Ce matin, depuis mon bureau, je voyais le misérable piquet de grève de l’université, et j’avais un pincement au coeur. Je pouvais difficilement faire grève moi-même puisque je n’ai pas d’emploi, que je vis sur de maigres économies, et que j’avais un chapitre à terminer, pour lequel j’avais accumulé un retard d’un mois.
Voyant la pauvre Irlandaise, que je connais un peu pour avoir milité dans le même syndicat qu’elle, grelotter de froid, et proposer des tracts à des étudiants qui la snobaient, j’eus une forme de nausée. Je n’y tins plus et rejoignis les courageux syndicalistes, ne serait-ce que pour discuter.
« Tu devrais joindre le syndicat » me disent-ils. Je me suis déjà inscrit sur internet, mais je leur avoue que je ne suis pas sûr d’y être affilié officiellement. Ils me promettent d’aller y voir de plus près. Ils déplorent que les membres de la facultés des langues étrangères soient si « conservateurs », et qu’ils ne s’engagent pas dans la lutte des plus faibles et le maintien des services publics.
Je ne sais comment leur répondre, car je ne réponds pas de mes supérieurs hiérarchiques, et encore moins de mes égaux. Des inférieurs hiérarchiques, il n’y en a pas dans la sagesse précaire.
« Quand même, disent-ils, les Français savent ce que c’est que la grève et les manifs, non ? Le département de français pourrait donner l’exemple! » Nous rions. Nous avons très froid, et nous nous préparons à nous diriger vers le Foyer des étudiants, pour quelques discours et organiser le défilé à venir.
Je ne peux pas retourner à ma thèse et à mon bureau chauffé. Cette jeune Irlandaise, syndicaliste et prof en art dramatique, me touche par son abnégation. Elle brave le froid et l’ennui du piquet de grève, elle risque d’être mal vue par la hiérarchie, quand tant d’autres enseignants-chercheurs remplissent leurs cours et leurs articles d’idéologie gauchiste sans risquer de nuire à leur carrière en faisant grève.
Avant de prendre la route de la manif, on me tend une pancarte, que j’empoigne sans regarder ce qui y est écrit. Je remarquerai plus tard que j’arborais ces mots : « Investissez sur moi. Je suis votre avenir ». A l’approche de la quarantaine, le sage précaire n’est plus vraiment l’avenir de quoi que ce soit. Enfin on ne sait jamais.
Sur la route, je suis rejoint par mon amie S. qui virevolte et prend de nombreuses photos.
De mon côté, je reste un militant de base, discipliné, et je prends une tête d’enterrement, car c’est ce que je sais le mieux faire.
Nous partîmes moins de cent, mais par un prompt renfort, venu de chaque rue, nous nous gonflâmes de plusieurs autres défilés, nous grossîmes de volume sonore et nous nous vîmes dix mille en arrivant au City Hall.
Après avoir poireauté quelques quart d’heure, je décidais de rentrer à mon bureau. Je recroisais mon amie, qui avait fait des photos acrobatiques en grimpant sur la tribune. Mon amie est une aventurière. Nous décidâmes, en bons socialistes qui se respectent, d’aller manger dans un restaurant gastronomique, parce que merde, il n’y a pas de raison qu’on laisse la bonne bouffe aux riches et aux banquiers. Nous posâmes nos pancartes au dehors et fîmes un merveilleux déjeuner : butternut, faisan, venaison, nous ne sommes rien refusé car nous avions bien mérité de la lutte des classes.
Les journaux diront, le lendemain, que la grève fut un demi-échec. On s’attendait à un raz-de-marée qui n’eut pas lieu. En revanche, dans la province d’Irlande du nord, ce fut un plus gros succès qu’escompté. Il faut dire que la province vit plus qu’une autre sur le service public.
Mon amie me fit une remarque qui me troubla. Elle se demanda s’il y avait beaucoup de protestants dans le cortège. Cela ne m’avait pas traversé l’esprit que la division communautaire ait pu se retrouver dans le combat syndical.
Il est vrai que dans les partis politiques, ceux de gauche se trouvent du côté « Irlande unie » et sont donc majoritairement catholiques, et que les partis de droite son les partis protestants et unionistes. Mais cela se retrouvait-il dans les mouvements sociaux ?
Je ferai ma petite enquête à la prochaine A.G. de mon syndicat.
Citation : « Cela ne m’avait pas traversé l’esprit que la division communautaire ait pu se retrouver dans le combat syndical ».
« …ait pu », et non pas « pût ».
