Variété, ritournelle : la musique populaire sans hiérarchie

 

Je tourne autour du pot sans parvenir à exprimer ce que je veux dire. 

Je me suis fait gentil en montrant que j’écoutais des trucs modernes. Je me suis fait méchant en critiquant frontalement le rock. Je me suis fait coeur d’artichaut en avouant que je craquais devant des chanteuses françaises et américaines.  Et pourtant je ne parviens pas à dire une fois pour toute ce que je ressens comme malaise devant cette musique populaire qui me plaît, qui m’accompagne comme chacun d’entre nous, et qui en même temps me révulse et m’ennuie.

Il est évident que ce n’est pas la musique qui me pose problème, mais les opinions que l’on se fait d’elle. Je ne supporte plus que les chansons soient perçues comme un art supérieur. Des gens que j’estime, et même des gens que j’aime infiniment, et parfois, pour une certaine d’entre elles, que j’aime de manière irraisonnable, me disent des opinions qui constituent pour moi des petits scandales de la pensée esthétique. Le sage précaire, c’est aussi son job, doit les dénoncer. Il s’excuse par avance à tous les susmentionnés, et ne veut en aucun cas se brouiller avec eux, mais quand il entend dire que Leonard Cohen est un poète, que Talking Heads c’est mieux que Berlioz, que Bob Dylan c’est mieux que Ravel, que les Pink Floyd c’est équivalent à de la musique classique, que les Beatles sont des génies de la musique, le sage précaire dit que quelque chose est pourri dans le royaume de l’art sonore.

Alors je vais renommer les choses pour que ce soit clair : tout ce que nous écoutons comme musique, presque tout, c’est de la variété. Jusqu’à présent, je disais « musique populaire » par opposition à musique savante. Mais il faut appeler les choses par leur nom. Tout ce qui est chanson de quelques minutes, avec ou sans refrain, avec lignes mélodiques reprises en boucle, c’est ce qu’on appelle de la variété. Techniquement, il n’y a pas de différence entre Tom Waits et Céline Dion, entre Bob Marley et Michel Sardou. Sur le plan des paroles, c’est la même chose : l’écriture de Brel et de Brassens est du même ordre que celle de Patrick Sébastien, ou celle de Didier Barbelivien. Entre Comme un ouragan de la princesse de Monaco, et Ballad of a Thin Man de Bob Dylan, la différence générique, poétique et littéraire est si mince qu’il est inutile d’essayer de tracer une frontière.

Ce qui m’insupporte, c’est la mode qui consiste à voir, dans la variété, une hiérarchie qui amène les rockeurs les plus ignorants à mépriser telle chanteuse ou tel chanteur. Les abonnés de Charlie Hebdo méprisent la chanson française, non mais on croit rêver. Il existe un snobisme qui veut que la chanson française n’est pas vraiment de la musique, comparé à des groupes plus obscurs. Le même snobisme mène à penser que Chanson populaire de Claude François est moins cool que les chansons de Bashung. Il faut rabattre un peu tout ça, et affirmer très clairement que les groupes que nous aimons doivent être ramenés à leur juste valeur : variété. Ils ne sont pas plus profonds, ni plus intéressants, ni plus riches que tous ces chanteurs oubliés qui ont créé Hélène je m’appelle Hélène, ou Le Temps des cerises. 

La chanson est là pour accompagner la vie, les actes du quotidien. On chante pour se donner du cœur à l’ouvrage, pour marcher, pour aller faire la guerre, pour apprendre, pour organiser, pour calmer et apaiser

65 commentaires sur “Variété, ritournelle : la musique populaire sans hiérarchie

  1. Après le gentil, le méchant et coeur d’artichaut, voici le réac. A mon humble avis, ton billet est complètement idiot. Si on t’écoute, Björk a donc composé Oceania en faisant la vaisselle et Dylan a écrit Ballad of a Thin Man en se torchant les fesses. En revanche, Bach s’est mis au boulot avec sérieux. Bla bla bla. C’est tellement inepte que je n’arrive pas à formuler un argument pour te répondre, ce qui ne me ressemble pas.

    Au fait, la jazz, tu le situes où ? A mi-chemin de la « grande » et de la « petite » musique ?

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  2. Chouette, une polémique.
    J’attends encore deux ou trois opinions de ce genre, convenues et offusquées (je réponds à « idiot »), et je contre-attaque.
    Pour ce qui est de Bach, je voudrais juste dire en passant que cela dépend de quoi l’on parle. Quand il était maître de chapelle, il avait pour chanteurs des garçons dont il déplorait l’ignorance et l’ivrognerie. Il lui fallait écrire des partitions simples. Je peux en témoigner, j’ai moi-même chanté, dans une chorale de Lyon, des chorales des deux Passions, et ce fut un jeu d’enfant. Et pourtant, je n’y peux rien, le moindre de ces chorales est incomparable avec de la chanson.

    Alors oui, Bach a bien pu composer plusieurs de ses pièces avec moins de sérieux que Bjork, moins de tourments que Charles Aznavour. C’est amusant cet argument du sérieux, de l’investissement personnel dans la composition. Ce n’est pas la première fois qu’on me le sort. Il me semble que ce serait plutôt ça l’argument réac, mais j’ai dit que je ne voulais pas contre-attaquer tout de suite.

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  3. Moi aussi j’attens, alors, pour répondre à ta réponse.

    Je me contente juste d’un petit smash qui – d’une seule balle – à mon humble avis – t’élimine du tournois avant même le premier tour.

