Vendons la Joconde pour résoudre la crise du logement

On se demande parfois pourquoi ce sont des artistes comme Francis Bacon ou Andy Warhol qui vendent le plus, sur le marché ultra spéculatif de l’art. Surtout, on peut se demander pourquoi ils valent beaucoup plus que les grands classiques des siècles passés.

J’entends déjà soupirer des nostalgiques incrédules : comment en sommes-nous arrivés là ?

En réalité, si le marché se concentre sur ces artistes modernes et contemporains, c’est parce qu’il n’y a plus d’offres pour les grands classiques. Si demain apparaissait un Caravage ou un Poussin, les prix exploseraient en salles de vente et atteindraient de nouveaux sommets.

A ce jour, l’œuvre la plus chère du monde a été vendue chez Christie’s en mai 2013 : Three Studies of Lucian Freud, triptyque de 1969 de Francis Bacon, adjugée à 127 millions de dollars. Le précédent record était détenu par Le Cri d’Edvard Munch, vendu un an plus tôt à plus de 100 millions. Il est donc à parier que très bientôt un nouveau record approchant les 200 millions va détrôner le triptyque de Bacon, puis qu’on franchira aisément la barre des 500 millions, et même du milliard. Il en va du marché de l’art comme de toutes les bulles spéculatives. Elle gonfle artificiellement, jusqu’à son explosion qui provoque une crise économique mondiale.

Alors, dans ce contexte, la sagesse précaire propose une idée lumineuse : pourquoi ne pas profiter de cette bulle pour financer des projets ambitieux et tangibles ? Des projets durables, pour régler des problèmes fondamentaux de notre pays ? Le logement, par exemple. Les Français n’en peuvent plus de payer des loyers aussi chers, ils ne peuvent plus se loger, ils dorment dans des bagnoles, des taudis, des forêts. Le nombre de SDF explose. J’ai essayé un jour de me faire aider par les services d’urgence sociale, le 115 n’était même plus accessible. Notre paupérisation actuelle passe par des logements indignes.

Il faudrait construire des millions de logements à bas coût. Et, si possible, dans des forêts de belles tours. Pour cela, il faudrait avoir quelques milliards d’euros à dépenser, sans augmenter les impôts. Or, si demain le Louvre mettait en vente La Joconde de Léonard de Vinci, ce n’est pas 200 millions que l’Etat obtiendrait, mais des milliards de dollars.

Si le sage précaire dirigeait ce pays, il proposerait un referendum sur la question. Seriez-vous d’accord pour vendre le tableau le plus célèbre du monde, sachant que le nouvel acquéreur s’engagerait à laisser le chef d’œuvre accessible au public, en échange du plus grand programme de logements sociaux de tous les temps ?

Si l’on pouvait construire des millions de logements, le prix de l’immobilier baisserait, la pression due au coût des loyers se relâcherait, le pouvoir d’achat des Français s’améliorerait et la croissance repartirait. Sans parler des emplois que produirait soudain cette embellie dans le secteur du bâtiment.

Evidemment, je n’aime pas l’idée qu’on déshabille Paul pour habiller Pierre, et je comprends l’argument selon lequel la Joconde attire des millions de visiteurs au Louvre, d’où les devises, etc. Il est bien évident que, pour mon projet philanthropique, il serait plus efficace de faire la peau d’un seul milliardaire, de lui prendre sa fortune, et de la redistribuer de manière intelligente. A titre personnel, je préfèrerais ce type de solution, plus radicale et plus juste. Chaque année, on pourrait prendre un nouveau milliardaire et relancer la machine économique en irrigant le marché de ces nouvelles liquidités. Les milliardaires, d’ailleurs, ne devraient servir qu’à cela, devenir des réserves d’argent que la communauté peut récupérer quand bon lui semble.

Mais les Français ne seraient jamais d’accord, car ils sont trop sentimentaux.

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