Faut-il laisser les enfants voir les images pour adultes ?

Quand je travaillais dans les Biennales d’Art Contemporain de Lyon, des œuvres montraient des organes sexuels et des actes salaces. L’art choquait les bourgeois, c’était entendu. Les élus du Front National déposaient des plaintes contre le Musée.

Nous étions en 1997, puis en 2000.

Aujourd’hui les choses se sont renversées. L’extrême-droite impose des organes sexuels bien en vue dans des classes d’enfants et d’adolescents pour souligner son appartenance à la laïcité. Il s’agit en fait d’embêter les musulmans. La pudeur n’est plus de mise car elle est une vertu très prisée de nos concitoyens d’origine africaine. Aujourd’hui la fermeté, l’autorité, c’est d’obliger tout un chacun à regarder des œuvres réservées aux adultes. Et encore, pas tous les adultes. Autrefois, les artistes créaient des images osées pour des commanditaires. Ils peignaient, sculptaient des femmes et des hommes nus parce que des hommes riches le leur demandaient.

Au Musée de Lyon, nous savions où emmener nos groupes d’enfants et d’adolescents. De 1997 à 2000, nous ne montrions pas de choses qui nous paraissaient inappropriées.

Un jour, des enfants ont regardé par mégarde des vidéos inappropriées. Quel raffut. Chacun blâmait l’autre. Une polémique m’opposa à celui qui avait conçu l’exposition car il avait avoué qu’il n’était pas au courant de tout ce qui se trouvait dans les vidéos. Il se défendait qu’on ne pouvait pas passer des heures à tout regarder, et il m’insulta quand je me permis d’exprimer mon étonnement. Moi, simple animateur-conférencier, j’avais passé des heures à tout regarder pour préparer mes visites. Je devais être prêt à accueillir des enfants, des adolescents, mais aussi des étudiants et professeurs en art qui s’y connaissaient plus que moi et qui posaient des questions pointues sur lesdites vidéos.

La médiation culturelle a toujours dû se confronter à ces moments de gêne dans les musées et les expositions, où des corps nus provoquent le rire et les embarras des classes d’adolescents. En règle générale, la solution adoptée par le médiateur est de ne pas trop s’attarder et de les éviter si possible. Et c’est ce que la sagesse précaire préconise aux professeurs pour qu’ils ne se trouvent embourbés dans des tensions inutiles.

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