    Tu dis : « C’est amusant cet argument du sérieux, de l’investissement personnel dans la composition. Ce n’est pas la première fois qu’on me le sort. Il me semble que ce serait plutôt ça l’argument réac »

    Par là, tu sous-entends que cet argument est le mien.
    OR (roulement de tambours), cet argument est le tien : je ne faisais, pour ma part, que m’en moquer.
    EN EFFET, tu as écrit dans ton billet :

    « La beauté de la chanson, c’est que n’importe qui peut en écrire une, car la chanson vient de la maman qui chante pour endormir son enfant. Elle fait “la la la”, elle chante « fais dodo », elle invente n’importe quoi, EN PENSANT A AUTRE CHOSE. »

    Voulant m’attaquer, tu te tires une balle dans le pied.

    Mais patientons, attendons le vrai début du match. Laurence va nous sortir un service slicé, Ben un revers fond de ligne et François, comme à son habitude, une cuillère.

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  4. Ma la maman qui fait « la la la » ne fait pas (encore) tout à fait de la variété. Ce que je dis c’est que la « chanson vient de là ». C’est l’origine. La chanson, l’action de chanter, part d’une activité, d’un état du corps, et d’une volonté d’efficacité : cajôler un enfant, se donner du souffle lors d’une marche, vaincre la peur, etc.
    Ensuite la variété, puis le star system, fait, de ces productions anonymes, des tubes en les incarnant dans des individus reconnaissables, plus ou moins stéréotypés et parfois adorés comme des idoles.
    Mais bien sûr, entre la chanson douce qu’invente une maman, et « Une chanson douce » d’Henri Salvador, il y a peut-être un même fond, mais il y a une différence de travail.

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  5. Ta manière de mettre toute la « chanson » dans le même paquet n’en reste pas moins sauvage.

    Ton argument des paroles poétiques, par exemple, est absurde. Si tu dis que Brassens n’écrit pas de la poésie, et qu’il n’en chante donc pas, que fait-il quand il chante de la poésie d’Hugo ? La poésie d’Hugo cesse-t-elle d’être de la poésie quand elle est chantée par Brassens ? Une chanson de Brassens est-elle supérieure quand elle s’appuie sur des paroles d’Hugo plutôt que de Brassens ? Et quid de la poésie du moyen-âge quand elle était chantée par des troubadours ? Ce n’était plus de la poésie ? Juste de la chanson ? Ou alors, de la poésie de troubadours ? Mais dans ce cas, pourquoi Brassens n’est-il pas un troubadour à tes yeux ? A moins qu’il le soit ? Mais s’il l’est, le places-tu plus haut ou moins haut qu’un chanteur de « variété » ? Qu’est-ce qui fait qu’un texte de Brassens chanté par Brassens est de la culture basse, alors qu’un texte d’Hugo chanté déclamé par un amateur de poésie est de la culture haute ? Vois-tu une différence de substance entre un texte de Brassens et un texte d’Hugo ? Ou juste une différence de qualité ? Et si c’est une différence de qualité, t’insurges-tu contre le fait qu’on enseigne la « poésie » de Brassens à l’école ?

    Autre série de questions : la musique dite « classique » est morte. Tu diras, c’est faux, il existe d’excellents compositeurs contemporains. Peut-être. Je ne les connais pas, je suis trop ignare ou peu curieux. Mais le fait est que ces compositeurs ne sont plus en phase avec le public, qui les ignore, comme je le fais moi-même. La question centrale est : pourquoi ? Pourquoi les ignore-t-on ? Pourquoi ne sont-ils plus en phase avec le public ? Pourquoi la musique classique est-elle morte, comme sont quasi mortes la poésie et la peinture à l’huile ? Pourquoi les gens (et je ne parle pas seulement du grand public qui regarde TF1 et Koh Lanta), aujourd’hui, préfèrent un autre type de musique, dite « populaire » ? Est-ce parce qu’ils sont devenus cons, ou est-ce parce que la musique « classique » est moins en phase avec la sensibilité contemporaine ?

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  6. Cette musique “classique” peut sembler trop abstraite, trop géométrique. Elle va avec tout un tas de dispositions de la vie quotidienne qui n’ont plus cours.

    Brassens n’est pas moins poète que Rimbaud, mais je n’ai jamais mis Rimbaud sur un gigantesque piédestal.

    Quand même, le classer en « variété »… J’hésite.

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  7.  »il faut intégrer toute la variété dans une même affection, comme l’a très bien fait Alain Resnais, dans On connaît la chanson. »

    Moi je trouve vraiment a cote de la plaque le passage sur le film d’Alain Resnais. Le sage precaire en dit trop et pas assez en meme temps.Une lecture plus attentive de ce chef d’oeuvre des Bacri-Jaoui aurait sans doute permis d’en dire davantage et de facon plus pertinente. C’est vraiment dommage. Les scenaristes s’inquietent justement aussi de cette intrusion de la variete dans la vie de tous les jours…
     »il faut intégrer toute la variété dans une même affection, comme l’a très bien fait Alain Resnais, dans On connaît la chanson. »

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  8. Quand on demandait a Hugo de mettre en musique ses poemes, il repondait : « De la musique ? Mais je croyais en avoir mis le long de mes vers. »
    C’est vrai que si un chanteur voulait mettre en musique un grand poeme mais en respectant la rythmique propre au poeme, ce serait une chanson bizarre…

    Mais je suis d’accord avec les uns et les autres, mettre tous les chanteurs dans le meme sac, ca ne fait pas sens. Il n’y a pas d’etancheite entre le grand art et l’art des foules. Tous les compositeurs ont fait des chansons aussi, et toutes les chansons pourraient etre orchestrees de maniere classique.

