) c’est le “fil narratif”, alors il faut peut-etre changer de lecteur » ?

    C’est complètement contradictoire…

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  13. Ce n’est pas du tout une contradiction, ça s’appelle le reflet précaire d’un monde flottant. Ce que veut peut-être dire Guillaume, c’est que l’écrivain qu’il est aimerait bien remplacer le lecteur de ses propres oeuvres qu’il est par d’autres lecteurs. Pourquoi faire lire ce qu’on écrit à des gens, si ce n’est pour avoir d’autres lecteurs que soi-même ? Ce n’est pas nécessairement par narcissisme, ça peut être par méfiance envers le lecteur que vous êtes de vous-même. Guillaume a des goûts de midinette, c’est bien connu, il le dit lui-même, mais écrit-il pour autant de la littérature de midinettes, je vous le demande? Non, le paradoxe, c’est que vos lecteurs n’auront sûrement pas les mêmes goûts que vous, mais qu’ils apprécieront quand même ce que vous écrivez pour des raisons qui vous paraîtront au mieux imprévues, au pire mauvaises.
    Merleau Ponty a écrit un truc là-dessus, je crois: le sens de l’oeuvre n’est nulle part, ni dans l’esprit de son créateur, ni dans l’interprètation du lecteur , c’est juste un effet aléatoire.

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  14. Brillante parenthese, Ben.
    Ce que vous pointez, Mart, ne me parait pas contradictoire (mais si ca se trouve ca l’est) car je parle de fils narratifs au pluriel, et que vous du fil narratif au singulier comme etant essentiel au point qu’il est ce qui retient l’attention du lecteur. C’est la bonne intrigue du roman bien construit. Si c’est le cas, alors tant pis pour moi, il lira d’autres choses et les vaches seront bien gardees.

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  15. D’ailleurs, Queneau n’a-t-il pas dit : « L’attention de l’auteur et du lecteur n’est plus porte sur l’intrigue, mais sur les personnages qui dessinent cette enigme ». Phrase lue dans la these de doctorat de Dominique Jeannerod, « San Antonio Ltd.:Competition and Domination in the Field of Crime Literature and Film Noir in post 1950’s France », Trinity College Dublin, October 2006. Attendons que cette these soit parue, aux PUF ou chez Minuit, pour en faire un compte rendu circonstancie.

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  16. Pirouettes rhétoriques vides de sens, Ben et Guillaume.

    @ Guillaume : si vous essayez de sortir de la contradiction en pointant le « s » qui est sur « fils narratifs » dans une phrase, et son absence dans l’autre, alors ajoutons simplement un « s » là où il manque : vous prétendez d’un côté mettre des fils narratifs et les trouver « essentiels », et de l’autre vous affirmez que vous êtes prêts à changer de lecteurs si ces lecteurs trouvent qu’il est essentiel d’avoir des fils narratifs. Je répète que c’est complètement contradictoire.

    @ Ben : « Ce que veut peut-être dire Guillaume, c’est que l’écrivain qu’il est aimerait bien remplacer le lecteur de ses propres oeuvres qu’il est par d’autres lecteurs. » Autrement dit, qu’il aimerait être lu. On s’en doutait un peu, non ? Sinon, pourquoi envoyer un manuscrit à un éditeur ?

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  17. Le fil narratif au singulier signifie « l’intrigue », et les fils narratifs au pluriel signifient un élément parmi d’autres d’un texte. Chez Proust, par exemple, il y a bien un fil narratif qui court de la première à la dernière page de la Recherche, mais ce n’est pas ce fil qui retient l’attention du lecteur. Personne n’a lu la Recherche principalement pour savoir la suite de l’histoire. En revanche les fils narratifs (l’amour de Swann pour Odette, ce que devient Saint Loup, la jalousie du narrateur, le devenir de l’article sur les clochers de Martinville, le cercle des Verdurin) sont passionnants à voir évoluer, s’essouffler, se répéter et s’emmêler. Simplement, ces fils ne constituent pas la colonne vertébrale de l’oeuvre ; ils sont bien essentiels mais ce n’est pas eux qui retiennent le lecteur; au contraire, ils étonnent le lecteur quand ils réapparaissent.
    C’est donc peut-être une pirouette rhétorique de ma part, mais pas tout à fait vide de sens.

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  18. « Le fil narratif au singulier signifie “l’intrigue”, et les fils narratifs au pluriel signifient un élément parmi d’autres d’un texte. »
    Tant de sens dans un « s » ?!
    Vraiment ?…
    Et vous entrez à nouveau en contradiction avec vous-même à la phrase suivante : « Chez Proust (…) il y a bien un fil narratif qui etc. » : mais cette fois-ci, vous n’avez pas mis de « s ».
    Je me répète, mais tout ça manque complètement de cohérence.

