Positions du corps (3) L’Agenouillement de la Prière précaire

Je suis allé à la messe dimanche dernier en pensant que pendant la période de Pâques, il y aurait peut-être des choses à voir.

Il y avait en effet un membre de l’église plus important que d’habitude, qui portait une mitre et un bâton très impressionnant. En allant à la cathédrale, j’entendais les cloches sonner de manière désordonnée. Ce doit être un morceau de musique, pensais-je.

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Plus tard, une amie me demanda si j’avais prié.

« Je ne sais pas prier », lui répondis-je.

Quand les autres prient, moi je me concentre et je pense à toutes sortes de choses.

« C’est ça, prier », me dit-elle. Je l’aurais embrassée. Les catholiques sont parfois dotés de cet esprit inclusif et baroque qui leur fait respecter les apparences autant que l’inapparent.

C’est une vraie question : comment prier ? Le sage précaire peut-il ne pas prier ? Précaire, cela vient de precare, prier en latin, selon certaines étymologies. Pour d’autres, cela vient de Prae: avant et de careo, es, ere : manquer de. Pour mettre tout le monde d’accord, posons que ce qui est précaire, c’est ce qui est obtenu « par la prière », d’où son aspect non assuré, imprévisible, à la remorque, à la dérive. La sagesse précaire est une sagesse suspendue au bon vouloir des autres, des circonstances, des remous de la vie. La différence entre un sage précaire et un chef religieux, ou un gourou, c’est qu’il ne peut rien promettre. C’est un peu désespérant, comme sagesse : on est là, et puis… ce qu’on a, on n’est pas certain de le garder… Ce qu’on n’a pas, on trouve normal de ne pas l’avoir… Non la sagesse précaire, il faut prévenir vos enfants, c’est vraiment en dernier recours.

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Pour raccorder la prière à la question des positions du corps qui m’occupe, l’agenouillement est une torture pour moi. Rien n’est moins naturel que de faire reposer le poids de mon corps sur mes genoux. Je ne sais pas si les catholiques en ont contracté une réelle habitude, mais pour moi ce sont des moments intéressants car légèrement douloureux et propices à des prises de conscience : mon corps se retrouve déséquilibré, désarticulé, je me sens devenir marionnette sans colonne vertébrale, sans « assise » véritable. Après l’éloge des assis, il est temps de chanter les agenouillés.

Agenouillé, je ne peux plus penser ni aux pauvres ni aux diacres, ni à personne ni à rien. C’est la prière précaire. La prière de ceux qui essaient seulement de garder l’équilibre en attendant que cela cesse.

paques-a-belfast-002.1239708662.JPGL’orgue de St Peter Cathedral, Belfast.

152 commentaires sur “Positions du corps (3) L’Agenouillement de la Prière précaire

  1. “la justesse d’une loi intérieure doit se ressentir dans les tripes”

    « Dans les tripes », j’ai toujours détesté cette expression. Les tripes, les intestins, le caca, qu’est-ce que ça à voir là dedans ?

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  2. mhmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm a queue j’aime ces douces paroles : »alignés, droits, verticaux… ».re mhhhmmm Les gros…sermons africains de benito aussi…hmmm ke ces imprecations sont douces a mes oreilles…je vais me taper trois paters pour me calmer je suis en tout feu tout braise et je suis polie la…Je me fairai pas prier moua hi hi hi i love pain ! rha lovely ! vive la genuflexion belfastienne et re mhmmmm,au passage Genuflexie mouaaaa Grand S P !

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  3. “Dans les tripes”, (…)
    (com de mart le 21 avril 2009 à 12:50 )

    com/com: le destin dans les intestins. On interprétait les abats pour dire l’oracle.
    « qui fait ferme son étron trône de bon ton » disaient les rois dès potron-minet au cacabinet. (proverbes de mon cru).
    apprendre à sentir avec son bas-ventre, c’est un truc d’obsédé textuel nourri par Larousse qui sème à tous ventres.

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  4. « pour continuer avec Fa-guo , Fan fan et autres Phariboles il y’a Pharaon aussi bien entendu »
    (com de Francois | le 20 avril 2009 à 23:51 )

    com/com: très bien vu, cet analogon Pharaon-sois ou le soi-pharaon, the Pharaon-self. De quoi se reconstruite la autoestima. Qui que tu sois, que ton soi sois phare au soir et clair au nez voire au net.

