Si j’avais une grosse entrée d’argent, comme cela arrive parfois, je sais ce que je ferais.
J’en ai déjà parlé il y a un an jour pour jour.
Je choisirais une jeune femme de toute beauté et au chômage. Si, cela existe, en 2008, ne me dites pas que cela n’existe pas.
Il me faudrait une femme extrêmement charmante au contact, intelligente, ayant le sens des livres et le sens de la vente. Je ferais d’elle la directrice en chef des Editions du Sage Précaire. Je la salarierais grassement pour qu’elle me soit fidèle, mais je lui ferais comprendre que la vente, la vente, ma mignonne, la vente serait l’objectif absolu de son emploi et de son avancement futur. Ou tout au moins la tentative de la vente, une certaine volonté de vente.
Un désir de vente.
Je ferais venir mon assistante à Belfast. (Elle serait directrice en chef, mais comme je serais le chef des directeurs en chef, je pourrais dire d’elle qu’elle est mon assistante.) Je la logerais dans une belle maison pas trop loin de celle que je partage avec des Slovaques, et pas trop loin de l’université Queen’s. Tiens, je la logerais entre la fac et ma maison. Et ensemble, nous fabriquerions et vendrions des livres extraordinaires.
Nous nous envolerions pour la Chine et ferions signer un contrat d’exclusivité à Neige. Pour les cinq ans venir, tout ce que tu écris en français nous appartient de droit. Personne d’autres que nous n’aura le droit d’en faire un bouquin, c’est à prendre ou à laisser. (Il faudrait que mon assistante ait un peu le sens du contact, qu’elle mette un peu de chaleur et de rondeur dans les rendez-vous d’affaire. D’ailleurs, c’est elle qui s’occupera de tout ça, car moi, j’ai une thèse à écrire. Sauf pour les auteurs femmes, que j’irai voir tout repentant, tout modeste, avec des promesses et du miel plein la bouche.) Il y a d’ores et déjà deux bons livres à construire avec les textes de Neige. L’un des deux, nous y avons déjà travaillé et Neige était d’accord pour le construire sur le plan d’un journal intime durant quatre saisons.
Neige sera la première à être publiée, et elle sera la fée protectrice, l’ange gardienne, la patronne, la reine, la princesse des Editions du Sage Précaire.
Mon assistante pourra prendre deux ou trois stagiaires en « métier du livre » pour l’aider à corriger et à mettre en page, etc. (Ou mieux, des stagiaires en rien du tout, des filles isolées mais pleines d’idées et de joie pour faire de ma maison d’édition un havre de paix et de rire.) Elle est directrice en chef, elle gère.
Après, nous irons à Angers et nous ferons signer un contrat d’exclusivité à Mart concernant tous les polars à venir. Exclusivité pour la série qu’il est sur le point de réaliser. Le premier bouquin de la série, que j’ai eu le plaisir de lire, est quasiment prêt. Mon assistante n’aura presque rien à faire (franchement, pour ce que je la paye, celle-là, on se demande de quoi elle se plaint, heureusement que je l’aime et que je ne peux pas me passer d’elle.)
Après quoi, nous aurons une assez grande force de frappe pour faire masse. Nous serons en position de force pour attirer à nous des talents. Nous aurons assez de charme pour faire écrire les plus récalcitrants. Je dépêcherai mon assistante vers Dominique pour le motiver à écrire son polar à lui. Ou alors pas un polar fini, mais des fragments de polars, des idées de polars, des ambiances, des scènes de meurtres, des scènes de fesse, des personnages campés, comme ça, au milieu de rien. Je créerai une collection de livres noirs qui s’appellera : Idées de polars
Pour motiver mon assistante à vendre, à trouver des idées pour vendre, je l’intéresserais aux ventes. Mieux, je lui laisserai la totalité des gains pour les cinq premières années. Après, on verra. Vendre, il n’y a que cela de vrai. Il n’y a que cela qui fâche. Il n’y a que cela qui soit difficile. Tout le reste, avec une bonne assistance, on en vient bout.
Vous comprenez, il ne faut jamais se lancer dans un business de livres sans avoir conscience que c’est un business.
Ce qui transparaît dans ton article, c’est moins le sens du business que la jubilation amicale de l’éditeur.
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Je serai votre lecteur acharné, promis.
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moi aussi !
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Qui fera la censure?
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moi, je veux bien m’occuper de cette tache ingrate…pourquoi ? parce que je suis trés méchant ah ah ha ah ah ah !!!
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« Ce qui transparaît dans ton article, c’est moins le sens du business que la jubilation amicale de l’éditeur ». C’est bien ce qui m’ennuie, Ben. Et c’est pour ça que je ne me lancerais dans l’aventure que muni d’un pactole de départ et avec une force de vente à laquelle je croirai. L’aspect jubilatoire et amical, je n’ai pas besoin d’y insister, il est consubstantiel à ce projet.
Merci pour ces promesses de lectures.
Sabrina, pas de problème pour faire fructifier ton sens du contact avec les libraires, les diffuseurs et les journalistes du monde francophone.