Voilà qui illustre ta réflexion précédente sur la timidité présente chez l’imparfait du subjonctif.
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Pour être plus précis, et aller dans le sens du cochon de Confucius, il aurait fallu dire « eût pu se retrouver… ». le verbe c’est « avoir pu » plus que « pouvoir », ou alors c’est « pouvoir » mais avec voix passive.
Mais bon ça ne fait pas de différence, c’est toujours l’imparfait du subjonctif qui numérote ses abattis!
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Mes amis, ne confondons-nous pas un peu l’imparfait du subjonctif (« pût ») et le plus-que-parfait du même mode : »eût pu »? Là, on entre dans un domaine purement spéculatif, au moins en ce qui me concerne : le valeur des temps du subjonctif passé. Personnellement, je serais bien incapable de formaliser clairement l’emploi des temps du subjonctif, et même l’emploi du mode subjonctif par rapport au conditionnel.
Par exemple, Fred, ne fallait-il pas que tu écrivasse : « Pour être plus précis, et aller dans le du cochon de Cochonfucius, il fallût dire… » (subjonctif imparfait de falloir) ou « il eût fallu dire… » (plus-que-parfait du subjonctif, si je ne m’abusasse.)
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J’ignore ce qu’il eût fallu que Fred écrivît, mais ce que je crois savoir, mon bon Ben, c’est que tu n’aurais pas dû écrire « que tu écrivasse », mais « que tu écrivisses ».
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ti1 un nouvo zeu : retrouver toutes les fotes de grammère et de conjuguaison dans tous les biyets du sage précaire, chines, nankinendouce etc…je suis certain d’en trouver plins et ché les comentateurs cé paréil ! moua le preumier.
(cé fatiguant décrire com un illétré mé cé rigolo bien q’un peu débilos je l’avoue)
« Il est vrai que dans les partis politiques, ceux de gauche se trouvent du côté « Irlande unie » et sont donc majoritairement catholiques, et que les partis de droite son les partis protestants et unionistes. Mais cela se retrouvait-il dans les mouvements sociaux ? »
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c’est une vrai question, extremement interessante et qui dépasse le simple cadre irlandais à mon avis.bon courage pour y répondre…
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sinon question subsidiaire : c’est toi le mec avec la casquette noire sur la premiére photo a coté de la grosse blonde ? (parce que j’ai exactement la même -casquette pas grosse blonde hein-…) ; ça fait un effet boeuf !
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Non ce n’est pas moi, mes oreilles ne sont pas si pointues.
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« je prends une tête d’enterrement, car c’est ce que je sais le mieux faire. »
Il faut savoir tirer parti de ce que l’on sait le mieux faire.
Personnellement je suis, sans l’avoir vraiment demandé, plutôt bon pour prendre la pose de l’industriel un peu austère. Le genre de type un peu gris et loyal à son employeur.
Ça a toujours plu.
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Bravo Damien, tu seras sans doute en couverture d’un grand magazine, lorsque la figure de l’industriel reviendra à la mode. D’ailleurs, ce serait plus productif pour sortir de la crise.
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Je me fiche bien d’apparaître en couverture d’un magazine et cela ne m’amuse pas particulièrement d’avoir un air austère, je note que le travailleur salarié comme le chercheur subventionné ont tout intérêt à apparaître tels qu’on veut qu’ils apparaissent.
Il y a des gens passionnes par leur job et avec le physique de l’emploi. Et il y a les autres pour qui ce n’est pas toujours le cas.
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Pour embrayer sur une note un peu plus enthousiasmante, je souhaite à l’auteur de ce blog ainsi qu’ à tous ses lecteurs-commentateurs, une belle année 2012!
Qu’elle soit aussi chaleureuse que le soleil qui a le bon gout de venir éclairer cette première matinée de l’année dans mon bled du Guangdong.
Au plaisir de vous lire!
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Bonne année à toi, chanceux Damien.
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Merci Guillaume et François (putain je viens de dire merci à cet imbécile de François, je vais pas bien )
Un dernier mot parce que je ne voudrais pas être mal compris: les journées sont rares ou je ressens de la passion pour mon job, je dois me motiver tous les jours pour continuer, les conditions d’exercice y sont certainement pour qqchose.
Tu pourras revenir en Chine qd tu le voudras, ou peut-être me trompe-je? A moins qu’une bourse qu’on te présente sous le nez ne t’emmène ailleurs?.. Je suis un chouïa désabusé sur le pays, lire ta prose à l’enthousiasme inoxydable pourrait me ferait du bien.
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Merci Damien , bonne année 2012.
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