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  5. moi j’aime bien les tripes: tablier de sapeur, andouillette, andouille, tripoux, haggis, … miam;

    mais, vraiment, parfois on sent ce qui est juste dans son ventre; pas dans sa tête.

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  6. Pharaon oui mais aussii OUI OUI JE SUUIS BELZEBUTH , JE FUME , JE BOIS J’ai tous les vices…Car c’est la fete aujourd’hui !
    http://www.youtube.com/watch?v=B-BoMozYXng&feature=related

    Le grand orchestre du splendide ca vous dit kekchose hein hein ? Mon premier 45 tours ca vous fait kekchose les petits amis , merci papa et maman pour ce beau kadeau ki m’a donne envie d’ecouter du jazz par la suite et de ne pas se prendre trop au serieux. Voila un groupe qui meriterait un blog, j’y travaille mais il ya peu de trucs sur internet,helas…Je suis sur ke vous avez tous danse sur ce truc, alors, voila la vraie priere precaire : la salsa du demon ! Amen

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  7. http://www.youtube.com/watch?v=O3f5KjF_qFE Prenez ca dans les dents et SP et Ben, Mart et le petit rigolo MJ avec ses jeux de mots nous detournant de la sainte parole divine du SP vous me fairez trois pater pour abus de philosophie qui frole l’heresie…quand a Sabrina et Vanessa des ce soir je vais prier pour le pardon et le salut de leur ame (en attendant si elles peuvent me transmettre leur adresse msn ou numero portable ca peut m’interesser hum.)

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  8. pour quoi faire au juste?
    (com de vanessa | le 21 avril 2009 à 15:21)

    com/com: ben pour savoir ce que Vanessa a dans le ventre, grosmalin de Phrançois, tourne pas en ron autour du sujet.

    PS: Al la Salsa du démon, c’est sale ça ça pue ça crache ça en jette, c’est presqu’aussi bien que la Samba des couilles.

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  9. et sabrina aussi je la voeux pour mon enterrement, tiens je lui lègue un fémur pour qu’elle se gochemide le sablier de ta peur. Elle mmmmmmmmmm trop le texte la sabrina, elle en a le désire aussi précaire que la raie-flexion à jeux-noués. On devrait la momifier avec le frankounet, ça ferait un beau couple egyptien.

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  10. Et que devrais-je dire, ma bonne Vanessa ? Je prends distraitement l’avion, je me pose et que vois-je ? 64 commentaires. C’est Françoi qui reprend ses pseudonymes et son délire printannier.
    François, pour l’amour du blog, limite-toi à un seul billet. Et ne confonds pas ton pseudo Sabrina et la réelle Vanessa qui nous honnore déjà de sa présence féminine. Avec Nénette et quelques autres, elles sont rares, alors choyons-les.

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  11. Ce commentaire est le 73ème, c’est dire. Mais non, ne cherchons pas à atteindre les 100, par pitié, cela noierait tous les commentaires sur les autres billets.
    Pour reconaitre les pseudos de François, il suffit de repérer les fautes qui reviennent, comme le futur du verbe faire en « faira ».
    Si Mart prenait des pseudos, on le reconaîtrait avec son ortographe du mot « tort » qu’il s’obstine à écrire « tord ». Nous avons tous nos fautes préférées.

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  12. Si Mart prenait des pseudos, on le reconaîtrait avec son ortographe du mot “tort” qu’il s’obstine à écrire “tord”. Nous avons tous nos fautes préférées.
    (com de Guillaume | le 21 avril 2009 à 16:46 )

    com/com: Il est trop ford ce SP, il attribue à tord des fautes aux zotres alors qu’il signe son fort faict. « Tord » et « tort » sont des erzatz de Thor, que Guillaume adore pour le relier à un lointain cousina pas trop anémique. « Nos photes préférées », c’est un noeud fait miasme précaire.

    Il ne faut pas craindre le 100eme com comme on a pu craindre l’an 1000 ou le bug de l’an 2000.