Qui fera la censure ? Quelle censure, et une censure de quoi ? Nous publierons des bouquins que nous croirons bons, et c’est moi qui aurai le dernier mot s’il est nécessaire qu’il y ait un dernier mot.
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Pas de censure alors, ce sera dur.
Tu caches ton jeu , tu as déjà des lecteurs alors que la maison n’est pas encore ouverte et que le moindre manuscrit n’a pas encore été lu. Un businessman caché!
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Ah! Je suis content de te l’entendre dire. N’est-ce pas que je suis un peu entrepreneur à ma manière ? Qui dit sagesse précaire, dit attention portée au monde marchand, au gain, à la survie, à la croissance et à la décroissance, à l’économie, quoi.
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oui, on voit bien que le sage précaire est un vendu dans l’âme au grand capital, même si tout dans sa survie dépend de la résistance de bastions de la culture à la domination mercantile. C’est l’allié brillant de ses propres fossoyeurs, comme disait Kundera.
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Je suis ouvert à toutes les propositions : une collection érotique, à côté de la collection « Idées de polars »? Je ne suis pas contre, bien au contraire, mais il faudrait de l’outrance, attention, que dis-je, de l’outrage. On ne commencera le business avec cela, pour éviter d’être catalogué « paralittérature », mais cela pourrait être débouché pas inintéressant du tout. Il y aurait des ventes intéressantes, je pense, car on pourrait cibler à la fois les lieux de ventes interlopes pour populations suburbaines déshéritées (bar-tabac, aires d’autoroutes, gares de province, sex-shop) mais aussi les lieux branchés, bobo et « paralittéraires décalés », dans les plus grandes librairies et les lieux d’art contemporain, tout ça. De plus, les écrivains maison pourraient se délasser par moments en produisant des livres de purs fantasmes. A creuser, mais uniquement lorsque le business aura pris sur des valeur sures, comme les journaux de Neige. L’image de cette dernière nous purifiera à chacun de nos faux-pas.
Ben, je ne suis pas vendu au grand capital, mais je suis pour la survie, donc pour les échanges, donc pour la vente. Je ne suis pas sûr de dépendre tant que cela des phénomènes de résistance au mercantile. Au contraire, ma survie jusqu’ici a beaucoup dépendu des familles et des sociétés libérales, qui pensent au profit d’abord. Même aujourd’hui : si une université financent mes études, c’est en fonction d’une motivation liée à la concurrence des facs. C’est grâce au monde marchand que je vis à droite et à gauche, que je gagne ma vie cahin caha, sans être attaché à vie à je ne sais quel Kolkhoze.
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mhmmmmmmmm mhhhhhhhhh mmmmmmmmmhhhh mmmmmmmmhhhhmmm kolkzehmmmh hhemm (trad : quelle riche idée vous avez la ! c’est surprenant pour un kolkhozien de votre espéce vendu au grand capital…)
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« Mes fesses précaires », c’est un joli nom pour une collection érotique, ou même seulement pour un livre plein de promesses. Il ya aura des suites, comme « mes testicules cohabitent », « mon derrière sans fondement », « Le chômage de mes lèvres »… Sabrina, vous avez un boulevard devant vous.
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merki
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C’est bien joli de vouloir recueillir tous les oursons malades de tes proches, mais, Guillaume, qui est-ce qui va payer ? Les montreurs d’ours eux-mêmes, proches et cyber-proches confondus ? Le compte d’auteur, Guillaume . Avec tous les soyeux lyonnais que tu as dans la manche, ne me dis pas que tu n’ y as pas songé ? Pourtant, c’est vilain.
PS. Si ce Dominique dont tu parles est celui que je connais, je te souhaite bien du plaisir. Ton assistante, pour essayer de le convaincre devra deployer tellement de charme que je vois partir tout cela vers une drole de redefinition de la crampe de l’ecrivain…
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J’ai répondu à cette question, dès les premiers mots de mon billet : « Si j’avais une grosse entrée d’argent ». Voilà, c’est ça qui va payer, la rentrée d’argent. C’est simple, net, propre, ça n’a pas d’odeur, c’est de l’argent pur, qui tombe du ciel.
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Ah bon ? C’est une utopie alors ? Zut, moi j’ y croyais pour de bon !
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Une utopie non, pourquoi une utopie ? Une reverie plutot. Mais que cela ne t’empeche pas de commencer cette somme sur le polar. Chaque jour, une assistante viendra te voir, avant ta journee de boulot, pour te soutirer des trucs que tu aurais ecrit pendant la nuit. De temps en temps j’en depecherai une qui viendra te voir pendant la nuit pour voir si tout va bien.
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… un programme precis, des details sur les emplois du temps, couvrant le jour et la nuit, tout cela au service d’une forme de production et de l’amelioration intellectuelle et morale [enfin, selon les assistantes que tu me depecheras] des participants, tu vois bien que c’est une utopie…
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mhmmm hmmmh mmmh 🙂 (trad: hmm je suis une personne trés organisée 😉 rehmmm
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Vas-y, Dominique, traite Sabrina d’Utopie, pendant que tu y es!
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C’est vrai que je me suis toujours un peu demande combien de Sabina de chair et d’os etaient tapies derriere les prenoms enchanteurs dont fourmille ton blog…
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