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  9. Yep, bien d’accord avec François.
    Il ne faut pas forcer l’amalgame.
    Cependant l’idée de rappeler que Tom Waits et les Beattles ne sont « que » de la variété me plait particulièrement 🙂

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  10. On pourrait avoir envie de dire qu’il n’y a pas de hiérarchie des genres, que la musique populaire peut avoir la même qualité artistique que la musique bénéficiant d’une reconnaissance des élites auto-proclamées qui arbitrent l’exclusion culturelle à leur avantage. On a envie de dire qu »‘il n’y a pas d’étanchéité entre le grand art et l’art des foules »
    Mais, à propos de ce que dit Fred, justement il y a eu une tentative d’orchestration des Beatles façon classique, ça s’appelait « Beatles go Baroque », ou un truc comme ça. De la merde. Orchestrée de façon classique, une chanson des Beatles montre ses limites, elle devient pompier, grandiloquente, simpliste …. genre Watermusic en plus lourdingue, si c’est possible.
    De ce point de vue, c’est vrai que les genres ont bien une frontière. Mais c’est vrai aussi que le grand Bach lui-même a composé des chansons à boire, qui ressemblent à n’importe lequel de ses morceaux sacrés, sans grand génie mais avec les mêmes outils. De son propre point de vue, donc, il ne devait pas y avoir cette frontiere entre un genre « noble » ou « sérieux » et un genre « pop » ou « variété ».
    D’ailleurs, « variété » pour mettre sauvagement toute la chanson dans le même paquet, c’est pas le bon mot. Ca ne veut rien dire, « variété ». Il faut dire : musique populaire ou « pop ».

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  11. C’est drôle, chacun semble gêné aux entournures et tente de ménager la chèvre et le choux. Il n’y a que deux personnes tenant une position franche ici, c’est Guillaume et moi.

    L’Il affirme : il y a une hiérarchie étanche
    Je réponds : il n’y a pas de hiérarchie étanche

    Alors arrêtez de dire « c’est vrai que, mais en même temps ceci et cela » et choisissez, avec argument si possible. Soit il y a étanchéité, soit il y a porosité. Mais une étanchéité poreuse, ça n’existe pas.

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  12. Merci Dob,
    Je crois reconnaitre quelqu’un derriére ce pseudo (c’est le « yep » qui me rappelle quelqu’un…) . bof…peut etre pas aprés tout…vive la musique quand même.

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  13. Je me rends compte que mon commentaire était hors-sujet. Le problème n’était pas l’opposition d’un genre noble -le classique, le jazz, la chanson à texte- à un genre roturier- chanson populaire, variété, pop-rock-, mais l’univocité du genre variètoche : variété des variétés, tout est variété, pourrait-on dire pour paraphraser l’Ecclésiaste.

    Donc Brel et Brassens, c’est au même niveau que Barbelivien et Sébastien. OK, moi ça ne me pose pas de problème. Mais ira-t-on dire que Barbelivien et Bach, c’est aussi au même niveau, de la ritournelle ? Bach a aussi écrit des berceuses, des ritournelles, il y en a une célèbre dans la Passion selon st Mathieu. Barbelivien a écrit les Lacs du Connemara, c’est bien lui ? Les lacs du Connemara, c’est beau, hein ? Ca fait pleurer.

    La « ritournelle » est un concept très fort de Deleuze. Du point de vue « ritournelle », je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas dire que Talking Heads, c’est comme Berlioz. En vérité, il y a peut-être autant sinon plus de ritournelles chez Talking Heads que chez Berlioz. Mais je ne suis pas sûr que Guillaume veuille nous accorder ce point.

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  14. Ce genre de débat n’a pas grand intérêt, parce que c’est tout à fait gratuit, sans conséquence pratique. Quand j’écoute Bach, j’écoute Bach. Quand j’écoute Björk, j’écoute Björk. Et je n’écoute pas Barbelivien. Pendant que j’écoute Björk ou Bach, je ne me livre pas à des classements. Parfois, je m’extasie. Mais je ne cherche pas à classer mon extase. Björk et Bach viennent me chercher dans ses zones obscures de ma sensibilité que je ne suis même pas capable de définir, et encore moins de classer. Par contre, je reconnais la merde quand elle m’arrive dans les oreilles.
    Alors Guillaume a très envie de classer : qu’il classe, après tout. A-t-il plus de plaisir en écoutant Bach quand il peut se dire « Bach est supérieur à Björk » ? Lui seul le sait.
    Le reste, c’est un débat artificiel, sans enjeux concret. C’est comme une dissert de classe.

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  15. Justement, on parle de quoi ? Tout le monde s’en fout, en effet, de la supériorité de Bach sur Bjork, et la notion de classification est abstraite tant qu’on ne vit pas dedans. Mais une ritournelle, c’est un truc qui est vécu : tu entends un air, et celui-ci se met à tourner en boucle dans ta tête, tu vis avec, tu fais d’autres trucs, la cuisine, tu marches, tu travailles … tu vis dans la ritournelle.
    Or, il n’y a pas de ritournelle sans superposition de deux ou plusieurs rythmes différents, qui s’enchevêtrent : le rythme de ta marche et celui de l’air, et les bruits autour, klaxons, conversations … la, pas d’ui

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  16. Ce débat a un grand intérêt, comme tous ceux qui touche à la taxinomie. Dire qu’il n’y a pas de hiérarchie dans la musique est une erreur puisque ceux qui le prétendent veulent seulement mettre Bjork ou les Pink Floyd au même rang que Berlioz et Bach, alors qu’ils ne les mettraient pas au même rang que Les Musclés ou Stéph de Monac. La hiérarchie, ils la voient quand ils pensent à des choses qu’ils jugent inférieures, mais ils la rejettent quand ils considèrent la musique savante.

    Alors, poreux, bien sûr, tout est poreux, et il y a des liens entre tout et tout. Mais bon, quand on pense, on taille aussi dans la masse, sinon on ne voit rien. Alors quand je fais des regroupements et que je classifie, je préfère mettre dans la même catégorie toute la chanson, et dans une autre la musique savante, plutôt que d’un côté la musique savante et quelques groupes pop plus quelques chanteurs, et d’un autre côté d’autres groupes pop et d’autres chanteurs.

