Bon élève ou bon écrivain ?

J’ai envie de dire que les bons élèves ne deviennent pas de bons écrivains. Que les bons écrivains n’étaient pas parfaitement adaptés à l’école.

En même temps, j’ai un peu honte de cette théorie car moi-même je n’étais pas tout à fait adapté au système scolaire. On pourrait penser que je forge cette théorie pour me laisser une chance de devenir un bon écrivain. On n’aurait pas tort de le penser, mais je crois qu’on peut aussi laisser une chance à cette théorie portative.

Voyons un peu : Sartre raconte sa scolarité désastreuse dans Les Mots, et on sait qu’il a raté l’agrégation. Il l’a repassée la même année que Simone de Beauvoir qui, elle, était une bonne élève (je suis mesquin) : elle a été reçue première, devant Sartre.

Proust, pas brillant, excellent par moments, quand il voulait bien se secouer un peu. Prix d’excellence en lettres une fois, ça peut arriver aux élèves bizarres aussi. Mais dans l’ensemble, il était inégal, à la fois souffreteux et dilettante. On lit dans la biographie de Jean-Yves Tadié que quand Proust était jeune, ses amis disaient de lui qu’il est trop superficiel, qu’il n’arriverait à rien. C’est à 42 ans qu’il publie le premier volume d’ À la Recherche du temps perdu.

Samuel Beckett fait de brillantes études, mais ce sont des études de langue étrangère. D’ailleurs, sur le plan des langues, il est une sorte de génie. C’est moins un bon élève qu’un monstre qui apprend l’allemand tout seul, en quelques semaines. Puis la vie universitaire l’ennuie tellement qu’il publie dans une revue prestigieuse un article bidon où il invente des auteurs et des mouvements littéraires.

En revanche des mauvais écrivains au parcours scolaire brillant abondent. Je pense à Marc Lambron dont l’autobiographie est donnée dans le livre du sociologue Bernard Lahire, La Condition littéraire (2006). Cet essai montre combien les écrivains ont tous une double vie, un travail en plus de leur profession d’auteurs. Une grande annexe raconte les vies d’écrivains à travers leurs entretiens avec le sociologue, c’est passionnant.

Dans ce bouquet de portraits, Marc Lambron se démarque car il admet avoir été extrêmement doué à l’école, et même être passionné par l’art de la dissertation. Il confesse avoir su intimement ce qui plaisait aux professeurs, et cela lui a permis de réussir de nombreux concours, jusqu’à celui de l’ENA. Résultats, il écrit des livres fades et sans vie. Ses chroniques hebdomadaires sont sans talent, sans inspiration et sans idée.

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