    Si je résume, vous ne voulez pas 1) que les fils narratifs forment la colonne vertébrale de l’oeuvre, tout en affirmant 2) que pour vous les fils narratifs sont « essentiels », mais que 3) vous préférez changer de lecteur s’ils pensent eux aussi qu’ils sont essentiels, tout en 4) refusant la critique de l’éditeur qui dit qu’il n’a pas ressenti les « fils narratifs que vous évoquez dans votre courrier d’accompagnement ni, surtout, la tension qui les tiendrait ».

    Vous pouvez citer Proust, Queneau, Jeannerod et Merleau Ponty, il n’en reste pas moins que la contradiction logique demeure et qu’elle est même assez spectaculaire.

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  19. Ce serait dommage, car je pense au contraire qu’elle touche enfin au centre de sujet.

    Vous vous faites l’écho d’une opinion très répandue dans la littérature contemporaine française (mais absente du monde anglo-saxon) et qu’on peut résumer ainsi : l’intrigue est quelque chose d’accessoire, presque ridicule, pour ne pas dire infantile – une histoire d’espion, de cow boy et d’indiens.

    Si je ne me trompe, c’est une idée qui a pris son envol avec le Nouveau roman français et qui fait presque figure de dogme aujourd’hui.

    Si je vous ai poussé dans vos retranchements, c’est pour vous obliger à préciser votre pensée là-dessus, pas pour vous coincer méchamment. Il est donc dommage que vous refusiez d’aller plus loin.

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  20. « L’attention de l’auteur et du lecteur n’est plus porte sur l’intrigue, mais sur les personnages qui dessinent cette enigme”; C’est une jolie citation de QUENEAU, que je ne connaissais pas, je me demande de quel ouvrage elle provient…Tout cela m’a surtout donner envie de relire Merleau-Ponty (que j ‘ai deja lu et que j’aime beaucoup) et Proust pour une fois (dont je n’ai lu que des extraits à travers Barthes et Genette comme un bon etudiant en lettres que j’étais) et que j’ai toujours trouvé un peu ennuyeux, jamais accroché beaucoup, et pourtant je fais des efforts, mais j’ai du mal, j’y arriverai bien un jour… Je ne comprend pas trop ce débat sur le fil narratif, on dirait une vieille polémique des années cinquantes comme lorsque Le Nouveau Roman (Robbe-Grillet, Sarraute, Claude Simon…) ou des gars comme Ponge redéfinissait les modes de lecture à travers Proust, ou cherchait a redéfinir les modes de lecture et de reception des oeuvres littéraires à travers l’élaboration de nouvelles rhétoriques, et faisait scandale avec ça; C’est pas que c’est dépassé, mais ca fait longtemps (cinquante quand même…) que la notion de « fil narratif » classique à la Balzac pour faire simple et rapide n’est pas le seul apanage de la littérature contemporaine ( vous savez ,ce truc un peu bizarre que plus personne ne veut voir, lire et ecouter a part Houellebecq bien sur mais c’ert l’exception qui confirme la regle) ;le feuilleton c’est à la téle que ça se passe maintenant, surtout avec les scénaristes américains, qui, quand ils ne font pas gréve trouvent tous les trucs d’intrigue narratifs élémentaires pour nous accrocher (parce que c’est des « trucs » tout ca, comme la magie et oui…) Moi je trouve que c’est heureux que cette « contradiction logique » (?) entre fil/fils narratifs demeure, je ne vois pas ou est le mal la dedans…A moins de prendre le lecteur contemporain pour un imbécile bien entendu…Et encore faut-il qu’il y’en ait encore aujourd’hui (des lecteurs bien sur pas des « fils narratifs » .) ce qui est a mon sens un probleme bien plus spectaculaire quand on léve les yeux de son écran ou de son livre, bien plus spectaculaire à mon avis que la dispariton du , ou des « fils narratifs » dont franchement tout le monde se fout .Un monde sans lecteurs, sans éditeurs (donc sans lettres de refus ou de félicitations), sans livres et sans blogs, sans librairies, sans bouquinistes, sans discussions philosophiques et littéraires , ou il ne faudrait que travailler sans trop penser et sans trop se prendre la tete sur tel ou tel personnage, tel ou tel fil narratif,telle ou telle intrigue, telle iu telle enigme. Bref, ou la seule littérature serait celle de sa déclaration d’impot et sa quittance de loyer.Il y’en a aujoiurd’hui que ca fait rever mais c’est sur avec ca comme dit Mart , « les vaches seront bien gardées » et on lit bien « autre chose ».