    La qualité de la musique ne se juge pas à l’émotion qu’elle procure, car dans ce cas, les chansons faisant beacoup plus pleurer dans les chaumières que toute autre production (normal, elles nous parlent directement de nos expériences heureuses et douloureuses, un chagrin d’amour, la perte d’un être cher, la nostalgie de l’enfance, le sentiment amoureux, etc.), elles devraient figurer au-dessus de tout. Ce qui est en effet le cas dans la sous-culture ambiante dans laquelle nous évoluons.

    A l’inverse, je préfère donner ses lettres de noblesse à la variété, en lui rappelant son origine populaire, anonyme, passionnelle, émotive, proche des états du corps, et lui éviter d’entrer dans une compétition vaine avec la grande musique.

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  17. Mais je ne dis pas qu’il n’y a pas de hiérarchie en musique, évidemment qu’il y en a. Autrement, effectivement, Steph de Monac vaut Björk. Ou Bach.

    Ce que je dis, c’est que la hiérarchie se fait entre les musiques singulières et pas entre genres.

    D’après toi, toute la varité est inférieure à toute la musique classique. Et donc, Björk vaut moins que le plus minable compositeur obscur du 18° siècle qui a composé des partitions si pitoyables, pompeuse, emmerdantes et prévisible que parmi toutes les générations de thésards qui se sont succédées depuis, aucun n’a osé s’y intéresser.

    D’après moi, il y a des génies en tout. En musique populaire, en musique savante, en tennis, en peinture rupestre, en chansonnettes. Il y a des genres dit « mineures », car moins complexes, et des genres dit « majeurs », à la grammaire plus riche, mais souvent le génie se moque de ces classements. Bach, c’est un génie. Björk, c’est un génie. Duke Ellington, c’était un génie. Mc Enroe, peut-être aussi, dans son genre. Et entre eux, les classifications n’ont pas de sens pour des raisons qui tiennent au fait qu’ils ne marchent pas sur la même pelouse.

    Ensuite, l’émotion. Je ne suis pas du tout d’accord avec ce que tu dis : si tu enlève l’émotion comme critère de jugement, j’aimerais savoir ce que tu utilises à la place. En revanche, il y a différentes qualités d’émotion. Comme en musique. Il y en a de vulgaires, et d’autres plus subtiles. C’est à la subtilité, à la richesse, à la puissance, à la profondeur, à l’ampleur (et à différent autres choses) de l’émotion qu’on juge la qualité de la musique qui a produit cette émotion. Le reste : complexité structurelle, richesse référentielle, etc., c’est un peu de la branlette.

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  18. Après, je me souviens que tu n’aimes pas le mot génie. C’est pas grave, changeons-le. Le mot créativité suffit après tout. Après, qu’est-ce que la créativité ? C’est l’inverse de l’imitation. C’est aussi le sujet de mon blog.

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  19. Et ce qu’on appelle la « World music » ? C’est de la variété ausssi quelque part de musique classqiue traditionnelle…ce débat est passionnant, il y’a autant de questions que de styles de musique…ce n’est pas pour rien que le dix huitiéme siécle et aussi un grand siécle philosophique…lien entre philo et musique voila un sujet de billet aussi…

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  20. Il me semble donc que les bonnes questions sont :

    – la grammaire de la musique populaire est-elle aussi riche que celle de la musique classique ?
    Avec comme corolaire :
    – la musique classique est-elle aujourd’hui aussi créative que la musique populaire ?

    On a envie de donner partiellement raison à Guillaume en disant non à la première question, mais comme on a envie de dire non aussi à la seconde, un effet compense l’autre et l’effet d’actualité vient rééquilibrer l’effet grammaire. Après, chacun pondère différemment l’importance de ces deux critères.

    Voilà, c’est la conclusion consensuelle de ma dissert. Ca te va Guillaume ?

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  21. Je note et apprécie tes efforts de conciliation, Mart.
    Je ne signerai ce traité de consensus malgré tout, pour plusieurs raisons. Parler de « grammaire de la musique » me paraît réducteur et ne prend pas en compte l’infinie variété (de teinte, de puissance expressive, de nuance) de ce qu’offre l’instrumentation savante (pour ne parler que de cela).
    La richesse de la musique savante est tellement incomparable avec la variété qui, et c’est son charme, évolue peu, que je ne me sens pas d’admettre que la grammaire est plus riche.

    La comparaison de la créativité actuelle des musiques savante et populaire est un domaine sur lequel je ne peux pas me prononcer du tout. Je ne connais pas assez ni l’une ni l’autre.

    Merci F’murr pour ces théories drôles et dessinées, mais quel lien vois-tu entre elles et le débat ci-dessus ?
    Même chose François, avec tes proverbes africains, drôles eux aussi ?

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  22. AUCUN LIEN OF COURSE (la musicalité des pROVERBES africaines SI peut etre…oui et pour tes amis gabonais aussi…le rire, aussi universel que la musique of course !) looooool et mdr alors ;

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  23. Bon, je crois que Guillaume est irrécupérable, j’abandonne. Après tout, on peut vivre heureux en passant à côté de l’art de son époque. Beaucoup n’ont pas vu l’importance du jazz, ou du fauvisme, ou du surréalisme, avec souvent le même genre d’argument d’ailleurs : trop populaire, trop simple, pas assez « riche ».
    Mais dire que la « musique populaire » (quelle expression idiote !) n’évolue pas, ou peu, c’est juste le signe qu’on regarde les chose d’une distance, disons, stratosphérique.

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  24. Ah, « idiot » a été écrit deux fois, ainsi qu’ « absurde » et « sauvage ».

    Confondre la variété avec l’ « art de son époque », c’est bien l’opinion que je combats dans mon billet, avec tout le respect que je dois à ceux qui la partagent. La confusion des genres obligatoire, sous peine d’être – au mieux – un ringard ou un réac. Voilà ce que je remets en cause, modestement.

    La musique savante ne se limite pas au passé, je ne l’ai en tout cas jamais confinée au passé.

