De la tricherie au bac et des vidéos philo

Je viens de corriger une copie du baccalauréat qui a plagié purement et simplement cette vidéo bien connue des bacheliers. Ce jeune prof en t-shirt a un succès fou et il le mérite. C’est un professeur de philosophie qui se filme sur YouTube et cela n’est pas à critiquer. Il fait du bon boulot, ses conseils et ses explications sont valables, il n’y a rien à dire.

Les trois minutes qu’il consacre à la notion de « Bonheur » sont bonnes. Mes élèves pourront témoigner d’ailleurs qu’en l’écoutant ils révisent d’une manière ou d’une autre des choses déjà étudiées dans mon cours. Mon cours était meilleur car le sage précaire est plus élégant, mais ce Youtubeur est plus jeune, plus sexy, plus concis.

Le problème est de lire exactement ce que dit ce jeune homme sur des pages entières dans une copie de bachelier. D’abord cela fait de mauvaises copies car on ne demande pas aux candidats un exposé sur le bonheur. On leur demande une réflexion originale qui réponde à une question précise.

Ensuite, le vrai problème est la tricherie et le plagiat. Je ne crois pas un instant que les élèves aient appris par coeur toute la vidéo de ce Serial Thinker. Ils ont dû avoir accès au son de cette vidéo, et à d’autres vidéos, par des systèmes d’oreillettes, et ils se sont contentés de recopier comme des sagouins.

De mon côté, je ne vais pas encore une fois me mêler d’un scandale de plagiat. Je le dénonce ici, tranquillement, sur mon blog, mais j’ai assez payé à l’université de Nizwa pour ne pas me transformer en lanceur d’alerte. Dans cette université du sultanat d’Oman où je coulais des jours paisibles, mon épouse avait participé à une équipe de lanceurs d’alerte pour dénoncer le plagiat d’une thèse de doctorat qu’avait commis une cheffe de département. Cela lui a valu un acharnement sans nom de la part de l’administration, et nous avons tous deux perdu notre emploi tandis que la plagiaire, elle, est restée en place.

Nous avons bien appris notre leçon : nous ne dirons plus rien et laisserons les plagiaires commettre leurs forfaits en toute quiétude.

14 commentaires sur “De la tricherie au bac et des vidéos philo

  1. Article lu juste après avoir visionné une page de pub pour la dernière intelligence artificielle de Google (ou pourquoi ils sont gratuits et plus performants que chatGPT). L’avenir va être rock’n’roll…

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    1. Le récit de mon départ de Nizwa est très vite fait et complet en deux mots : l’université de Nizwa a forcé ma femme à démissionner et c’est elle qui a souffert du harcèlement. Pour moi, elle a attendu que mon contrat se termine et n’a tout simplement pas renouvelé mon contrat.

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  2. Ils peuvent tricher sans le son. Les sous-titres s’affichent sur youtube ou tiktok. En vérité ils peuvent recopier ce qui écrit avec un téléphone pendant l’épreuve sans même qu’on s’en rende compte, quand bien même on les regarderait.

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    1. C’est extraordinaire ce qui se passe cette année. Ce matin encore, je viens de corriger une copie d’un élève qui récite la totalité de la vidéo de ce collègue. Il est impossible que ces récitation viennent d’un apprentissage par coeur puisque les élèves ne savaient pas quelle partie du programme il fallait réviser. Ils n’ont pas pu, par centaines, apprendre par coeur cette vidéo là et pas une autre. Combien de temps va-t-il falloir aux autorités pour s’en rendre compte ?

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      1. Je n’ai pas de réponse à cela.

        J’ai vu d’éminents chercheurs du CNRS piochant allègrement dans des travaux inédits (ou même publiés…) de leurs subordonnés, et ce droit de cuissage éditorial était l’objet de l’indulgence, ou de l’indifférence générale.

        Une fois, un dénommé (XXX) m’a emprunté tout un petit texte, et j’ai donc mentionné ce document dans ma liste de publications, assorti de la mention «sous le pseudonyme XXX». Aucune réaction des autorités.

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  3. « Nous avons bien appris notre leçon : nous ne dirons plus rien et laisserons les plagiaires commettre leurs forfaits en toute quiétude ». Il y a eu quand même une grande injustice à votre encontre. J’ai été confronté plus d’une fois à ce genre de situation avec un malhonnête qui sort la tête haute, alors que celui qui cherche à être « droit » est rarement récompensé, parfois sanctionné (injustement évidemment) . Cela en dit long sur les « valeurs » de nos sociétés. Il y a de quoi être indignés. J’aurais peut-être dû faire un chapitre sur ce sujet dans mon fascicule. Il y aurait tant à dire.

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    1. Oui c’est l’éternelle histoire des lanceurs d’alerte. Ceux qui disent la vérité sont invariablement vus comme des fauteurs de trouble, et même s’il arrive que les coupables finissent par payer, longtemps après les faits, les lanceurs d’alerte ont été broyés. La dernière occurrence que j’ai lue de ce schéma narratif, c’est à propos des agressions sexuelles au sein de l’éducation nationale. Médiapart a sorti un très bon reportage sur les filles qui se sont fait violer par un professeur, et sur la difficulté pour faire reconnaître les faits. Quand un collègue écoute la parole des élèves et cherchent à les protéger en signalant, en lançant l’alerte, il est vu comme un fouille merde qui cherche à faire du mal à un collègue, et il se trouve puni. https://www.mediapart.fr/journal/france/010623/violences-sexuelles-dans-l-education-nationale-silence-et-mutations
      C’est toujours pareil, quoi qu’on dise, si on dénonce une injustice ou un délit, on est taxé d’employé ingrat, de hargneux, de mauvais camarade, et on préfère se débarrasser de vous.

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    1. Merci Gavroche. Je lirai cela à tête reposée. Je précise juste que moi, je ne suis ni en colère ni condescendant vis-à-vis de ce prof de philo. Je pense qu’il fait du bon travail. Ce sont les élèves qui ne devraient pas recracher bêtement un document. Aux correcteurs de montrer qu’ils ne se laissent pas si facilement abuser.

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