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  21. Je vais aller plus loin tout seul :

    Que l’intrigue ne contienne pas l’essentiel de la valeur d’un texte est une évidence : c’est tout au plus un squelette, une mécanique sous jacente.

    Faut-il pour autant mépriser la notion d’intrigue ?

    Faut-il voir une différence de nature, comme vous le faites, entre ce qui serait « intrigue vulgaire » et « fil narratif noble » ?

    Si oui, est-il possible de préciser la nature de cette différence ?

    Le plaisir procuré par l’intrigue est-il réellement un plaisir inférieur ?

    Si oui, pourquoi ?

    Le rejet de la notion d’intrigue ne condamne-t-il pas au formalisme ?

    Moi, bien sûr, j’ai des réponses à ces questions. Mais ça m’aurait beaucoup intéressé d’entendre les vôtres ou celles de quelqu’un d’autre.

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  22. L’autre partie du dogme, tout aussi fermement installé dans les têtes, c’est que l’auteur n’a pas accès au sens de son oeuvre. Il est au plus un passeur qui fait quelque chose qui le dépasse. A chacun ensuite de dire quel est le sens. C’est une sorte de démocratie participative à la Ségolène.

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  23. Je connais des jeunes ecrivains qui ne sont pas restés coincés dans les positions du Nouveau Roman et avec lequel on peut établir un dialogue ouvert, libre et nouveau, ils sont légions et je ne citerai que quelques noms : Chevillard, Echenoz, Bernard Noel, Jean Rolin,toute la poésie contemporaine, des auteurs cinéastes etc….comme les feuilles mortes ils se rammassent à la pelle. Si j’utilise cette métaphore un peu morbide c’est bien pour souligner que simplement le Nouveau Roman c’est un concept qui a été trouvé a un moment pour englober un courant littéraire précis a une époque donnée précise et que les jeunes auteurs contemporains n’ont pas de concept englobant et reviviant comme était celui de « surréalisme », « dadaisme », « nouveau roman », c’est important l’histoire littéraire finalement et, c’est vrai que « littérature contemporaine » ou « moderne » ou mieux « post-moderne » c’est pas trés excitant comme programme, alors on en revient aux vieilles lunes et aux vieux débats sur l’intrigue , le fil narratif. Je comprends que l’on puisse fuir la littérature contemporaine présenté comme elle est dans les rayonnages de grandes librairies franchement parfois ca fait peur… Mais si vous analysez Claude Simon et Robbe Grillet de prés ils n’ont rien a voir l’un et l’autre…Et certains ont passé le reste de leurs vies à se défendre de faire partie de tel ou tel courant comme Sarraute d’ailleurs…comme Queneau du surréalisme…c’est de ces auteurs un peu « rebelles » (je ne vois pas d’autres termes mais « précaires » est sans doute le meilleur terme) que descend la littérature d’aujourd’hui. Ce sont des « auteurs libres », « indépendants », « contemporains », « nouveaux », « passé à la télé » , « copains de houellebecq » mais pas de mouvement, de grandes envolées idéologiques comme avant. Je ne vois pas ou est le mal la dedans bien sur mais c’est sur que sans retomber dans les vieux schémas d’antans « staliniens », « libéraux »,  » les américains sont des cons »… quelque part, l’absence de grands discours idéologiques porteurs contribue à mon avis a la perte des lecteurs et de courants littéraires à la fois innovant et populaire. .L’histoire dira comment nommer l’ensemble de la littéraure contemporaine qui va des années 80 a nos jours, pour l’heure, nous , on la vit de pleins fouets et on ne peut que s’enliser dans des discours stériles sur littérature et idéologie, libéralisme (pour ou contre), reflexion sur la pertinence de nouveaux dogmes ou non (ce qu a été tenter au cinéma par des scandinaves…),fil narratif/fils narratifs…Pour moi le vrai probléme reste celui de la lecture et de sa démocratisation, aprés on parlera intrigue, poétique des textes, histoire littéraire…

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  24. Contrairement à vous, François, je n’ai pas fait d’études de lettres et je m’en félicite. Car à trop lire Genette, on finit par tomber dans des ornières de pensée.

    A une époque, quand j’ai commencé à réfléchir un peu plus sérieusement à la littérature, je pensais que l’intrigue était un truc de naze, une ficelle un peu facile, pas très fine, usée, un truc mécanique et peu créatif, avec toujours les mêmes recettes, sans doute que c’est l’air du temps qui veut qu’on pense ça. J’étais même assez virulent là dessus, bien plus que Guillaume en fait.