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  25. Le idiot de « expression idiote » ne te vise pas, l’expression n’est pas de toi. Mais c’est idiot quand même. « Musique populaire », c’est aussi bête que « world music ». Ca veut dire qu’il y a une musique « du peuple », comme il y aurait une musique « du monde », ou une musique « des Barbares », ou « des Autres », ou « des Femmes », ou une musique « des intellos ». Ca n’a simplement pas de sens, et ça ne fait que manifester le fait qu’on ne voit pas la différence entre la musique péruvienne et les musiques savantes indiennes, entre Duke Ellington et Sylvie Vartan. Mais ça, ce n’est pas la faute de Duke, des compositeurs indiens et ou de Sylvie, c’est la faute de celui qui écoute.

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  26. Je tourne autour du pot sans parvenir à exprimer ce que je veux dire, je ne parviens pas à dire ce que je ressens comme malaise devant cette musique classique qui me plaît, qui m’accompagne comme chacun d’entre nous, et qui en même temps me révulse et m’ennuie.

    Il est évident que ce n’est pas la musique classique qui me pose problème, mais les opinions que l’on se fait d’elle. Je ne supporte plus que les symphonies soient perçues comme un art supérieur. Quand j’entends dire que Berlioz c’est mieux que Björk, que Ravel c’est mieux que Joanna Newsom, que Bach est un génie de la musique, je me dis que quelque chose est pourri dans le royaume de l’art sonore.

    Alors je vais renommer les choses pour que ce soit clair : toute cette musique classique avec violons et piano, c’est de la musique de vieux. Jusqu’à présent, je disais « musique classique » par opposition à musique moderne. Mais il faut appeler les choses par leur nom. Tout ce qui est violon, piano, chant grégorien, avec harpe ou sans harpe, c’est ce qu’on appelle de la musique de vieux. Techniquement, il n’y a pas de différence entre Haynd et Richard Clayderman, Mozart et André Rieu.

    C’est d’ailleurs la beauté de la musique de vieux d’être anonyme, simple et monotone. Une symphonie, c’est avant tout un fond sonore qui apaise nos nerfs, qui accompagne les montées en ascenseurs. La beauté de la musique de vieux, c’est que n’importe qui peut en écrire, il suffit d’inventer n’importe quoi en pensant à autre chose. C’est dans la musique moderne qu’il y a des hiérarchies, et la musique de vieux n’a pas à prétendre être moderne. Elle vient des fanfares qui accompagne la marche des militaires, des curés qui nous font avaler l’hostie.

    La musique de vieux est là pour accompagner les actes du quotidien. On l’écoute pour faire passer le temps au bureau, pour aller faire la guerre, pour accompagner les baptèmes et les mariages. Chacun pense que tel compositeur est radicalement différent de tel autre, mais c’est une erreur de perspective. Il faut intégrer toute la musique de vieux dans une même affection, la même tendresse, comme l’a très bien fait Eve Rugieri sur TF1.

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  27. Il ne faut pas s’énerver Mart. Le SAGE Précaire est comme ça. Je me suis fait une raison avec le temps. Ce qu’il veut c’est avant tout créer de la polémique avec beaucoup de finesse et d’équilibre souvent, de la maladresse parfois quand même il faut le dire, de la discussion, pour échanger des idées, bousculer les etiquettages du convenu et de la néo petite bourgeoisie ambiante qui aime écouter Bach et Les Musclés le petit doigt en l’air et s’exclamer avec la bouche en cul de poule : « Mais c’est formidaaaable, vraiment géniaaaaaaal, et rire cynique qui va avec : ah ah ah ».Bref au mieux il essaye de mettre a jour et de briser cet obscéne relativisme sur lequel surfe le sarkozisme et au pire il est l’exemple frappant du philosophe paumé et pique assiete fils des années Deleuze post-structuraliste qui « s’adapte » et fait des courbettes au systéme dont il profite pour bouffer se la jouant « into the wild » néo Kerouak en écrivant des billets de blogs (pseudo ?) provocateurs comme celui-ci. J’avoue que je ne pourrai trancher directement sur cette ambivalence fondamentale de beaucup de gens de ma génération puisque je souffre du même syndrome quelque part, mais j’aimerai bien savoir ou avoir un jour sous les yeux un vrai billet de blog sur le jazz, car, j’avoue que pour -entre autre- des raisons sociologico-familiales assez longues a expliquer c’est de loin ma musique préférée et de trés loin dépassable mémé par le dernier groupe de rock indé encensé par les inrocks par exemple. Je connais peu DUKE ELLINGTON eTANT DONNe QUE JE n’ai pas fibni d’explorer et d’épuiser ARMSTRONG ET StaN GETZ ainsi que Henri TEXIER QUE JE DéCOUVRE CHAQUE fois un peu chaque année Ceux qui n’aiment pas le Jazz (que j’écoute quotidiennement) -et j’en connais !- ne peuvent pas etre mes amis…c’est complétement con comme point de vue mais j’avoue qu’avec le temps c’est un vrai critére de reconnaissance du crétin et connard de base…pour en finir, je connaissais a une époque pas si lointaine un prof de musique qui me disait assez souvent et me saoulait parfois avec ca : « dis moi ce que tu écoutes – sous entendu, comme musique- et je te dirai qui tu es -sous entendu, ton « moi » profond etc…je finis, avec le temps par trouver qu’avec le temps il n’avait pas totalement tort;;;ce vieux con (pianiste joueur de jazz par ailleurs)….

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  28. SI tu connais mal Duke Ellington, alors connecte-toi à Deezer et écoute « Money Jungle ».
    Pour découvrir le Duke compositeur, écoute l’album de Monk où il joue ses compositions seul au piano (« Monk plays Duke Ellington » ou qq chose comme ça).
    Ne pas voir la beauté là-dedans, c’est à vous désespérer de l’humanité.

