Vendredi noir à Garmisch, où je suis devenu fiévreux

Garmisch, novembre 2025

Quand on vit à Munich, on vit dans une région qui s’appelle la Bavière. Et qui dit Bavière dit Alpes bavaroises. Et qui dit Alpes dit neiges, froid, frimas et glaçons.

Nous sommes allés dans les Alpes bavaroises pour un weekend en amoureux, et devinez ce qu’on y a vu ?

Un chemin qui s’appelle Philosophenweg.

Le chemin des philosophes.

On ne pouvait pas ne pas l’emprunter consciencieusement.

Chacun de nos pas était compté.

Au préalable, nous fîmes quelques emplettes dans une boutique munichoise spécialisée dans des articles de montagne. C’était le « Black Friday », ne me demandez pas ce que c’est, grâce à quoi nos chaussures de marche coûtèrent bien moins cher que ce qu’elles coûtent à tous les blaireaux qui font leurs emplettes en dehors du Black Friday.

Friday signifie vendredi en anglais. Black se traduit par noir. Il s’agissait donc d’un « vendredi noir ». Je suppose que le but de cette opération anglophone était de commémorer un jour sombre de type attentat, crack boursier ou catastrophe naturelle. D’où la réduction des prix pour des articles de montagne de type souliers de randonnée. Nul doute que la Bavière cherchait ainsi à inciter les Munichois à s’équiper plus sérieusement en prévision de leurs week-ends à la montagne : munissez-vous d’un équipement sportif digne de ce nom pour éviter les catastrophes climatiques et les avalanches dont on célèbre la mémoire en ce vendredi noir.

D’ailleurs j’y songe, ce jour où nous fîmes ces emplettes était un vendredi. Pas plus sombre que d’habitude, mais un vendredi. C’est peut-être pour ça que la vendeuse nous parlait de Black Friday ! Les pièces du Puzzle commencent à se mettre en place.

La nuit, dans l’hôtel de Garmisch, nous avons oublié de fermer la porte-fenêtre de notre chambre. Nous avions tiré les rideaux sans y prêter attention.

La nuit noire du Black Friday s’est avérée perfide. Je suis tombé malade d’une fièvre pure qui m’a cloué au lit pendant deux jours.

Fête national d’Arabie saoudite, d’Allemagne et de France

Le 23 septembre, c’est la fête nationale en Arabie Saoudite et cela commémore une décision du 23 septembre 1932, jour où le roi Abdulaziz, qui était le leader de deux royaumes, a décidé de les réunir en un seul royaume auquel il allait mettre son nom, l’Arabie Saoudite.

Moi ça n’est pas le jour que je choisirais pour la fête nationale de ce pays que je commence à connaître. Ce n’est pas un jour assez légendaire, assez mythique pour réunir toute la nation dans une communion qui ferait sens. Quand on cherche une date pour instaurer une fête nationale, il faut trouver une action fédératrice.

J’ai déjà écrit la même chose en ce qui concerne l’Allemagne, qui fête aujourd’hui 3 octobre son jour férié national. J’ai fait des propositions en 2023 mais pour l’instant je n’ai pas été écouté.

Les Français, eux, sont un peu leaders en la matière puisqu’ils ont choisi la prise de la Bastille comme fête nationale. L’évènement de juillet 1789 est quand même une belle action et un beau symbole, qui veut dire beaucoup de choses. C’est collectif. C’est une action populaire contre la prison. C’est l’ouverture d’une prison, donc ça va contre toutes les idéologies réactionnaires, identaires ou étroitement sécuritaires. La prise de la Bastille, c’est quelque chose qui correspond à l’image que l’on se fait de la France comme nation républicaine, une nation qui croit davantage en la liberté qu’en la sécurité.

Alors puisqu’on me le demande, je vais prendre un peu de mon temps libre, en ce jour férié, pour entreprendre une petite recherche ayant pour but de proposer des fêtes nationales saoudiennes plus pertinentes.

Vous serez tenus informés des avancées de ma mission.

À bas le voile, « bien sûr », et vive la peinture

Toujours à Berlin, j’ai vu entrer le ministre de l’intérieur dans une salle du musée, qui affirmait avec force qu’une femme européenne ne pouvait pas se mettre un voile sur les cheveux.

Il était en grande conférence avec un journaliste payé par un milliardaire. Les deux hommes tombaient d’accord sur l’ignominie que représentait le fait de se voiler la tête.

Il y avait d’autres hommes avec eux mais je ne les reconnaissais pas. Certains disaient que se voiler la tête était un habitude venue d’Orient et même « d’une certaine religion », mais je ne sais pas à laquelle ils faisaient référence.

Toujours dans le musée de la peinture classique à Berlin, la Gemäldegalerie, je voyais mon ministre s’agiter avec gourmandise car son auditoire l’encourageait. « La tradition, en France et en Europe, c’est d’aller se baigner dans la mer en maillot de bain. »

La peinture, disait-il, devait refléter la laïcité, et les valeurs de l’Europe chrétienne. Cela me paraissait contradictoire comme parole, mais je préférais ne rien dire, pour éviter qu’on m’accuse de soutenir les Mollah d’Iran.

Je ne sais pas pourquoi tous ces touristes français, personnels politique et journalistique confondus, étaient à ce point obsédés par le voile sur les cheveux des femmes.

La peinture et l’art, disait le ministre, c’est le lieu de l’émancipation des femmes, pas de sa soumission à Dieu.

Porter un voile, reprenait le journaliste vedette, empêche de s’instruire et nous gêne dans notre identité, car c’était une manière pour les étrangers de nous envahir et de coloniser nos cerveaux.