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  13. De koi, le SP ki ma tribu à Thor des faltas preferidas! Il me refait le portrait à sa faconde! D’abord je fairai comme je voudrai, n’en déplais-je à Nénette, Vanessa et Sabrina, gentes dames blogueuses pas bégueules. Et maintenant, je boude jusqu’à ce que le SP plates excuses présente. J’attends!!!

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  14. A c’est Ke ca Degenere grave par ici…Je vais au Kafe du Koin histoire de Kalmer mes ardeurs typiKement toutankartontesk a la KonKete du sourire ou meme plus si affinite d’une terifiK blonde (Ki s’appelle Sandy, veridik !) Kronembourg oh non je fais un Keno je perds cinK euros et je vois ce delire sur mon blog prefere en eKoutant Pink Martini sur Fip (Kelle Radio !). Keskece KE ce foutage de gueule generalise…Et les meks moua j’arrete avec le grand orkestre etketctera bon je sui s as ranKunier comme Mek Koike …En tout kas j’ignore ki m’a imite mais c’est drolement bien fait ! Phrangin Tonic ca me plait aussi beaukoup !

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  15. confiteor, je confesse à grands coups de samba l’écoute (« à vos strings » Frankounet dixit) avoir introduit un faux com en usurpant le pseudo du SP présentant ses excuses à François alors qu’il s’était moqué des fôtes de Mart. La prière précaire se savoure sans faux coms, je suis tout contrictionné.
    Et quand j’y suis, j’avoue aussi avoir fait à Phrangin Tonic la même blague.
    Je ne suis pas certain de ne pas recommencer car la réaction de Frankounet était trop marrante. Ite missa est.

    http://sursum.free.fr/confiteor.htm

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  16. « il faut faire gaffe quand on parle religion (catholique surtout oh la la la mon dieu que c’est grave, blaspheme ! Vade retro Satanas Pakito et ses blagues a deux balles )… car apres tout la discorde vient de la : c’est vrai foutre un clip de samba ou de salsa de demon sur le blog d’ un ‘’philosophe’’ (se reclamant de Deleuze de surcroit ce qui vu les propos crypto catho aurait fait bondir le cher Gilles…) dans un billet a propos de priere precaire c’est vrai c’est pas tres catholique tout ca…ou scatholique enfin bref comprend qui voudra (a l’heure actuelle je fais plus confiance aux generations futures maintenant qu’a celles des seventies compltement recuperes et deja pret a la`messe du dimanche, beuark…) »
    La messe du dimanche, beuark. Certes, et bien plus encore, il faut y avoir été tous les dimanches dans une paroisse pourrie, jusqu’à l’écoeurement, pour savoir ce que ça représente…

    Mais on pourrait aussi essayer de voir ça comme une expérience, c’est pas tellement une question de croyance ou d »‘identité culturelle », ca peut aussi être une sorte de voyage intellectuel ou esthétique vers un truc qui nous est finalement devenu bien aussi étranger que toutes les chines. On pourrait se faire les ethnologues du Christianisme, ça aurait autant d’intéret qu’autre chose. C’est dans ce sens, me semble-t-il, que Guillaume a été à la messe de Paques et qu’on a commencé à parler de « prière ».

    Pour moi, François, c’est différent. Je n’ai pas la vocation d’un ethnologue, ni celle d’un prêcheur, d’ailleurs, tant qu’à faire, j’aurais plutôt été contemplatif ou, mieux, mendiant, tant qu’à me faire moine. Mon problème, c’est autre chose : comment on fait pour survivre en Afrique équatoriale ? On peut toujours se contenter de fréquenter des expatriés, éventuellement de sortir avec des petites filles noires, mais ça tue l’âme petit à petit, de se sentir aussi coupé des pulsations de la vie africaine. Un moyen pourrait être de s’intéresser à la religiosité africaine, et, plus précisément, au catholicisme qui est ici la religion dominante. Et, en dehors de tout aspect personnel, je pense que ça peut nous apporter quelque chose.

