Il était plutôt petit, les épaules voûtées, et semblait n’avoir que la peau sur les os. Bien que chétif d’apparence, il était tout en muscles, avait des mains comme des battoirs et une voix de stentor. De type méditérannéen prononcé, il avait la chevelure noire abondante, les yeux de braise d’un fier hidalgo. Et comme il avait le rire facile et l’accent toulousain, il avait beaucoup de succès auprès des femmes blanches de Korhogo. Ces femmes étant pratiquement toutes en couple, je vous laisse imaginer les situations délicates et les scènes mouvementées dont j’ai été témoin et quelquefois acteur malgré moi !
« Il », c’était Michel, le premier blanc qui m’ait accueilli à Korhogo et sans doute le seul qui ne se soit pas trop moqué de ma mobylette.
En délicatesse avec sa famille, il s’engagea très jeune dans les unités combattantes de l’immédiat après guerre. C’est ainsi qu’au début des années 50 (il avait 17 ans), il se retrouva à combattre les Chinois en Corée. Il racontait avec passion et moult détails les prises et pertes de positions autour du 38ème parallèle, les combats à l’arme blanche contre les « jaunes », car les cartouches manquaient et la première médaille. Puis, ce fut l’Indochine et ses combats terribles contre les « viets »qui arrivaient de nulle part. Ce fut aussi la cuvettede Dien bien phu en 1954 et la honte de la défaite. Ensuite, prisonnier dans un camp de rééducation du vietcong avec des séances de tortures physiques et psychiques.
Vivre tout cela à cet âge l’avait profondément marqué et perturbé durablement, ce qui peut expliquer sans doute qu’il n’avait pas d’état d’âme lorsqu’il s’agissait d’utiliser les mêmes méthodes pour faire parler les fellaghas, lors de la guerre d’Algérie.
Il disait que l’armée avait fait de lui un homme, et lui avait appris les vraies valeurs. Sans entrer dans le détail, les miennes étaient à l’opposée. Alors, qu’est-ce qui à bien pu faire que nous soyons devenus amis et même inséparables ? En ce qui me concerne, j’ai rapidement décelé chez ce sinistre individu de grandes qualités de coeur qui n’étaient pas conformes à ses propos. Nous avions en commun une grande insouciance et le goût de l’aventure et de la déconne.
Considérant à juste titre que j’étais assez nul dans le maniement des armes, il entreprit de m’éduquer dans ce domaine. Il était souvent vêtu d’un treillis sous lequel il portait un révolver, un béretta 9 mm, la meilleure arme de poing disait-il! Après m’avoir initié au fonctionnement de l’engin puis effectué quelques séances de tir sur un baobab, il décida de passer à un autre stade. Pour tester mon sang froid, me dit-il, il se positionna à une dizaine de mètres, enleva sa veste et la tendit à l’horizontal à bout de bras, puis me demanda de tirer 5 balles sur cette cible improvisée!
Pour ne pas lui faire de peine, je me mis en position de tir et fis semblant de m’appliquer. Mais vous pensez bien qu’aucune balle n’est arrivée sur la cible… Mon professeur en conçut beaucoup d’amertume et décida que j’étais irrécupérable, ce qui m’arrangeait bien.
Michel était responsable d’un gros magasin de matériaux et parmi ses employés il y avait un jeune albinos prénommé Mamadou qui, à cause de sa différence, était l’objet de railleries et de sévices de la part de ses collègues. Michel l’avait pris en amitié et le protégeait. Un jour, un grand chef traditionnel de Korhogo mourut. Le lendemain, l’albinos ne se présenta pas au travail. Nous apprîmes que, dans la nuit, il y avait eu une rafle et il était fort probable que le jeune homme fasse partie du lot d’albinos qui allaient être sacrifiés pour les obséques du défunt. Nous avions entendu parler de cette coutume qui parait-il, existe encore de nos jours! Il fallait faire quelque chose pour essayer de sauver Mamadou. Mon ami enfila son treillis, mit un chargeur dans son révolver et me demanda de l’accompagner. Il me promit de ne pas utiliser son arme. Malgré cela, je n’étais pas du tout rassuré, car même si les blancs étaient « comptés » à l’époque, nous n’étions pas à l’abri d’une bavure… Nous nous rendîmes dans le quartier où devaient avoir lieu les festivités.
Nous fûmes rapidement entourés par une foule hostile qui nous signifia que nous n’avions pas le droit d’être là. (Aussi bien Michel que moi nous le savions et respections les coutumes, mais là, c’était un cas de force majeure). Certains hommes en costume d’apparat commençaient à nous menacer… Je n’en menais pas large! Calmement et avec un grand sang froid, mon ami qui était très connu et apprécié demanda à s’entretenir avec l’organisateur des cérémonies qui était un de ses bons clients. Ce dernier arriva rapidement et Michel lui expliqua pourquoi nous étions là. L’homme lui assura qu’il allait faire son possible et nous demanda de quitter les lieux illico… ce que nous fîmes sans précipitation mais assez rapidement quand même! Je venais d’avoir la peur de ma vie! Avec un grand sourire, Michel m’affirma que lorsqu’on a avec soi un béretta dernier modèle, on n’a jamais peur!
Le lendemain, Mamadou était à l’heure au travail.