    Et puis à force d’y réfléchir, mon point de vue a énormément évolué et je pense maintenant que ma position de départ était très aveugle. Alors forcément, ça m’a donné envie de débattre du sujet…

    Mais je comprends que d’anciens étudiants en lettres soit lassés du thème, mais si je ne pense pas qu’on l »épuise à la fac, loin de là.

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  25. C’est vrai , mais le probléme c’est que seuls les étudiants en lettres lisent Genette.
    Il n’est pas devenu aussi « populaire » ou réutilisé (réutilisable ?) comme Luchini le fait actuellement avec Barthes.Peut-être que ça viendra mais il est plus technique, pas scientifique, mais plus technique… Je sais pas si c’est un probléme car ses bouquins parlent d’autres choses que de « littérature »mais plutot « d’oeuvres », du probléme de reception de l’oeuvre d’art dans son ensemble…Et il est l’un de ceux qui a le mieux parlé aussi dans son ensemble du probléme de l’intrigue, du fil/fils narratifs, justement, je vous invite à le lire ou relire car c’est toujours trés pertinent. J’ai été ravi le jour ou j’ai pu le rencontrer lors d’un colloque il y’a quelques années, a propos de son livre « l’oeuvre de l’art ». Pour lui, il y’a un fil continu de créativité, un flux créateur qui se fout complétement des différents genres artistiques, et le fait de rester focalisé sur un genre est un peu dépassé; aprés tout, c’est un probléme qui peut être interessant à se poser aussi que l’on ait fait lettres ou non n’est pas un probléme et est loin d’être lassant en effet.

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  26. La transgression de l’intrigue simple et lisible, la rupture du fil narratif, ou au contraire son allongement, sa démultiplication, ne datent pas du nouveau roman, mais certainement du début de la narration même, et en tout cas du début de la littérature écrite (ou transcrite.) Chaque bonne période littéraire fait voler en éclat la narration.
    Le nouveau roman, contrairement à ce qu’on en dit, est fasciné par l’intrigue et la travaille beaucoup, c’est pour cela que je n’aime pas beaucoup Robbe-Grillet. Pour le lire, il faut en avoir l’habitude, être un as de John Le Carré, alors que pour les premiers romans de Beckett, il y a bien aussi une parodie d’intrigue mais tellement simple qu’on peut s’en foutre.
    Tout ça pour dire qu’il n’y a pas de débat sur la question si l’intrigue c’est bien ou pas, ni à l’université ni ailleurs, et que c’est pour cela que notre conversation ne mène nulle part. Des fils narratifs, il y en a toujours eu, il en a toujours fallu, et les bons raconteurs ont toujours su jouer avec comme avec d’autres règles structurelles, comme la flèche du temps, les personnages et l’unité de l’espace.

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  27. Vous énervez pas Guillaume, je laisse tomber.
    En surface, tout se passe exactement comme si vous ne compreniez pas ce que je dis. Alors je reformule, je précise, et vous semblez toujours ne pas comprendre ce que je dis. Et là tout à coup, ce petit jeu de con me fatigue.