    Mais le débat était en train de se séculariser, il n’était plus question de religion mais de morale et d’éthique. Pour reprendre là où on s’est arrêté : Mart me dit : « il n’y a de morale que par la loi intérieure » Moi, si je suis ma « loi intérieure », mes tripes, mon coeur ou mon foie, sans parler de partyies plus basses, je fais des conneries, en général. Vers quoi une loi intérieure porrait-elle me pousser, si ce n’est la satisfaction de mes désirs, ou, pire, le refoulement de ces désirs avec tout ce que ça produit comme merde intérieure et extérieure, frustration, sublimation, répression…? On connaît bien ça. Il n’y a ni boussole, ni carte. Ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Et moi je crois que, comme disait Heidegger, seul un dieu pourrait nous sauver. Si il n’était pas mort, bien sûr.

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  17. ce que je voulais dire par ‘tripes’, ça n’est pas de se laisser guider par ses instincts; c’était plus l’idée de sentir physiquement si l’on est juste ou non. des fois, je sens dans mon corps si je me trompe. je sais, c’est pas tres rationnel comme démonstration [c’est pas une démonstration]

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  18. Désolé Vanessa, je croyais que c’était ce cher Frankounet qui se cachait derrière ton nom en parlant de « tripes ». Si j’avais su que c’était une délicate jeune femme, j’aurais réagi avec plus de tact.
    Même si je n’aime pas l’expression, je suis 100% d’accord avec l’idée. Je sais que ma tête pense très vite et très abstraitement, et qu’il faut attendre la digestion de mes idées par mon corps pour savoir si elles valent quelque chose ou non.

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  19. « Moi, si je suis ma “loi intérieure”, mes tripes, mon coeur ou mon foie, sans parler de partyies plus basses, je fais des conneries, en général. Vers quoi une loi intérieure porrait-elle me pousser, si ce n’est la satisfaction de mes désirs, ou, pire, le refoulement de ces désirs avec tout ce que ça produit comme merde intérieure et extérieure, frustration, sublimation, répression…? On connaît bien ça. Il n’y a ni boussole, ni carte. Ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Et moi je crois que, comme disait Heidegger, seul un dieu pourrait nous sauver. Si il n’était pas mort, bien sûr.  »

    Ben, je ne pense pas que tu soies très honnête avec toi-même en écrivant ça. Soit tu te connais mal, soit tu prends plaisir, comme bcp de catholiques, à noircir ta nature et tes désirs.

    Les cathos ont toujours la même méthode : diaboliser le corps, puis le couper de la tête pour mieux soumettre celle-ci à l’autorité des curés.

    Fais comme Vanessa, pense avec la tête et digère avec le corps pour savoir si c’est bon ou non.

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  20. Ah, les potes, vous vous faites beaucoup trop confiance pour que votre éthique accède à la précarité et à la vérité. Il ne s’agit de noircir inutilement le désir, bien au contraire. Que j’aie pontanément tendance à réaliser mes désirs ne me dit rien sur leur moralité. J’affirme de plus qu’ils n’en ont aucune, ni bien, ni mal. Le problème, c’est pas le désir, c’est ce qu’on en fait : jusqu’où je suis capable de le soutenir sans virer maboul, jusqu’où sa canalisation morale est une perversion.

    Moi, j’aimerais seulement savoir par quel miracle votre corps ou tout ce que vous entendez par là serait à même de définir le bien et le mal dans un problème éthique ou seulement de percevoir la qualité morale d’un geste. Qu » »il y ait un travail inconscient de l’intelligence qui finit par trouver une solution par « digestion », ça ne fait aucun doute. Mais que l’inconscient puisse remplacer l’intelligence, j’en doute. Ce n’est pas que l’intelligence trouve des réponses, il n’y a probablement pas plus de réponses dans l’intelligence que dans le corps ou dans le sensibilité. Mais seule l’intelligence accède à la précarité des réponses, elle seule peut voir leur insuffisance.

    La précarité de l’éthique, c’est ça qui compte. Ni la franchise, ni le respect ne sont valables dès lors que ce que nous pensons est une grosse connerie, ou que le respect serait un prétexte. L’intelligence m’apprend seulement que ces valeurs sont instables et brouillées et me demande ce qui, en moi, est satisfait par ce qui m’apparaît comme une solution « satisfaisante », un « geste juste »… C’est seulement par une mystique m

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  21. … c’est seulement par une mystique mal digèrée et déplacée que je pourrais croire que mes jugements ou mes actes sont justes dès lors que j’aurais le sentiment qu’ils le sont.

