La fin annoncée de l’imparfait du subjonctif

Les éditions universitaires chez qui je vais publier notre ouvrage collectif Traits chinois, lignes francophones, m’ont gentiment fait part de quelques corrections à apporter. Parmi les « maladresses » qu’il faut changer, l’usage de l’imparfait du subjonctif. Ils ont un peu insisté, sembe-t-il, comme si c’était devenu une règle de moins en moins tacite. Sachez-le, chers lecteurs éventuels de ce blog éventuel, pour faire sérieux, scientifique et universitaire, il faut bannir l’emploi de ce mode auguste.

Je n’ai pas été révolté, pour dire le vrai. A priori, j’ai pensé que mes éditeurs avaient raison, car des phrases peuvent sonner terriblement archaïques et pompeuses. Si je recevais des manuscrits de critiques littéraires avec des « qu’ils assassinassent », « que tu susses » ou « que nous tinssions nos promesses », je demanderais gentiment de revoir la copie.

Mais la phrase incriminée est celle-ci, et je laisse juge aux lecteurs éventuels de l’archaïsme de la tournure, ou de l’affectation outrancier de l’expression :

« Avant la « Grande guerre », en revanche, un partenariat entre Lyon et Pékin mit en œuvre le programme « Travail-Etudes », et permit à des étudiants de venir en France pour suivre une formation qui combinât le travail manuel et le travail intellectuel »

9 commentaires sur “La fin annoncée de l’imparfait du subjonctif

  1. Sage précaire je suis la plus inculte et la moins lettrée de tes comms alors je la tiens toujours près de mon clavier cette édition de l’art de conjuguer du nouveau bescherelle édition avant 1972.La problématique du subjonctif de l’imparfait je la retrouve ces temps-ci plus que moins dans mes rapports avec Danaée la v.p de 27 ans de mon c.a de copée et je constate qu’il est difficile à conjuguer dans notre monde qu’on dit devenu moderne.QUE J’EUSSE, QUE JE FUSSE, QUE JE ME MÉFIASSE.QUE J’AIMASSE,QUE JE CÉDASSE, QUE JE PAYASSE,QUE JE HAISSE,QUE J’ACQUISSE,QUE J’OUISSE,QUE JE VISSE,QUE JE SUSSE, QUE JE DUSSE,QUE JE PUSSE, QUE JE VOULUSSE…. tout ces verbes qui seront désormais de moins en moins présent dans notre vocabulaire planétaire et encore moins dans celui des chinois j’ai bien l’impression,fermer avec un cadenas à tout ce qui pourrait un tantinet leur faire perdre la face, l’argent étant le roi et la reine en même temps ,qui pouvons-nous simple humain vieillissant que nous sommes.by.

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  2. Combien je trouve subtile cette phrase qui souligne la difficulté de combiner le travail manuel et le travail intellectuel, comme le « subjonctif 2 » allemand qui introduit un doute, une légère distance de l’écrivant avec son propos…
    Certes, l’imparfait du subjonctif à la première personne du singulier ne passe pas, il est trop parent des mots provençaux qui dévalorisent : une fillasse, ce n’est pas une jolie jeune fille… mais à la troisième personne on ne l’entend pas, il n’est visible qu’à l’écrit par ce petit « accent chapeau » comme disent les élèves de sixième…
    Traits chinois, lignes francophones, ça paraît où et quand ?

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  3. « Que je payasse », c’est joli, c’est expressif.
    On peut peut-être dire que ce qui est important, c’est moins la forme verbale « subjonctif imparfait » que la nuance de sens qu’elle introduit qui compte. De ce point de vue, il faudrait commencer par se demander quelle différence de sens on va mettre entre « il eût fallu que je payasse avant » et « il aurait fallu que je paye avant ». Pour moi, il n’y en a pas vraiment.
    J’ai découvert un truc qui me paraît plus préoccupant dans un bouquin de français 4e. Le conditionnel n’est plus un mode, à côté de l’indicatif et du subjonctif, mais un temps de l’indicatif : indicatif conditionnel. Là, je me dis que s’il n’y a plus du point de vue des grammairiens eux-même, de différence de sens entre l’indicatif et le conditionnel, si le conditionnel fait partie de l’indicatif, si le possible fait partie du réel alors l’imparfait du subjonctif peut numéroter ses abattis, comme on dit.

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  4. Citation (Wikipédia) :

    « Le conditionnel a longtemps été considéré par les grammaires traditionnelles et scolaires comme un mode. Cependant, au moins dans la langue française, sa morphologie et ses divers emplois montrent que tous ses usages sont aussi valables, à une nuance de sens près, pour le futur simple, temps de l’indicatif. Dans ces conditions, il est malaisé d’en faire un mode, ou bien il faudrait envisager un mode incluant à la fois conditionnel et futur (solution proposée par Henri Yvon, qui appelait ce mode suppositif). D’ailleurs le conditionnel à sens futur a été classé par certains linguistes comme un cinquième temps de l’indicatif, le conditionnel-temps. Cela amènerait donc à placer le futur et le conditionnel dans deux modes à la fois, à cause de leurs différents usages.

    Autre solution : considérer que le futur et le conditionnel sont tous deux des temps de l’indicatif. C’est ce que proposait le linguiste Gustave Guillaume, qui suggérait d’appeler le premier futur catégorique et le second futur hypothétique. Cela éviterait de dupliquer un temps en le faisant apparaître dans deux modes. Des conditions morphologiques peuvent appuyer cette proposition (similarité étroite entre les formes du futur simple et du conditionnel présent). »

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  5. C’est vraiment interessant. Pour moi, le conditionnel, c’est le mode du possible -les furus contingents d’Aristote- et le futur le mode du réel à venir, mais je ne maîtrise pas tellement les considérations morphologiques.

    Et toi, Cochonfucius, tu en penses quoi ? N’es-tu une sorte de linguiste ou quelque chose d’approchant ?

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  6. Je suis linguiste, mais pas grammairien.

    Je pense que par « conditionnel » on décrit tantôt du potentiel, et tantôt de l’irréel. Il n’est pas absurde de ranger le potentiel près du futur, comme Gustave Guillaume le propose, ci-dessus. Mais l’irréel m’a toujours paru relever d’un mode en soi, ainsi que le subjonctif.

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  7. j’emploie couramment et avec une provocante constance l’imparfait du subjonctif dans mes fictions sciemment non-modernes… tout comme Richard Millet. Gilles Deleuze avait écrit en son ultime ouvrage avant trépas : « Nous manquons de résistance au présent. » J’ai décidé de résister à ce présent-là : l’usage revendiqué par moi de l’imparfait du subjonctif appartient à ma résistance personnelle à l’uniformisation friedmano-hayekienne.

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