L’éducation nationale m’a confié 120 copies de bacheliers à corriger et noter, en vue de l’obtention de leur baccalauréat. Je m’acquitte de cette tâche avec plaisir et je l’aborde avec un sentiment de solennité car c’est quand même le diplôme de référence. Ce n’est pas rien. Les gens se souviennent de leur bac, ça a de l’importance pour eux.
J’essaie donc d’être juste dans ma notation. J’essaie aussi d’être généreux, et de « valoriser », comme on dit aujourd’hui, tout ce qui peut être valorisé.
Ce que je remarque en lisant les copies de la jeunesse française, c’est qu’elle n’est pas si nulle qu’on le dit. Non, je le répète, le niveau de l’école ne s’est pas effondré. Je me suis occupé d’une centaine d’élèves cévenols cette année, que j’ai formés jusqu’au bac, et à présent je lis une deuxième centaine d’élèves venus d’ailleurs. Le bilan est très positif. Ces gamins savent écrire et leurs difficultés à développer une réflexion argumentée est la même que celles des gamins de 1990.
Ceux qui se plaignent ont oublié quel était leur niveau intellectuel à 17 ans. Ils ont aussi oublié le niveau de concentration qui régnait dans leur classe quand ils étaient lycéens. À mon époque, peu de mes camarades s’intéressaient aux arts et aux sciences. Peu écoutaient les nouvelles, très peu comprenaient la différence entre la droite et la gauche. Aucun ne lisait de la philosophie. Dans mon lycée, je fus le seul élève à vouloir continuer d’étudier la philosophie.
Je viens de lire une copie assez médiocre, et j’ai reconnu le sage précaire derrière ce torchon, comme en un miroir. Le jeune homme est clairement passionné de philo et de lettres, il a de la culture et de l’intelligence, mais il est brouillon et désinvolte, il est probablement gaucher et réfractaire à la discipline scolaire. Il n’est pas brillant mais on sent qu’il aime lire et discuter avec des amis. Il fume sans doute des clopes roulées, et se fout royalement d’être un bon élève. Il n’a aucune idée de ce qu’est une problématique et il s’en branle majestueusement. Je lui ai mis 10/20 car il y avait quand même des choses à « valoriser ».
« Il fume sans doute des clope roulées, »
Une petite faute d’accord au pluriel. Ceci dit le SP les aime bien « roulées » et les envisage donc dans leur féminitude? Or, le clope oscille encore entre le masculin et le féminin, ayant d’abord désigné le mégot, puis la cigarette. Peut-être là de quoi développer un texte sur le caractère fumeux de la philosophie et de ses relations avec les fumistes et autres ramoneurs…
https://fr.wiktionary.org/wiki/clope
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Les gens nés dans les années 1950 disent un clope. Ceux qui sont nés dans les années 1970 disent une clope. Entre les deux, les enfants de la décennie 1960 oscillent entre erreur et indécision.
Les millenials eux, ne disent pas clope du tout.
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… mais tout ça compte pour des clopinettes.
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Je salue ton désir de bienveillance envers les élèves. Il vaut mieux encourager que l’inverse. Quant à ta contestation de la baisse de niveau, loin de chercher à te piéger, il il a par exemple les classement PISA peu flatteurs pour le France. Qu’en penses-tu ? Peut-être que la philosophie, qui est une matière souvent secondaire pour un certain nombre de Lycéens, n’a pas été affectée par cette évolution. Je peux te dire que mon quotidien au travail, montre qu’il y a vraiment de grandes lacunes en français.
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Moi-même je ne suis pas exempt. Faute de relecture de mon post, tout n’est pas bien français!
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J’aimerais que mes élèves me voient comme bienveillant.
Je confirme que le niveau moyen n’est pas mauvais du tout. Sur les forums de profs de philo, je note que quelques collègues sont assez impressionnés aussi. Pour aller vite, je dirais qu’à la louche,
5 % de nos élèves sont excellents et sur la voie de l’excellence. Ils auraient eu de très bonnes notes il y a 50, 40, 30 ou 20 ans.
Les 10 ou 20 % qui suivent sont très bons et peuvent atteindre l’excellence s’ils le veulent, s’ils bossent et s’ils sont bien entourés (s’ils ont de bons profs par exemple).
Les 20 ou 30 % qui suivent peuvent être intéressants et ont du potentiel. Ils sont intelligents, mais il leur manque de la méthode, de la rigueur. Avec l’âge, ils pourront se bonifier ou au contraire s’enfoncer. Cela dépendra de beaucoup de choses contingentes.
Cela signifie qu’une bonne moitié de l’effectif s’en sort bien.
Les autres ne sont pas à blâmer. Il y en a beaucoup qui écrivent mal c’est vrai, et beaucoup qui ne travaillent pas, et encore d’autres qui ne s’intéressent pas à nous, mais il n’y a pas à s’en faire, on n’a pas besoin que la totalité d’une classe d’âge soit scolairement performante.
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