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  28. hier j’avais lu les 3 premiers commentaires de Mart et j’avais écrit qch pr essayer de distinguer le fil narratif et les fil narratifs, je l’ai pas achevé avant d’aller au cours et le soir j’étais surprise à voir qu’il y a de longs commentaires là dessus(que j’ai pas eu l’énergie de lire) alors je laisse tomber et je crois que j’aurais pas besoin d’y intervenir…sur la narrativité, pr aller vite, complètement d’accord avec Guillaume, le fil narratif est né à l’âge du roman grec, dont Daphnis et Chloé, peut-être encore plus tôt, puis la narrativité a connu des évolutions etc et aujourd’hui on a parodie ou intertextualité(réf aux mythes dans le courant litté au début du XX, dont le théâtre de Giraudoux, Valéry, Camus,etc), hypertextualité, enchevêtrement ou répétition évoluante(ex Duras) , ces deux derniers visant à construire un univers de TOUT avec les fils de narration(pluriel), comme l’image d’une toile d’araignée. Ces évolutions sont presque nécessaires car à force de raconter, l’enjeu n’est plus ce qu’on raconte mais 1)comment, c-à-dire question de l’organisation ou la composition structurelles et systématiques, 2) quel effet produit(hypnose, ivresse, onirisme,entendement, déclic, malentendu,incompréhension, indignation,mépris, etc), autrement dit la prise en conscience de l’acceptation de l’oeuvre: une partie de la créativité de l’oeuvre et de son espace sera désormais cedée aux lecteurs et c’est ça l’ouverture de l’oeuvre dont parle Umberto Eco, raconter n’est plus l’unique finalité, c’est la possibilité de création/récréation de l’oeuvre au cours de la lecture qui serait plus intéressant: chacun imagine et fait son histoire, chacun en tire ses propres conclusions. S’il y a la valeur d’une oeuvre, elle devrait être là, des choses imprévues et au delà d’elle-même.
    Si vous(=Mart) désapprouvez les fils narratifs ce serait peut-être que vous vous concentrez sur qq-uns d’eux que vous percevez de manière immédiate tout en négligeant le fond, au singulier, qui est dissimulé dans ces fils au pluriel et qui demeure invisible au yeux des iconophiles.
    Quant à l’intrigue, je vois ça typiquement du roman policier en effet(qn en a parlé en haut je crois), fabriquer une intrigue intentionnée (du côté de l’auteur) c’est un peu la chasse aux lecteurs, ce qui ne fonctionnerait guère aujourd’hui parce que avec le boom de l’info et de communication on croirait pas trop à ces truc-là. par contre une intrigue perçue par les lecteurs ne la serait pas forcément, ça peut être simplement un énévement aléatoire qui arrive dans le »tout ce qui se passe » d’une fiction. Dans les nouveaux romans, citons Robert-Grillet puis J Echnoz (plus ou moins), il y a tendence d’emprunter des technique du roman policier, leur oeuvre est souvent remplie d’indices, sans lesquels leur histoire ne se déroulerait pas, et qui ne racontent finalement pas grand chose.

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  29. Delphine, auriez-vous l’obligeance de m’expliquer la différence entre un (ou des) fil(s) narratif(s) et une intrigue ? ça me permettrait de comprendre ce que vous venez d’écrire.

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  30. Delphine,je vais essayer de vous expliquer pourquoi je vous ai posé la dernière question et pourquoi le sujet m’intéresse (j’espère que Guillaume ne m’en voudra pas d’utiliser l’espace de son blog pour discuter avec vous).
    Tout d’abord, j’ai bien conscience que le fil narratif est né bien avant le Nouveau roman, ce que je disais c’était que le dogme anti-intrigue avait été pour beaucoup érigé à l’époque du Nouveau roman. Peut-être pas inventé, mais renforcé. Mais là n’est pas le point.
    Ce qui m’intéresse, c’est autre chose.
    Il me semble que lorsque vous tous, vous opposez la notion d’intrigue à celle de fil narratif, vous ne faites qu’opposer l’intrigue au sens hollywoodien à quelque chose de plus subtil, plus construit, une sorte de bouquet de fils narratifs à la Proust.
    Moi, je m’interrogeais sur autre chose : il y a dans la structure même du (ou des, peut importe) fil narratif (au sens de Proust ou d’Hollywood, peu importe) quelque chose d’indispensable pour retenir durablement l’attention. Sans fil narratif suffisant, l’attention d’un lecteur ou d’un spectateur de théâtre ou de cinéma s’endort. Proust sans ses fils narratifs ne serait plus qu’un verbiage lassant. Ce qui me fait m’interroger sur ce qui entre en résonnance dans l’esprit humain avec le fil narratif. Et je crois pour ma part que c’est l’épreuve du réel. Un texte sans fil narratif, c’est comme un esprit sans corps. C’est aussi un peu comme un esprit sans dialogue. Il manque une épreuve de réalité donnant la mesure des choses.
    Quand Cervantes plonge Don Quichotte dans des aventures composant autant de fils narratifs, il met à l’épreuve son romantisme chevaleresque. Il me semble même que tout Don Quichotte est une mise à l’épreuve du romantisme, un entrechoc entre l’esprit et le corps, la rencontre d’une inspiration abstraite et d’un fil narratif concret.
    La question n’est pas tant, me semble-t-il, de savoir si les ficelles narratives utilisées sont fines ou pas, hollywoodiennes ou proustiennes, que de savoir le type d’esprit qu’elles mettent à l’épreuve. Un film d’action met le courage physique à l’épreuve. Un film d’amour, la capacité à aimer. Etc.
    Mais je vais m’arrêter là car j’ai l’impression de parler à une chaise vide : ce que précisément je cherche à éviter en venant parler sur un blog : rien ne vaut la présence d’un interlocuteur pour déclencher le mouvement de la pensée.

