Tabuk et l’éloquence du grimpeur : sur les parois de Wadi Disah

Les Bédouins parlent peut-être avec parcimonie, mais c’est un cliché : j’ai un peu la sensation que les Bédouins aiment beaucoup parler et que pour les nomades, il faut faire un usage savant du silence et du bavardage. Mieux que les sédentaires, les nomades utilisent les silences et les paroles comme des armes et comme des procédés performatifs.

Mon vieil ami Abou Mahdi s’avère un grand bavard quand le débit de paroles lui est utile. Quand il grimpe sur les parois comme un cabri, il me parle beaucoup parce qu’il sait que sa logorrhée a pour effet de me faire oublier le vertige. Il me guide et m’encourage en me parlant beaucoup car il sent que je commence à manquer de force et de courage. Je me vois glisser et tomber dans l’ombre. Mes jambes commencent à trembler. Abou Mahdi rit de me voir si couard et urbanisé, et il me parle d’autres choses pour me faire oublier le danger. 

Mais pourquoi donc grimpons-nous sur ces falaises du Wadi Disah ?

On ne peut pas simplement lézarder et picniquer sur un rocher, comme les autres groupes d’amis que nous avons croisés tout le long du chemin ?

Cavité dorée sur la falaise des gorges du Wadi Disah

Non, Abu Mahdi a un plan et une mission, mais je le découvre après coup : il veut me montrer les trésors rupestres qui jonchent la paroi. Je vois des gravures de loin et je confesse que cela me rassérène. Je me dis tant pis pour les crampes et les risques de chute ; si un vieillard pieds nus en robe et à la barbe blanche est capable d’escalader aussi facilement, le sage précaire pourra le faire au prix d’égratignures. Et même au prix de la vie, s’il le faut, car je ne vais pas faire machine arrière au moment où je m’apprête à voir des œuvres gravées il y a des millénaires et qui n’ont jamais été étudiées.

Comment comprendre ces étranges figures ? Sont-ce des bateaux à roulettes ? des voitures préhistoriques ? des animaux stylisés ? des dieux ? des djinns ?  

2 commentaires sur “Tabuk et l’éloquence du grimpeur : sur les parois de Wadi Disah

  1. Que tu me sembles loin… Sage Précaire !

    Quels étranges paysages…

    Un seul mot a arrêté ma lecture : « les trésors rupestres qui jonchent la paroi. » Il me semble que ce mot ne convient pas. Il faudrait peut-être plutôt utiliser le verbe « orner », ou « couvrir », ou décorer ».

    Passionnant en tout cas !

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    1. Merci infiniment chère Cécilia.
      Tu as raison pour joncher. J’ai envie de me justifier en disant qu’employer joncher pour autre chose que le sol (ici une paroi) est une extension métaphorique du sens premier : cela donne une image plus forte et dynamique, comme si la paroi était « tapissée » de ces trésors. Mais je ne suis même pas sûr de me convaincre moi-même.

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