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  22. « Que j’aie pontanément tendance à réaliser mes désirs ne me dit rien sur leur moralité. J’affirme de plus qu’ils n’en ont aucune, ni bien, ni mal. »
    je crois que tout le monde est d’accord avec ça, Ben.

    « Le problème, c’est pas le désir, c’est ce qu’on en fait : jusqu’où je suis capable de le soutenir sans virer maboul ».
    Peut-être que tu frustres tellement tes désirs que tu en fais des monstres et que tu en prends peur, je ne sais pas, mais personnellement, et je ne crois vraiment pas être une exception, je n’ai aucun désir dont je me dise « si je le suis jusqu’au bout je deviens maboul ». Quand j’étais célibataires-frustré sexuel, oui, mais c’est parce que mon désir était frustré, justement.

    « Mais que l’inconscient puisse remplacer l’intelligence, j’en doute.  »
    Personne n’a parlé de ça. Ce qu’on dit, la belle Vanessa et moi, c’est qu’on pense avec sa tête et qu’on sent avec son corps si cette pensée est juste ou non. Je ne vois pas où tu nous as vu évoquer l’inconscient.

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  23. « L’intelligence m’apprend seulement que ces valeurs sont instables et brouillées et me demande ce qui, en moi, est satisfait par ce qui m’apparaît comme une solution “satisfaisante”, un “geste juste”…

     » c’est seulement par une mystique mal digèrée et déplacée que je pourrais croire que mes jugements ou mes actes sont justes dès lors que j’aurais le sentiment qu’ils le sont.  »

    Je ne dis pas que le sentiment intérieur de la justesse est fiable, mais c’est quand même le seul guide qu’on possède. C’est sa valeur relative qu’il faut considérer, pas sa valeur absolue.

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  24. Précisons cette notion de corps.
    Ce n’est pas évidemment l’intestin grêle, ni la colonne vertébrale. C’est la partie incarnée de l’intelligence. Si tu veux comprendre ce qu’est cette dernière, prend l’intelligence mathématique, qui est la plus désincarnée qui soit, et inverse toutes ses caractéristiques. Par exemple, l’intelligence mathématique est rapide, l’incarnée est lente. La première manipule des concepts, l’autre des exemples. L’une se déploie dans un lieux hors espace et hors temps, l’autre pense toujours par rapport à un moment et à un lieux. Etc.
    Penser avec son corps veut donc dire : penser à travers des exemples uniques, incarner.
    C’est l’une des forces du roman que ne possède pas l’essai philosophique : incarner, penser avec le corps à travers une histoire inscrite dans un espace-temps particulier. C’est pourquoi le roman ne mourra jamais, ne sera jamais démodé, quoi qu’en pensent certains.

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  25. Mart, scrutes donc ton coeur ou tout autre organe inciminé, et dis-moi combien de femmes différentes tu désires chaque jour, chaque heure. Si tu soutenais chacun de ces désirs, ne deviendrais-tu pas maboul ? ou alors serait-ce que l’Angevine est si peu désirable ? Ou que ton grand âge te mettrait à l’abri de la concupiscence ? je ne peux le croire.
    A partir de là, que nous dit la partie incarnée de notre intelligence ? Que la frustration est nécessaire et inévitable et que finalement c’est une bonne chose ? et que l’oubli répare tout ? Ou que l’amour monogame est éternel ? ou que les frustrés sont des frustrés ? Tu fais comme tout le monde, tu frustres souvent, tu jouis parfois, et le reste du temps tu t’inventes des histoires.
    La satisfaction morale, dans ces conditions, naît d’un équilibre satisfaisant et plus ou moins conscient entre le refoulement de la frustration et la satisfaction de désirs réalisables. C’est une question d’économie ou de physique, pas d’éthique.
    Maintenant, il y a des cas particuliers ou une impulsion quelconque te fait sortir de ton équilibre ordinaire, soit vers la satisfaction, soit vers la frustration. Dans ces cas, tu peux rencontrer des problèmes d’éthique qu’il faut bien résoudre d’une manière ou d’une autre. Précariser l’éthique, c’est renoncer à accorder une valeur particulière à l’équilibre ainsi qu’à une solution exclusive du problème, quelle qu’elle soit. Il y a de la tristesse dans la satisfaction et de l’incertitude dans la frustration.