J’avais un oncle un peu comme ça…
Mais il est « mort d’ennui » une fois que sa vie est devenue trop paisible, vers soixante-dix ans. Il s’est laissé dépérir et son coeur a flanché.
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« il avait beaucoup de succès auprès des femmes blanches de Korhogo. Ces femmes étant pratiquement toutes en couple, je vous laisse imaginer les situations délicates et les scènes mouvementées dont j’ai été témoin et quelquefois acteur malgré moi ! »
S’il a couche avec toutes les femmes mariees de Korhogo, est-ce qu’il n’aurait pas ete l’amant de Madame Yves Thouroude? Il ne serait pas le « parrain de Guillaume », mais le papa secret du sage precaire!
Ah, quelle vie romanesque vous avez.
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mais quel est rapport entre le titre et l’article. on annonce le parraind e guillaume (s’agit-il de l’auteur de ce blog?) et on a les aventures de belmondo. c’est beau, mais c’est confus. comme un film de lelouche.
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Belle histoire d’un sauvetage…
Et la marraine ?
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ah ah ah une astuce de sage précaire pour parler d’autres choses… c’es leloch euh non c’est cheloud cé vrai ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah aha ha ha ha ah ahahahahah aha ha il est trés fort ah ah ah ah ah toc toc badaboum !
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Quelle (h)Histoire ! on dirait un scénario à la Hugo Pratt , un truc de BD des cinquante , soixante, un vrai « pulp fiction ».Bravo !
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Le bonhomme Thouroude a sans doute conserver Mamadou au fils du temps dans ses amitiers et ce parrain qu’il a attribué à notre sage précaire m’est sympa et convient parfaitement pour la légende.,vivement le prochain épisode.
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Sage précaire , je sais bien que cela est hors contexte et que tu vas dire que la Mildred s’emmêle dans ses pinceaux sauf que ce texte me touche dans ma recherche de juste rapport des peuples et je crois que cela t’interpellera possiblement.
» »’Les Chinois et nous:30 novembre 2011 par Joseph Facal .Un lecteur m’a fait parvenir un fascinant article traduit du chinois et paru dans le New York Times du 20 novembre dernier. L’auteur, Yan Xuetong, est un éminent professeur de science politique chinois de l’Université Tsinghua.
Son propos illustre merveilleusement la subtilité de la pensée chinoise et les défis auxquels est confrontée une puissance dont la victoire ultime est loin d’être inévitable.
On n’a jamais connu, écrit Xuetong, de moment dans l’histoire sans une superpuissance dominant le monde. La question est de savoir qui, des États-Unis ou de la Chine, sortira vainqueur d’un affrontement qui sera économique, politique, culturel et militaire.
En bon patriote réaliste, Xuetong ne se raconte pas de contes de fée sur l’harmonie planétaire. Il souhaite froidement la victoire de son pays. Pour dominer l’avenir, il faut cependant connaître le passé et en tirer des leçons, dit-il.
Il y a plus de 2000 ans, explique-t-il, des philosophes chinois, comme Xunzi, Mencius et Confucius, avaient réfléchi à la montée et à la chute des empires. Leur pensée devrait encore, selon lui, guider les leaders chinois actuels.
Il y a trois types de domination politique, soutenaient ces philosophes : la tyrannie, l’hégémonie et ce qu’ils appelaient «l’autorité humaniste». Les deux premières ne parviennent jamais à fonder une domination mondiale durable. Sur le long terme, c’est toujours la dernière qui l’emporte.
La période la plus glorieuse dans l’histoire de la Chine, explique Xuetong, fut le long règne de l’empereur Wu de la dynastie Han, qui dura de l’an 140 jusqu’en l’an 86 avant Jésus-Christ. C’était justement «l’autorité humaniste» qui prédomina pendant cette période.
Par «autorité humaniste», Yan Xuetong veut dire qu’on s’impose sur le long terme seulement si l’on réussit à créer chez soi un modèle de société que le reste du monde aura envie d’imiter.
Évidemment, il faut aussi la puissance économique et militaire pour diffuser le modèle. Rien n’est jamais parfait, mais c’est le meilleur équilibre possible entre ces trois dimensions qui détermine qui émerge comme puissance dominante à long terme.
Si elle veut dominer durablement le monde, dit-il, la Chine devra donc freiner son obsession pour la croissance économique à tout prix et se soucier plus des écarts entre les riches et les pauvres chez elle et de la corruption qui la ronge. Elle devra aussi être moins arrogante dans ses rapports avec les autres pays et former une fonction publique plus instruite et ouverte sur le monde.
Il a peut-être raison. Souvenez-vous : le monde a été horrifié par les images de cet enfant chinois frappé par un camion et qui gisait au milieu de la rue dans l’indifférence des passants. Nous sommes impressionnés par la Chine, mais qui d’entre nous veut aller y vivre ou rêve de voir ce mode de vie s’implanter ici ? » »
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Merci pour tous ces commentaires. je suis d’accord avec Mildred, le choix de ce parrain correspond bien à la légende que je m’invente.
L’idée que cet homme pût être mon père naturel, en revanche, ne tient pas pas. Non seulement il ne fait pas de doute que je suis bien le fils de mon père, mais en plus les dates de coïncideraient pas, comme vous le verrez dans la deuxième et dernière partie de cet épisode du « Parrain de Guillaume ».
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