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  31. Ne vous arrêtez pas là, la chaise n’est pas vide, elle est pleine de gens qui ont besoin d’un moment pour réfléchir. Vous dites que le « fil narratif » ( je n’aime pas trop cette expression ) est nécessaire pour retenir l’attention du lecteur. Bon, moi, je suis lecteur; est-ce que j’ai besoin de fil narratif pour m’attacher à un texte ? non. Si j’étais auteur, je préfèrerais avoir des lecteurs capables de se concentrer sur le reflet du réel à l’état brut, sans ficelles autour pour l’empaqueter. Alors il y a peut-être deux types d’esprit, un esprit « philosophique » capable de s’interesser à un objet sans évolution « captivante » et un esprit peut-être plus attaché à une représentation plus théatralisée du réel avec une évolution narrative qui précipite la lecture vers la fin du livre. Moi, quand je lis, j’aime bien l’idée que rien ne m’entraîne vers la fin, qu’il y a quelque chose d’éternel dans mon rapport à l’oeuvre.

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  32. Un peu comme une conversation qui s’éternise: c’est vrai qu’on n’est pas d’accord, mais ce n’est pas pour ça qu’on fait durer. On fait durer parce que l’on n’a

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  33. Un peu comme une conversation qui s’éternise. On fait durer parce que l’on n’a pas envie que ça finisse. Par exemple, il y a les lecteurs d’oeuvres complètes. Quand j’ai vu que Guerre et paix se termine par des points de suspension, ça m’a libéré d’un grand poids, parce que au-delà de l’intrigue de Tolstoï, qui était à son terme, et qui, certes, m’avait captivé, il y avait la possibilité de continuer à lire Tolstoï: Anna Karénine, Resurrection… Ce n’était pas l’histoire, ni même les personnages, comme dans la Recherche, qui constituaient ce « fil »: c’était je crois, la possibilité de continuer à visiter la pensée de Tolstoï, et ce, jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou jusqu’au dégoût.

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  34. Il y’a de belles pages sur cet « entretien infini » que procure la littérature dont parle si bien Ben , écrites par Maurice Blanchot dans un ouvrage célébre qui porte ce titre même.Moi aussi je pense que le fil narratif est né avant le nouveau roman, ce n’est pas le probléme ici, ce qui est important ici, c’est la question du plaisir de lire et de l’échange littéraire, du plaisir littéraire tout court même, les deux étant à mon sens indissociables et profondément liés, Sollers (je repense a ma blonde la) que l’on aime ou déteste c’est selon a pourtant écrite de trés belles pages a ce sujet. Je suis assez d’accord sur la disticntion « Alors il y a peut-être deux types d’esprit, un esprit “philosophique” capable de s’interesser à un objet sans évolution “captivante” et un esprit peut-être plus attaché à une représentation plus théatralisée du réel avec une évolution narrative qui précipite la lecture vers la fin du livre. », je me reconnais volontiers dans la deuxiéme, même si je tend, désirerai être comme la premiére. Mais le probléme c’est qu’aujourd’hui, « esprit philosophique » et « esprit plus volontiers attaché à une représenation théatralisé du réel » se confondent, se mélangent, si bien qu’il est de plus en plus difficile de différencier les deux, c’est l’époque qui veut çà…

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  35. Oui. En même temps, si la narration est ce qui institue dans le roman un rapport au réel, une épreuve du réel, effectivement, il paraît difficile de s’en passer. Deux ou trois questions : 1- est-il vraiment nécessaire de créer un rapport au réel ? La pensée, c’est déjà du réel et certaines de ses productions semblent beaucoup plus purement dégagées dfe ce rapport que les exemples que vous prenez:, la musique, les mathématiques. 2- Ce rapport passe-t-il nécessairement par ce que nous appelons fil narratif, intrigue ? Toute éducation, toute vie en général, est une mise à l’epreuve par le réel de l’individu, et pourtant il n’y a pas grand’chose à raconter. Ou alors, on se met à faire du « nouveau roman » et les gens trouvent ça chiant. Le rapport au réel ne suffit pas, me semble-t-il, à constituer une narration. On n’est pas obligé de convoquer James Bond, mais on se fait bien tous notre petit film pour rendre notre vie racontable. Donc, j’en déduis tout le contraire de ce que je comprends dans ce que vous dites: la structuration de l’expérience, sa mise en scène dans le but d’y instituer du racontable, c’est justement ça qui nous évite la vraie épreuve du réel: celle de la banalité. 3- J’ai l’impression que tout cela implique autre chose. L’intrigue, l’histoire, c’est ce qui entraîne la lecture dans la course des evenements, vers sa fin, en l’arrachant à une sorte d’intemporalité fictive. Le réel qu’instituerait donc la narration en littérature, ce serait le temps.