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  26. Comme tous le monde je désire parfois d’autres femmes que la mienne, des femmes que je vois passer par ci par là. Mais est-ce que je désire réellement coucher avec elles, sachant tout ce que ça implique de négatif et de dangereux pour mon couple ?

    Pour dire les choses autrement : il ya un désir de « tête », abstrait, instantané, brassant large, et un désir réel, beaucoup plus sélectif.

    C’est un autre exemple de la dialectique intelligence de tête / intelligence corporée.

    Si on écoute que la première, la monogamie devient un chemin de croix infernal pavé de frustrations. Si on écoute la seconde, ça devient beaucoup plus réalisable.

    En moralisant le désir, la morale catholique le condamne à rester de tête – on est si convaincu qu’il est le mal qu’on ne prend même le temps de le laisser entrer en nous pour le « digérer » et le connaître.

    Ca le rend d’autant plus dangereux.

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  27. C’est pas la morale catholique qui condamne le désir à rester « de tête » en le moralisant, c’est toi qui intellectualises le désir, comme s’il y en avait un de tête et un de c…oeur. Il n’y a qu’un seul désir, une seule force, une seule vie. Ce qui distingue celui que tu portes à ta femme de celui de l’inconnue que tu rencontras un jour et qui est devenue ta femme – mais qui aurait aussi bien pu rester à l’état de pur fantasme cérébral – c’est que tu as soutenu celui-ci au détriment des milliers d’autres que tu as frustrés, que tu as choisi, consciemment ou non, de le suivre et de refouler les autres.
    Ce qui distingue donc la monogamie d’un enfer, c’est juste l’équilibre que tu trouves entre ce que tu oublies et ce dont tu restes conscient.
    Et la morale catholique n’a jamais condamné le désir, en réalité elle fait à peu près la même distinction que toi avec l’opposition entre « Eros » et « Agapè », développée par exemple par Rougemont, dans « l’amour et l’Occident », je crois. C’est une distinction thomiste, me semble-t-il. Moi, je serais moins chrétien, finalement, que toi.

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  28. Ce sont des pb très subtils et il est difficile de communiquer dessus. J’essaye encore un peu, mais je n’ai peut être pas les ressources expressives pour y arriver vraiment.

    « Il n’y a qu’un seul désir, une seule force, une seule vie.  » : oui. Sans doute me suis-je mal exprimé, car ce que je voulais dire est assez différent.

    Il y a un seul désir, mais il y a deux appréhension du réel : l’une, que j’appelle pour faire vite « de tête », conceptuelle, et l’autre « de corps », non conceptuelle.

    Connaître de manière non conceptuelle veut dire : unité par unité, sans généralisation.

    A partir de là, deux formes de désir : celui qui est de tête et dont l’objet est conceptuel, l’autre qui est de corps et non conceptuel.

    Le désir d’imagination, qui se saisit de l’inconnue qui passe, est par principe conceptuel. Celui pour ma femme, à l’inverse, est non conceptuel, car dans la relation avec ma femme le singulier à pris le pas sur le général.

    Dans la vie monogame, le désir non conceptuel pour sa femme est sans cesse mis en danger par le désir conceptuel pour l’inconnue qui passe.

    Et ce que j’essaye de dire, c’est qu’en s’efforçant de faire passer l’inconnue du concept à la personne, je force mon désir à s’incarner, et ce faisant je le mets rudement à l’épreuve.

    Pourt dire les choses plus simplement, je désire des inconnues tant qu’elles me restent des inconnues. Et ce désir née de la vision d’un concept meurt généralement en s’incarnant.

    Je ne sais pas si je suis plus clair maintenant.

    Après, il y a la question catholique, que je laisse pour un autre com.

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  29. Hi hi hi. Avec Ben et Mart, c’est chouette, on se croirait dans un film d’Eric Rohmer.
    Vous avez aimé « Ma nuit chez Maud », vous adorerez « De la prière précaire ».

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