C’est l’anniversaire de ma mère. Elle est née en août 1942, en pleine France occupée et déprimée. L’été 42 était très chaud et très pauvre, les Français n’avaient pas encore l’espoir de voir les Allemands perdre la guerre mondiale qui faisait rage dans le Pacifique. Au contraire, c’est en juin de cette année que Pierre Laval, le premier ministre du gouvernement de Pétain, déclara dans un discours devenu célèbre : « je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle le bolchevisme s’installerait partout ». Ma grand-mère était enceinte jusqu’aux dents et, probablement, pensait que sa fille à venir grandirait dans une nation dominée par le fascisme et le racisme le plus assumé.
Le pire est que ce racisme n’était même pas le fait des seuls imbéciles nationaux ; il nous était imposé par la puissance occupante qui, par dessus le marché, affamait les Français en confisquant les récoltes pour nourrir les Allemands. Tout le monde souffrait de cette tyrannie et pourtant les Français ont eu l’envie de se reproduire. Cela fait penser à une pensée de Chamfort (1740-1794) :
Comment se fait-il que sous le despotisme le plus affreux, on puisse se résoudre à se reproduire ? C’est que la Nature a ses lois plus douces, mais plus impérieuses que celle des tyrans ; c’est que l’enfant sourit à sa mère sous Domitien comme sous Titus.
Chamfort, Maximes et Pensées, DVI.
En 1942, ma mère bébé sourit à Hélène Margueritte, bien que gouvernée par Hitler et Pétain. Cet été-là, on voyait s’intensifier la terreur nazie sur le territoire du Troisième Reich, par des persécutions et des déportations de nos frères juifs. Ma mère est née quelques semaines après la « rafle du Vél’ d’Hiv » de sinistre mémoire, et quelques semaines avant les « grandes rafles » des 26 et 30 août opérées dans des villes de la « zone libre ». Et pourtant c’est dans cette obscure infamie que le Baby Boom a commencé en France. C’est à partir de 1942 que la natalité de la nation est repartie à la hausse.
Pour fêter les 80 ans de ma mère, nous choisissons de nous réunir autour d’elle, non dans sa Normandie natale, mais dans une terre connue pour son rôle joué dans la résistance à l’occupation nazie : les Cévennes. Nous célébrons l’anniversaire de la femme qui nous a donné la vie autour de la ville du Vigan, où le chef Marceau tomba le jour de l’assaut que ses hommes lancèrent pour la libérer. Nous mangeons à quelques pas des lieux de mémoire du maquis Aigoual-Cévennes.
Bonne anniversaire à toutes les mères précaires.
Plaques, volets, anniversaire.. tout m’intéresse et de loin, je participe à votre nouvelle vie, à votre bonheur.
Affectueusement
François
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Merci François. Dommage que tu sois si loin. Une grosse bise à toute la famille.
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Les Cévennes, une terre de mémoire.
J’en ai de bons souvenirs, y compris un dortoir près de l’Aigoual.
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