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  36. Ce sont trois excellentes questions monsieur Ben, du trés haut niveau je dois dire (il faut que je les relise , les traduise mentalement, et les digére , aprés je vous répondrai, peut-être…) qui tombent a pic d’une certaine maniére , car j’étais en train de lire un entretien de Clément Rosset dans le dernier PHilo Mag, un auteur que l’on apprécie ou non, (moi moyen, je ne connais pas trop), en tout les cas, il a écrit un truc sur le réel et son double qui me fait songer a votre questionnement.

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  37. Oui, le temps réel. Mais aussi l’espace réel. La narration, je crois que ça commence dès qu’il y a inscription dans un temps réel et un espace réel, contrairement à la pensée qui cherche l’inverse = s’abstraire de la singularité d’un temps et d’un espace donné pour viser une généralité.
    Pensée roman
    général singulier
    analyse narration
    intemporalité et non lieu temps et géographie

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  38. des caractères ne sont pas passé, je voulais écrire :

    Pensée vs roman
    général vs singulier
    analyse vs narration
    intemporalité et non lieu vs temps et géographie

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  39. un romancier qui cherche à se débarrasser de la narration, c’est comme un penseur qui cherche à se débarrasser de la généralité. c’est un non sens.
    Le roman, c’est la narration.
    Comme la pensée, c’est la généralité.

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  40. A Mart: Je vous prie de m’excuser de mon retard, comme j’ai mon propre emploi du temps et mon travail à rattraper je crois pas pouvoir suivre tout cela à temps. Je viens de parcourir les commentaires que j’ai pas pu lu hier et je me rends compte qu’au moins sur le point de l’ouverture/démocratie de l’oeuvre on est bien d’accord. Puis je corrige deux choses: 1) prise en conscience de la réception (pas acceptation). 2) Sur ce que vous dites du fil narratif, d’après ce que j’ai compris, vous entendez dire qu’il faut que qch se passe avec les figures principales, autrement dit qu’il y aie les événements et non pas seulement l’accumulation des objets simples. sur cela on est bien d’accord.

    Pour le reste j’essaie de m’expliquer. Si je penche pour les fils narratifs que le fil narratif, c’est un peu suivre le même principe de la décentralisation administrative de la France. Dans un roman il peut se passer bcp de choses il est vrai, mais si c’est fil au singulier, ces bcp de choses qui se passent convergeront vers une seule Histoire. Prenons « Romeo et Juliette » de Shakespeare, tout ce qui est raconté doivent servir à parvenir à un point final défini, le Sujet, qui est leur relation amoureuse.

    Dans le cas des fils au pluriel, c’est la décentralisation narrative: l’auteur travaillerait davantage sur l’organisation/administration dimensionnelle de l’oeuvre dans son ensemble, la distinction du fil principal/fil secondaire deviendrait floue.Je prends la narrativité du film d’India Song de Duras comme ex car je travaille dessus. On peut capter 3 figures principaux: Anne-Marie Stretter, le Vice Consul, la Mendiante. Les 3 figures ont leurs propres histoires/événements qui sont racontés respectivement(donc 3 fils) et qui forment le caractère et l’identité de chacun d’eux(ça prouve la citation de Queneau en haut); pourtant ces 3 fils ne visent pas à une FIN quelconque, mais ils se rejoignent dans la même séquence(celle du bal, où la mendiante rit, le vice consul crie, A-M Stretter souffre dans le silence) et établissent un petit univers, cristallisé, qui deviendrait le noyau de toutes ces narrations, unifiant les trois fils sans les lier, transmettant la force d’une sensation qui circule et qui serait reçue chez les spectateurs.Dans ce parcours, le Sujet de l’amour-désir est dissimulé dedans et demeure in-narré. Et comme dit P. Quignard ou Blanchot ou Deleuze, ce n’est pas la question de l’Histoire(ligne) mais celle de la Géographie(pl. lignes qui font un espace dimensionnelle).

    C’est en effet une structure narrative très délicate et complexe à construire car il faut constamment avoir conscience de la portion de chaque narration développée et du risque de glisser l’oeuvre vers l’esthétisme/formalisme, comme vous le dites.Tout ça demande le travail de l’auteur. A part ça, c’est peut-être un peu déplacé de prendre l’ex de la narrativité d’un film mais dans le cadre de la narration le cinéma ne s’écarte pas bcp de la litté car au fond ce sont tous les deux véhicules d’expression.

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  41. Merci Delphine pour cette réponse pleine d’intérêt.