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  29. La parodie du Sage précaire bis est très amusante, bravo. Je suis entièrement d’accord avec ce qu’elle cherche à démontrer, que pour juger d’un art ou d’un genre, il faut au moins le bien connaître. Rejeter tout un genre sans se rendre compte de ses glorieuses productions révèle surtout la méconnaissance de la personne qui rejette. La différence c’est que moi, je ne rejette rien, et que je connais super bien la variété. Je suis un fan de Björk, de Calexico, de Jimmy Hendrix, de Brassens, de Robert Johnson, de Boby Lapointe, de Damia, de Fréhel, d’Aristide Bruant. Un vrai fan, qui connaît bien leurs chansons, qui les a même travaillées à la guitare, pour certains d’entre eux. Mon opinion sur la confusion des genres ne vient donc pas de l’ignorance, et je vous mets au défi de me faire écouter de la musique de variété que je ne puisse pas comprendre et apprécier.

    La parodie, elle, présente avec ironie l’opinion de quelqu’un qui, en revanche, méprise sans connaître.
    De plus, elle présente une ou deux contre-vérités qui rendent son propos moins convaincant qu’il n’y paraît.
    Techniquement, il y a une différence de nature entre Clayderman et la musique savante (je ne parle jamais de musique classique, car en quoi Webern, Boulez ou Dusapin sont-ils classiques ?). Clayderman adopte la technique de la variété, ses morceaux sont exactement des chansons. En Chine, les musiques d’ambiance sont souvent des chansons connues jouées avec des orchestrations de ce genre, et cela ne les rend pas plus proches de la musique savante.

    Ensuite la musique savante, par définition, ne peut pas être monotone car elle n’est pas répétitive, ou quand elle l’est c’est précisément quand elle reprend et joue avec les codes des mélodies populaires, comme l’ont fait tous les romantiques (Danse hongroise de Brahms pour prendre l’un des morceaux de ce type le plus connu). Donc musique « de vieux », je veux bien, ça ne me dérange pas, mais monotone et anonyme non, c’est justement le contraire.

    « Simple », enfin, oui ça peut être simple, de la même manière que la variété peut être complexe. Une chanson de Patrick Sébastien, ça demande plus de technique qu’une Gymnopédie de Satie, ou que les longs morceaux de La Monte Young. L’art savant peut être d’une grande économie de moyen, comme chacun sait.

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  30. C’est très immodeste de dire « je vous mets au défi de me faire écouter de la musique de variété que je ne puisse pas comprendre et apprécier. » Et ce n’est pas parce qu’on a gratté quelques accords de Brassens qu’on comprend Brassens.

    Quand on constate que « des gens que j’estime, et même des gens que j’aime infiniment, et parfois, pour une certaine d’entre elles, que j’aime de manière irraisonnable, me disent des opinions qui constituent pour moi des petits scandales de la pensée esthétique », c’est que notre pensée esthétique est peut-être incomplète.

    Moi, si des gens que j’estime autant que ce que tu dis estimer tes amis me disent qu’une chose est très belle alors que je n’y vois qu’une oeuvrette du niveau de Sylvie Vartan, je suspend mon jugement. Je me dis que cette chose ne me touche pas d’assez près, ne me parle pas suffisamment pour la juger bien. Je lui laisse le bénéfice du doute. Ou alors, je révise mon jugement sur mes amis et je cesse de les estimer autant.

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  31. Précisément, comme je l’ai déjà dit, je trouve aussi la variété très belle. Enfin, pas tout, j’ai un goût moi aussi, et il y a des choses que je n’aime pas beaucoup.
    Mais les chanteurs de variété que j’ai cités ci-dessus, je les aime vraiment, il me touche d’aussi près que possible.
    Les confondre avec la poésie ou la musique savante, non, c’est une erreur de jugement, mais cela ne m’empêche pas de prendre beaucoup à les écouter.

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  32. « Les confondre avec la poésie ou la musique savante, non, c’est une erreur de jugement, mais cela ne m’empêche pas de prendre beaucoup à les écouter.  »

    Mais personne ne confond le jazz ou le folk avec la poésie ou la musique baroque. Le sujet n’est pas là. Si tu commences à ne plus assumer tes positions – à savoir, la supériorité générique absolue de la « musique savante » sur la « musique populaire » -, ça devient difficile de discuter.

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  33. C’est marrant, ça, j’ai jamais pu supporter dix minutes de jazz. Je sais pas pourquoi, ça me hérisse. J’y vois à la fois un côté pseudo-cool relâché prétendument populaire, et en même temps un côté élitiste un peu sectaire mais qui ne se l’avoue pas. Je n’ai pas dû rencontrer les bons intercesseurs.

    Sinon, je dirais que la question, c’est plutot de savoir ce qui relie la musique qu’on appellera « savante » à celle qu’on appellera « populaire » ou « variété ». L’exemple des danses hongroises de Brahms est à cet égard emblèmatique. J’affirmerais volontiers que la musique savante a besoin de la musique populaire, la grande ritournelle a besoin de la petite, comme disait Deleuze, et, inversement, que cette dernière conduit nécessairement à la première.

