Plantes sauvages comestibles

La verdure est devenue luxuriante ; elle dissimule la cabane depuis la route, et pour voir qui se gare près du terrain, il faut se déporter à l’autre bout de la terrasse.

Mon frère travaille à la gourgue, le vieux bassin en pierre qui recueille l’eau de la rivière. Tous les ans, il faut le soigner et reboucher les microfissures qui font perdre la précieuse eau estivale. Sa compagne nous rejoint au terrain pour bosser à la combe, sur les terrasses d’oignons et de patates. Elle inspecte avec bienveillance mon jardinet de moinillon et mon jardin suspendu. Elle cueille des plantes sauvages, que d’aucuns perçoivent comme « mauvaise herbe », et qui se mangent en salade (le chénopode), en beignet (la fleur d’acacia, la consoude) ou en bouillie (les orties).

La découverte des plantes comestibles sauvages est un long apprentissage pour l’homme contemporain, et s’avère une laborieuse entreprise pour moi. Le chénopode par exemple : cela fait deux ou trois semaines que mon frère m’en a montré des pousses, dans au moins trois endroits différents, et qu’il me l’a fait goûter, seul ou accompagné d’autres plantes aromatiques sauvages (tel un origan qui pousse au jardin suspendu). Après trois semaines, je ne suis toujours pas certain de distinguer le chénopode de n’importe quelle herbe banale et possiblement toxique. On dira ce qu’on veut, ces plantes sauvages se ressemblent quand même beaucoup entre elles.

Le pire, c’est hier soir. Je me suis aventuré dans une préparation de salade sauvage. Bon, chénopode, pissenlit, chicorée, ok. Une feuille de consoude pour le fun, ok. De la menthe et de la sarriette pour le smile, ok. Mais j’ai voulu mettre de l’ortie. Je suis dit, merde, quoi, je suis capable moi aussi de cuisiner avec des orties! Je vais à la gourgue, j’avise un massif d’orties et j’en cueille quelques têtes. A ma surprise, je n’ai pas été piqué. A ma plus grande surprise, l’odeur de ces orties était magnifique. Sucrée, fruitée et légère. J’envoie un texto à mon frère, qui me répond qu’a priori, l’ortie, ça pique et ça ne sent pas le fruit. Il me demande où j’ai ramassé mon herbe. A la gourgue, je dis. « C’est de la mélisse », il me fait. C’est bon pour les tisanes.

« Mais ça sent la menthe la mélisse ? »

« Non, dit mon frère, ça sent plutôt la citronelle. »

C’est ça! C’est exactement ça. Les orties que j’ai cueillies, elles sentaient trop la citronelle.

Voilà où j’en suis, à confondre des pantes vivace à l’odeur ravissante et les méchantes orties qui m’ont pourtant tellement fait de misères quand j’étais petit garçon.

Ma salade, au final, n’était pas mauvaise, mais il ne faudra pas s’étonner si je meurs foudroyé un de ces quatre, intoxiqué par une plante que je croyais être de la laitue et qui s’avèrera un terrible poison contre les sangliers.

Mon frère et sa compagne, de leur côté, développent un savoir et une compétence qui pourraient les amener à vivre entièrement de plantes sauvages. Quand je quitte le terrain, ils ont des touffes d’herbes à la main, et ils mastiquent religieusement la verdure qu’ils viennent de découvrir dans la combe.

L’un comme l’autre sont de formidables paysans, aux compétences et aux personnalités très complémentaires, aux intuitions fermes et à l’endurance sans faille. Avec le savoir qu’ils accumulent silencieusement depuis des dizaines d’années, ils pourraient survivre sans problème dans la nature, pendant des années.

Si, en temps de guerre ou de famine, vous apercevez un jour un couple d’hominidés, élégants et bronzés, en train de fourrailler dans les bosquets, ce sera peut-être mon frère et sa compagne qui se nourrissent de plantes sauvages, indifférents aux turpitudes de notre monde.

2 commentaires sur “Plantes sauvages comestibles

  1. Les huiles essentielles bio –
    C’est mieux que le gîte auquel tu penses pour ton frangin et sa femme –

    ‘Into the Wild’ Tape en streaming –

    Les orties ? vertus hémostatique rien à faire dans 1 salade composée-

    J’aime

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