    Si j’essaye de raccrochez votre angle d’analyse (un fil / des fils) au mien ( la narratio = inscription dans l’espace-temps), on pourrait sans doute dire ceci :

    —> lorsqu’il y a Une intrigue (i.e. Un fil narratif principal), c’est la dimension temporelle qui devient le principal élément structurant

    —> lorsqu’il y a pluralité de fils narratifs, c’est l’élément spatial (la Géographie de Quignard and Co) qui structure (avec d’ailleurs éventualité de petits retours dans le temps via la succession des points de vue)

    Bien sûr, certains textes ou films subtilement construits superposent ces deux modes de narration, mais il me semble qu’il s’agit fondamentalement de ça : on se sert soit du temps, soit de l’espace pour réunir les éléments.

    PS : On a tendance à penser que la modernité c’est l’espace et les fils (Duras, ou Faulkner), et que l’ancien c’est le temps et l’intrigue (Balzac, James Bond), mais Cervantes multipliait déjà les fils narratifs dans Quichotte.

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  42. Vois, oui vois petit étudiant en lettres qui te penche sur ces humbles travaux de bloggueurs littéraires : l’évolution d’une idée , son dévellopement, ses mutations suivant les différentes représentations des uns et des autres. Si j’étais toi, je m’interesserai aux métamorphoses, à l’évolution dans ce débat passionant quoique parfois un peu houleux (et chiant aussi un peu…) des différentes interprétations que donnent les uns et les autres au beau terme de « narrativité » ou « narration ». Vois comment, de fil en aiguille (de fil en fils plutot ah ah ) on est passé d’un sujet concret : une lettre de refus d’un éditeur à un truc super profond sur l’origine de la narrativité, la naissance du récit, intrigue et espace , décentralisation et intemporalité fictive, j’en passe et des meilleurs + un mini débat sur le Nouveau Roman ou la nostalgie de cette époque, si j’étais toi, je m’amuserai bien, mais moi tu sais, les contraintes sociales, le boulot, la « vie réelle » (oui je sais tu trouve ca débile cette notion de « réalité »,car a ton époque on ne travaille plus bien sur,et tu dois bien t’amuser mais je te prie de respecter tes aieux quand même et surtout son époque ou la seule vraie religion était celle du travail qui comme tu le sais vient du latin « tripalium », signifiant torture, oui nous sommes un peu moyen-ageux, mille excuses encore ) m’empeche bien sur de m’atteler à ce dur labeur qui m’aurait tant plu il y’a quelques années mais le blog, cette invention (à la fois merveilleuse et démoniaque) comme tu le sais bien n’existait pas encore, et ce travail de recherche que tu effectue peut-etre ou effectuera (peut-ête es tu d’un autre siécle, dans ce cas la bonjour et pardon , oui pardon pour cette vision un peu tristoune et vraiment archaique que nous donnons de ce début de 21 siécle, oui nous aurions pu faire un peu plus d’effort, enfin tu es la c’est l’essentiel…), oui ce travail de recherche te procurera sans doute beaucoup de bonheur.

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  43. Ah oui pardon excusez moi , mais c’est de…l’humour, une façon de parler quoi… ce n’est pas sérieux excusez moi encore et mille pardons pour la suite…

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  44. Oui, c’est vrai que j’en fais des tonnes de ce coté la, pardon encore et mille excuses, vraiment je suis désolé, sorry vraiment, oui pardon encore.

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  45. Bonjour Guillaume, je vais peut-être faire hors-sujet car le fil narratif se denoue assez bien de lui-même;))) et je n’ai pas les compétences pour le faire d’ailleurs, il me semble que c’est de lui dont-il parlaît, ce sont ces mots qui sont « gentiments ironiques », une gentille lettre d’éditeur ironique;)), non ?! Reste qu’il n’y a pas intégré la douleur ou le ressenti à la lecture, tu me diras ce n’est pas son travail, c’est peut-être pour cela aussi « qu’il n’a pas pu te lire ».

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  46. Oui Sandrine, tu crois ? Je préférais l’idée que l’éditeur me reproche ma gentille ironie. En relisant ce courrier, grâce à toi, je trouve qu’il a été très sympathique à mon égard, cet éditeur.

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  47. J’ai vu de l’ironie là où il n’y en avait peut-être pas, je crois surtout que j’ai confondu mon ressenti et le tien et après relecture ce n’était ni le sujet, ni le lieu. Et de surcroît médisante avec un éditeur qui ne m’a pourtant rien écrit et sans savoir quel homme il est, là, chapeau, c’est au final bien plus dérangeant que le hors-sujet. Bougre d’idiote qui fait la première ce qui m’insupporte à lire d’autrui. Désolé.

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