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  34. Merci Mart pour la référence du disque de Monk, je tacherai de me le faire offrir pour Noel.Ca a l’air bien, en ce moment je suis surtout dans le trip « Melody Gardot » , c’est vraiment bien .
    Je trouve que Ben a une vision assez négative du jazz, en même temps , ce n »est pas totalement faux cet aspect élitiste qu ne s’avoue pas, c’est en effet le probléme quand in lit un article dans un magazine spécialisé ou qyuand on va dans un festival ou a Paris (Duc des Lombards ou 7 lézards parfois…bref les derniéres caves survivantes…) quand on parle aux gens, aux habitués « spécialisés » on a l’impression de n’avoir rien compris a la musique…mais c’est pareil avec les spécialistes du rock…bref le truc, c’est de trouver un style de musique qu ne puisse pas etre « conceptualisé »,un truc nouveau interdits aux « spécialistes »…c’est peut etre pour ca que la variété est encore le dernier espace de liberté dans la musique aujourdhui,elle ne s’est pas bouffer par l’ogre conceptuel, l’Etre Supréme de la Categarisation Absolue, les spécialistes ou futur spécialistes doivent avoir peur du foutage de gueule : imaginer l’article de résumé de thése sur par exemple le « phénoméne révolutionnaire des Musclés » ou « philosophie et poésie dans l’oeuvre de Sylvie Vartan » c’est sur ca fait marrer tout le monde…en même temps ca ne serait pas une si mauvaise idée…

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  35. Pourtant, Ben, tu as connu un magnifique intercesseur, en la personne d’Alex et de son saxophone des années 90, dont tu disais qu’il était (le saxo, pas Alex) la preuve ultime de l’influence de la matière sur la tranquillité de l’âme.

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  36. Le problème, il est ailleurs. Certains créateurs de « musiques actuelles » le savent très bien mais peu le disent : quand on écrit pour être apprécié du « grand public », pour « faire un carton », on sait ce qu’on met dedans, surtout si on est passé par le conservatoire et que les harmonies n’ont plus de secret pour nous : on met dans son futur tube un peu de putasserie pour faire plaisir. La belle ligne de basse qui va faire pâmer les minettes et le gros lourd du coin, qui ne sait pas chanter juste trois notes qui se suivent. Tout cela c’est de la merde, tout le monde le sait, et c’est démodé avant d’avoir existé. Cela va s’oublier, dans trois siècles des gamin(e)s de 10 ans dont les parents n’écoutent pas de musique se passionneront pour Bach à la première écoute, mais il n’y aura plus sur terre une seule personne pour nous parler des petites merdes de Cloclo. Une de mes amies compositrices de musique électro acoustique, qui défend par ailleurs les « musiques actuelles » se refuse absolument à mettre toutes les musiques sur le même plan. Il y a aussi des putasseries chez certaines oeuvres dites « classiques » – baroques, romantiques ou même sérielles si vous voulez – tout simplement parce que les nénettes et les mecs qui les écrivaient avaient besoin de crôuter ou de faire le guignol pour se lâcher de temps en temps. Tout ça, c’est du même tonneau que pour la bouffe. Un jour on rote un Caca Cola en se goinfrant de cacahuètes trop salées, mais de là à dire que ça se compare avec un verre de Corton Charlemagne et du fois gras truffé, faut quand même pas pousser. Le Corton Charlemagne c’est très vieux et c’est très bon, et surtout ça fait très plaisir. Le Caca Cola ça faisait jeune y’a pas si longtemps, mais c’est surtout une boisson de débiles inventée pour s’enrichir sur le dos des débiles, et au final le plaisir est vraiment très limité.

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  37. Merci Bobila, pour ce commentaire. Il m’inspire l’idée qu’on pourrait peut-être provisoirement comparer les musiques avec les boissons. La variété, c’est la boisson sucrée, qui va du jus de fruit simple et naturel au soda compliqué et fait de produits de synthèse.
    La musique savante serait, selon ma théorie portative, la boisson alcoolisée, prise sous l’angle de la technique de production. Le vin, la bière, le whisky, proviennent bien de fruit ou de céréal, mais ces derniers sont passés par un traitement d’un tel raffinement qu’on assiste à une vraie diférence de nature entre les boissons.
    Bien sûr, on peut aimer les jus de fruit, c’est mon cas, mais dire que tel « soft drink » est comparable à du vin, c’est une erreur de jugement à mon avis.
    Qu’il y ait du mauvais vin, de la bière immonde, et des boissons sucrées originales et inventives n’empêche pas le fait que les phénomènes de distillation, de fermentation, etc. font entrer l’eau et le sucre dans un nouveau monde autrement plus excitant et profond, quel que soit le plaisir que l’on prend à boire de l’orangina.

    Ceci n’est qu’une analogie, et je viens de l’imaginer, à la lecture du commentaire précédent, si cela se trouve elle ne tient pas la route.

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  38. C’est intéressant, mais je me demande où tu vas mettre le thé, à la fois assez simpliste du point de vue de la production, et en même temps, mais qui représente un peu l’art de la subtilité du point de vue de l’appréciation.

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  39. Bonne question, Ben. Le thé et le café sont bien sûr de la musique savante, sans conteste. Mais il n’y a rien de simpliste dans la production du thé. La culture du Longjin, dans la région de Hangzhou, passe par des processus de transformation nombreux et essentiels pour devenir une boisson très subtile, avec des millésimes, des terroirs, des variations de prix gigantesques, et une culture gastronomique qui tourne autour.
    Si on mettait des feuilles de ces arbres à thé directement dans une théière, et si on mettait de l’eau chaude dans la théière, cela ne ferait pas plus de thé qu’en y trempant des feuilles de platane.

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  40. Discussion interessante. Je crois que la différence entre les musiques dites « populaires » et « savante » n’est pas d’odre qualitatif (la notion de « qualité » est trop subjective et relative) mais d’ordre « génétique » si j’ose dire.

    La différentiation savante/populaire n’est pas absolue, elle est à l’origine propre au monde occidental. La dissociation c’est faite progressivement entre la musique « écrite » (donc « savante » ou limité aux classes éduquées, car il fallait connaitre les codes de la notation) d’abord pour l’église puis pour l’aristocratie, (spectacles, opéra, ballets) et la musique transmise oralement, chantée et apprise dans la famille, sans connaitre ni notation, ni théorie.
    cette différentiation de dit rien sur la « qualité »; même si rapidement la musique dite « savante » est devenue de plus en plus « professionelle », faite par des gens « éduqués » et formés à la discipline (la notation et théorisation ont permis de développer et transmettre des innovations plus rapidement), tandis qu’au sein de la musique « populaire » la transmission orale et l’utilisation essentiellement non professionnelle (exeption des troubadours, musiciens « de rue », de taverne puis cabaret, etc.) ont longtemps limité les innovations.

