Gens de Dublin, du sud au nord

Ce qui m’a le plus frappé à Dublin, ce n’est pas le changement des choses, c’est le changement des gens. La population dublinoise a varié assez profondément.

Samedi matin, j’ai marché depuis le Concert Hall jusqu’à l’université Trinity College, puis dans l’après midi de Trinity jusqu’à la rue O’Connell, où j’ai bu des pintes de Guinness avec un vieux copain, dans un pub charmant, le Brannigan’s, que je recommande. Enfin, dans la soirée, avec ce même vieux copain, jusqu’à Parnell Square, tout en haut d’O’Connell street, où nous nous sommes restaurés de frites et de poisson, avant de nous séparer.

Dans le sud, ce qui a vraiment changé, c’est la beauté des Dublinoises. On en rencontre de nombreuses qui sont incontestablement élégantes. Il y a dix ans, leur élégance était un peu forcée, un peu arrogante, les femmes de « Dublin 4 » jouaient aux Parisiennes, aux Anglaises, je ne sais pas trop. Aujourd’hui, elles sont naturelles, leur peau est intéressante, leur démarche sans prétention, et elles dégagent une tranquillité bonhomme en même temps qu’une vraie classe, sure d’elle-même, une classe de classe sociale privilégiée. De beaux yeux, aussi, beaucoup de beaux yeux.

Quand on traverse la Liffey, le fleuve qui coupe la ville en deux, on entre dans un Dublin plus ouvrier, et plus cosmopolite. Les femmes élégantes ne sont plus irlandaises, mais polonaises. On les reconnaît, on les distingue aisément des Irlandaises, qu’on ne nous raconte pas d’histoire. Contrairement à ce que la vulgate des voyageurs fait circuler, ce n’est pas parce que les Polonais sont costauds, blonds aux yeux bleus, portés sur l’alcool et catholiques qu’ils se fondent dans le paysage. Les femmes slaves n’ont pas le même port de tête, et pas du tout la même démarche que les femmes irlandaises, mais pas du tout (je me demande même comment on peut être aveugle au point de ne pas percevoir des évidences esthétiques aussi claires.) Les femmes slaves sont vraiment grandes, et plus belles que la moyenne des êtres humains de race blanche. En Occident, je crois qu’il n’y a rien de plus parfait, de plus minutieusement poli que les femmes d’Europe de l’est. Après, c’est une affaire de goût, on peut préférer, et d’ailleurs on préfère souvent, les femmes françaises et italiennes. Mais cela tient au talent propre à ces dernières, au supplément d’âme qu’elles introduisent dans leur vie quotidienne, non à leur perfection plastique.

J’ai conscience de l’aspect scandaleux, incorrect et ridicule dont ces paroles sont empreintes. Je précise donc, pour les lecteurs pressés, qu’il s’agit là, au point de vue du style, d’un pastiche des écrits de voyageurs orientalistes.

Reste que, ethnologiquement parlant, et sans jugement de valeur, la ville de Dublin est, au sud, très « irlandais aisé », au nord « irlandais moins aisé », slave, africain et chinois.

Car c’est la grande surprise de Parnell Square : les Chinois ont débarqué en force ! Ils sont partout. Des Chinois, des Chinois, des Chinois.

Il y a dix ans, c’étaient surtout des Africains qui avaient leurs commerces autour de Parnell Square, surtout en bas de North Great George street. Aujourd’hui, les Noirs sont en grande minorité, ils ont peut-être émigré un pleu plus au nord, vers Dorset street, ou même North Circular Road. Cela pourra faire l’objet d’un autre séjour à Dublin : à la recherche des Afro-carribéens perdus. Toujours est-il que pour l’heure, Parnell Square a changé de population. Des Chinois, des Slaves, des pubs irlandais, tout cela fait bon ménage et produit une des rues les plus sympathiquement dangereuses de toute l’Irlande.

Venez à Parnell Square, vous y flânerez, vous y mourrez peut-être, et vous ne quitterez plus l’Irlande, voilà ce que devrait proposer l’Office du tourisme.

Et pour la première fois, depuis que je traîne sur les îles britanniques, des restaurants chinois en grand nombre qui semblent bien proposer de la vraie cuisine chinoise. 