    La différentiation entre les deux genres s’est donc rapidement affirmé sur la forme: la musique populaire, n’ayant pas toujours d’instruments et se transmettant de façon orale a privilégié une forme chantée, de courte durée et facilement mémorisable: la chanson. Par son origine les sujets abordés sont ceux de monsieur et madame tout le monde: l’amour, le fils qui part à la guerre, la misère, les fêtes populaires, etc.
    Tandis que la musique « savante », d’abord destinée à un usage religieux, puis « intellectuel » a rapidement développé des formes longues, plus instrumentales et abordé les thèmes de la classe « éduquée »: les grand thèmes poétiques ou mythologique, etc. , ou les thèmes réligieux, souvent destinés au « grand public » dans la musique d’église.

    jusque là tout est logique: on a la chanson orale populaire d’un coté et la musique codifiée et élitiste (qu’on a tendence à appeler de manière abusive « classique ») de l’autre.

    Puis arrive le 20ème siècle et la grande révolution amenée par le disque.
    A partir du moment ou le disque est né, la musique populaire a eu la capacité de pouvoir être transmise et distribuée (en particulier chez les populations « éduquées » qui ont été les premier à posséder des phono…)
    De nombreux mouvement issus de classes « populaires », sans formation musicale « savante » ont rapidement commencé à connaitre un large succès commercial, essentiellement en Amerique (Jazz, puis ses dérivés) et en Europe (chanson populaire; type Fréhel en France). Cette commercialisation de la musique d’origine populaire l’a progressivement amené à intégrer plus de moyens (orchestres, « vrais » musiciens « formés », etc.)
    Ensuite le diffusion massive de la musique populaire partout dans le monde l’ont amené à connaitre une extrème diversification en genre et sous-genres (jazz, country, blues, rock n’roll, pop, rock, punk, funk, rap, etc.) en même temps que l’accès aux instruments s’est popularisé (depuis la « culture rock »; la guitare entre dans tous les foyers; puis les instruments éléctroniques, ordinateurs et home studios…)
    Dans le 20ème siècle le musique « populaire » s’est donc progressivement
    « professionalisée » et a largement influsé dans la musique dite « savante »; et est devenue LA musique dominante.

    Par réaction a cette « professionalisation » de la musique « populaire », la musique dite « savante » afin de rester élitiste est allée dans une direction de plus en plus sur-intellectualisée (surtout depuis l’après guerre et le grand développement mondial des musiques populaires et du disque)
    Elle c’est volontairement totalement discociée de tout public et de toute notion de plaisir pour s’enfermer dans un rôle purement expérimental sans issue(que la musique « populaire » a fini par lui prendre aussi le résultat des expérimentations pour l’amener vers le public; cf musique électronique)… Donc on a aujourdh’ui des musique aux histoires différentes, mais dont les « lignes » de différentiation ont nettement été déplacées, et dont les appellations n’ont plus vraiment de sens.

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  41. Juste pour préciser, effectivement, la plupart des musiques commercialisées aujourdh’ui sont issues de la « culture de la musique populaire »: ce sont tous les genres (catégories pertinentes que pour les vendeurs et la presse) et sous-genres qui se créent depuis plus de 50 ans en fonction des modes (jazz, rock, rap, pop, soul, funk, chanson, « variété »; ect.)

    Donc non, la musique « populaire » aujourd’hui ce n’est pas que ce qu’on appelle parfois de façon péjorative la « variété ». La « variété » c’est à mon sens ce qui ne rentre pas dans une catégorie « à la mode » particulière destinée à un public particulier (le rap à son public, le métal le sien, le « pop-rock » aussi). Mais tout ça ce sont des musiques issues de la culture populaire: format généralement chanté, durée de 3/4 minutes, structure généralement couplet/refrain répété trois ou quatre fois, et distribution en single ou album.

    Celà ne dit rien d’une soit disante infériorité avec le registre « savant », car comme je l’ai dit la musique populaire c’est considérablement professionalisée, perfectionnée, et a intégré de nombreux éléments de la musique « savante » classique (mode de notation, solfège) ou de la musique « savante » contemporaine (par exemple dans le rock progressif ou les musiques éléctroniques, l’influence des écoles de musique répétitives dans la naissance de la techno et ses dérivés; hybridation des techniques, etc.)

    Hors du format « chanson » d’origine populaire on trouve aujourd’hui des types de musiques qui ont gardé un format et une utilisation issue de la musique savante comme les musiques de films (qui sont un peu l’équivalant contemporain de la musique d’opéra dans leur fonction); mais qui parfois intègrent des elements de musique populaire (thème, chanson de générique, etc.)

    le développement, dans les années 70 des musiques instumentales éléctroniques et le rock progressif (Floyd, Tangerine dream, Kraftwerk, Shulze, Jarre, Vangelis) dans le domaine de la musique « populaire » (commercialisés sous forme de disque); ces musiques souvent instrumentale présentent à la fois des formats issu de la musique « populaire » rock (format chanson) et aussi des longues compositions plus ambicieuses issues de la tradition savante, et l’intégration des techniques d’avant garde éléctronique de l’époque… Est-on dans de la musique « savante » ou « populaire » ?? ou les deux à la fois?

    Finalement aujourd’hui celà a beaucoup moins de sens, car, même s’il existe toujours des catégories « extrèmes » (la vraie musique populaire aujourdh’ui serait celle des musiques « traditionnelles » non modifiées par l’industrie de la musique de tradition orale, jusqu’à la musique « savante » ultra-sur-intellectualisée qui n’est pas destinée à l’écoute. La plupart de ce que l’on peut trouver se trouve entre ces deux extrèmes, sans que être plus proche de l’un que de l’autre ne soit en soit un gage particulier de qualité.

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