22 commentaires sur “Gens de Dublin, du sud au nord

  1. Un coup c’est la chinoise la femme du vingt et uniémée siécle et maintenant vous allez nous faire croire que la plus élégante c’est …la polonaise ?! plaisanterie mise a part ce billet est un bon pastiche de ces écrivains »orientalistes » qui ont quend même eu le mérite de nous ouvrir les yeux sur les beautés de ce monde (toutes les beautés, humaines et artistiques).Quoi qu’on en dise le romantisme aura quand même eu ce mérite. Ce billet me fait penser au livre de Michel Leiris, « l’age d’homme », où il dresse les différents portraits de ses femmes idéales. Mais qui lit Leiris aujourd’hui ?

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  2. Je me demande quel horizon d’attente peut présider à une remarque sur la « logique » d’un blog.
    Les orientalistes, oui, les beautés du monde certes, mais il ne faut jamais oublier de dire haut et fort, en ces temps de correction politique, qu’ils étaient d’infâmes racistes et qu’ils reproduisaient dans leur esthétique les catégories politiques de l’idéologie impérialiste de l’Europe.
    Une fois qu’on a été très clair sur le fait qu’on sait que Nerval n’était pas droit de l’hommiste, que Flaubert n’était pas socio-démocrate, on peut se permettre de les lire et de jouir de leur prose. Et encore, en se mordant la joue de culpabilité.

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  3. non, désolé de vous décevoir, mais je n’attends rien de particulier de ce blog, pas d’horizons d’attentes si vous préferez. On peut s’interroger sur la logique d’écriture du bloggueur quand même, non ? bloggueur que l’on atenda

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  4. Je trouve que votre blog est trés bien écrit par ailleurs, mais on ne peut pas mettre sur le même plan littérature et blogs, c’est fondamentalement impossible et absurde. Les « logiques » d’écritures sont radicalement différentes.Vous pourriez écrire comme Chateaubriand ou Nerval, faire un « vrai » billet dans le style dix neuviéme,cela ne chnagerait rien. Il faut etre vous et vous même.

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  5. La théorie de l’horizon d’attente s’applique pourtant au blog comme aux notices de machines à laver et aux recueils de poèmes. On est devant ce machin écrit, et sans avoir encore rien lu, on a déjà quelques idées, quelques intuitions de ce que cla devrait plus ou moins contenir. C’est vague, lointain comme l’horizon, mais cela donne de l’espace et permet de se diriger dans la lecture. C’est vague et vaste, comme l’horizon, et cela fournit un cadre de rencontre avec le texte lui-même. C’est pourquoi on peut être surpris, déçu ou déstabilisé le cas échéant.
    La remarque selon laquelle « on ne peut pas mettre sur le même plan littérature et blogs, c’est fondamentalement impossible et absurde » est un bon exemple de la puissance de l’horizon d’attente, très partagé aujourd’hui chez les consommateurs de biens culturels que nous sommes. La notion de « préjugé » est trop abrupte et semble fermer l’esprit de celui qui préjuge. La notion d’ « horizon d’attente » est moins dépréciative et insiste sur la rencontre avec un écrit.

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  6. Je vois que j’ai affaire a un connaisseur, je suis bluffé, bravo c’est trés plaisant ce commentaire. Cela me rappelle les théories de H.R Jauss il me semble sur la notion de receptivité chez le lecteur qui, le premier amorce cette notion « d’attente ». Mais vous m’avez mal saisi : lorsque Chateaubriand ecrit ses mémoires d’Outre Tombe il n’avait pas de Jauss ou de Barthes avant lui pour justifier tel ou tel de ses écrits. Vous parlez d’horizon d’attente pour justifier ces écrits de blogs trés bien pourquoi pas, mais ce que je voulais dire, c’est que le « style » blog n’aura forcément rien à voir avec celui de la littérature, il n’est pas défini,c’est même un peu le brouillard (donc par conséquent, nul horizon bien entendu…) puisque nouveau et encore jamais expérimenté.D’ailleurs peut on parler de « style » à propos des écrits de blogs ?Mon avis est peut etre borné, mais sincérement, jen e cris pas, je pense même que c’est une ineptie que de dire çà.Le blog c’est du parler « écrit », du style « texto » comme disent les jeunes maintenant, voila ca s' »arrete la, c’est pour ca que jamais je ne mettria sur le même plan une page de Chateaubriand contre une page d’un bloggueru aussi talentueux soit-il.D’ailleurs, je pense que si Chateubriand avait eu un blog, vivrait a notre époque, jamais il n’en aurait tenu un. Ce que je veux dire, c’est que l’usage du blog est une sorte de pratique artistique qui s’apparente à la littérature, mais qui pourtant , il me semble en est en même temps profondément éloigné, même a des anées lumiéres si vous voulez mon point de vue.

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  7. L’horizon d’attente n’est pas invoqué pour justifier quoi que ce soit. Il y a toujours une attente de la part du lecteur, toujours.
    Ensuite, dire que le blog, « c’est du parler “écrit”, du style “texto” », et que « ça s’arrête là », ce n’est plus un horizon d’attente mais bien un préjugé. Ce n’est pas grave, notez, puisque vous pratiquez la chose en lisant et en commentant, un peu comme ces autres qui, en d’autres temps, ont vu beaucoup de films tout en disant que le cinéma ne pouvait pas être un art.

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  8. Je vous ai froissé, j’en suis navré…il y’a bien trop de malentendus car justement en distinguant littérature et blog c’e n’est pas pour dénigrer le blog mais bien pour l’affirmer comme une nouvelle entitée artistique a part entiére. »l’usage du blog est une sorte de pratique artistique qui s’apparente à la littérature, mais qui pourtant , il me semble en est en même temps profondément éloigné » remplacer « blog » par « cinéma », vous verrez bien que je ne suis pas le bon gros réac que vous pensez !

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  9. eh ben, on ne s’ennuie pas avec vous!
    Un bel accompagnement de ces longues journées de travail…

    « J’ai conscience de l’aspect scandaleux, incorrect et ridicule dont ces paroles sont empreintes. Je précise donc, pour les lecteurs pressés, qu’il s’agit là, au point de vue du style, d’un pastiche des écrits de voyageurs orientalistes.  »
    au point de vue su style, certes, mais au point de vue du fond?

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  10. A Fourvière, il est toujours un peu plus tard qu’ailleurs, il me semble. Cela confirme les impressions qu étaient les miennes quand j’y terminais mes soirées, au soleil levant, dans les sombres années où j’étais étudiant.
    Quant au fond, je ne peux bien sûr pas penser sérieusement que les femmes slaves soient plus parfaites que les femmes françaises.

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  11. Si je suis bien ce que dit Vanessa, à Fourvière il était 14h26 contre 15H03 sur ton blogue, donc non pas plus tard, mais plus tôt. Quant à toi, si tu retardais à Fourvière, c’est parce qu’il y a une sorte de décalage temporel entre cette colline et le reste du monde. Au sommet de Fouvière, c’est encore un peu le passé. Les rues sont calmes, les usages figés. Le temps passe moins vite. D’ailleurs, c’est bien l’opinion de Borges, qui situait l’invention de l’éternité par Saint Irénèe sur les pentes de Fourvière.
    D’ailleurs, les filles y sont d’un modèle à l’ancienne, qu’on ne trouve plus ailleurs.

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  12. Pas forcément vieillotte. Je me souviens d’une jeune fille, pensionnaire chez les soeurs, qui nous avait rejoints sur les marches du théâtre gallo-romain, une nuit de bruine, alors que nous faisions les cons et que je me donnais en spectacle.

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  13. Je me souviens qu’à l’époque où j’allais au lycée à côté de fourvière et que je traînais dans les ruines gallo romaines, les filles luisaient d’une lumière spéciale. Moi aussi, je sentais alors une sorte de décalage horaire.

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  14. une fois, peut être, il y a très longtemps…

    mais depuis la moyenne d’âge a considérablement, oserais-je dramatiquement, augmenté.
    moi qui viens souvent par ici, je n’ai encore jamais vu de novice danser la gigue sur les degrés de l’amphithéâtre…

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  15. Ca alors, moi aussi j’ai passé un an au lycée à côté de Fourvière, Jean Moulin.
    C »est vrai qu’il y avait des pensionnaires qui cherchaient à s’occuper, le soir. Mais comme, à la même heure, j’étais globalement bourré, je n’en ai pas un souvenir très précis. Cependant, vues à travers une bouteille de 33., c’est vrai que leur lumière était spéciale.
    Mais les filles de Fourvière ne sont pas forcément ringardes ou cathos; et j’ajouterais que les filles cathos peuvent aussi réserver des surprises. Voyez donc les Polonaises.

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  16. Jean Moulin et St Just, perso j’ai été aux deux. On s’est sans doute assis sur les mêmes chaises, les mêmes gradins. Seule la religion nous sépare, finalement. Mais les femmes catholiques, oui bien sûr. A l’époque où j’essayais de me convertir, j’ai appris à les apprécier.

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