Les étrangers imposent leur culture en forçant les femmes à mettre ce « tchador » sur la tête et le voile à lui seul est le signe que nous sommes en train de nous faire remplacer.

Rythme d’accrochage

Vermeer et ses contemporains

Ils ont accroché intelligemment ce tableau de Vermeer, La dame au collier de perle. Regardez les quatre tableaux accrochés sur la même cimaise : trois tailles différentes mais qui répondent à un rythme binaire et croisé. Simple et efficace. Le Vermeer n’est pas eu centre d’un module impair, ce qui aurait trop souligné son importance et sa supériorité manifeste.

Regardons à nouveau les quatre tableaux : même espace, fenêtre sur la gauche d’où vient la lumière. Un personnage féminin tournée de trois quarts vers la fenêtre. Une œuvre de Vermeer, et trois œuvres de peintres dont j’ai oublié le nom. Le quatrième présente la chambre seule, la femme est partie. On comprend qu’elle était là et on devine où elle est allée grâce aux trois tableaux qui la précèdent : ces femmes renvoient aux vanités, c’est-à-dire aux courtisanes qui ôtent leurs bijoux. Le message est toujours ambivalent dans l’histoire de l’art : une femme se défait de ses parures pour rejoindre un amant ou pour se consacrer à Dieu et tourner le dos au luxe.

Je n’avais jamais vu les tableaux des grands Hollandais sous cet angle, mais je suis instantanément convaincu.

Voir un tableau de Vermeer pour de vrai, c’est toujours un événement dans une journée. Je ne m’y attendais pas et cela m’est tombé dessus comme une nouvelle incroyable qu’on m’aurait annoncée.

Visiter un musée est analogue à l’exploration d’une ville ou d’un territoire. Cela consiste à mettre au point des techniques d’approche où les focales varient : parfois on ne fait que passer, parfois on fait une pause et on se concentre sur un détail, puis on décale le regard pour noter une perspective, ou encore un jeu d’encadrements enchevêtrés.

Tout seul avec des chefs d’œuvre de la peinture: Gemäldegalerie

La salle des Rembrandt

Berlin abrite des musées de folie, où le sage précaire évolue comme un minuscule poisson dans un gigantesque aquarium. Et les coraux de cet aquarium sont des peintures d’une qualité exceptionnelle.

Une salle entière est consacrée à Rembrandt, dont les peintures sont elles aussi perdues dans un vide gigantesque.

J’ai profité des Rembrandt avec le sentiment de gratitude et même de privilège que m’offrent depuis toujours les lieux de culture

Un mari sermonne sa femme

Je me suis rendu dans ce musée sans idée préconçue. Je ne vais pas faire le malin et prétendre que je savais ce que la galerie de peinture exposait. Le nom de ce musée est top allemand pour même s’en souvenir : Gemäldegalerie. Ça ne fait pas sérieux.

À Munich, au moins, le nom fait plus grec, plus archaïque, plus méditerranéen : Alte Pinakothek.

Moïse et les tables de la Loi

Ici, à Berlin, je pensais qu’un lieu appelé Gemäldegalerie ne pourrait être qu’un musée sympathique et secondaire. Je prévoyais une promenade de moins d’une heure, car je suis un amateur éclairé et superficiel.

Je suis resté quatre heures.

Simon très fâché contre son beau-père qui a déjà marié sa fille à un autre homme

Dès la première salle d’exposition, j’ai compris que je m’étais trompé. Je suis entré, j’ai vu des tableaux incroyables venus du XIIIe siècle le plus puissants qui soient. Je me suis dit à la première minute, dans un souffle du cœur :

Ah ok, c’est du lourd.

Deux autoportraits de Rembrandt encadrent le couple qui parlent de la Bible

Et ils en ont envoyé, du lourd, les Berlinois, prenant quatre heures de ma vie alors que je n’avais pas mangé et que je prévoyais d’autres activités qui s’annulaient d’elles-mêmes.

Passer du temps en tête à tête avec des tableaux de Rembrandt, c’est une expérience unique. Cela pourrait valoir un musée à soi seul, c’est une plongée dans une méditation sombre sur la religion, la croyance et l’acte de contempler.

Voyage à Berlin : une journée entre la gare et l’hôtel

Photographes maliens

Exposition « Merci Maman », Munich, juin 2025

Je suis particulièrement ému de voir cette exposition, car tous les artistes présentés sont maliens, membres d’un collectif d’artistes qui s’appelle Yamaro. Cela me touche profondément, parce que le Mali connaît, depuis les années 1980-1990, une véritable renaissance culturelle, notamment à travers une génération de photographes talentueux qui ont su faire entendre leur voix et faire reconnaître leur regard.

Ce qui m’émeut aussi, c’est la comparaison avec d’autres contextes. Je pense notamment au Moyen-Orient, et en particulier à l’Arabie Saoudite, où l’art populaire a souvent été documenté pour la première fois par des photographes occidentaux. Cela m’a frappé lorsque je me suis intéressé à la peinture murale Qat al-Aseeri, dans les montagnes du sud de l’Arabie. En cherchant à savoir qui avait été le premier à la photographier et à la faire connaître, j’ai découvert qu’il s’agissait de Thierry Mauger. Je n’en revenais pas. Pourquoi n’existait-il pas de documentation locale, de photographes saoudiens ayant capté cela plus tôt ?

On m’a alors répondu, simplement : c’est une question de moyens. Dans les années 1960-1970, l’Arabie Saoudite était encore un pays en développement ; les gens n’avaient pas forcément les ressources pour acquérir cette technologie et produire ce type de documentation.

Et c’est précisément pour cela que ce que je vois aujourd’hui au Mali me semble si important. Depuis quarante ans, malgré les défis économiques, un écosystème photographique local s’est structuré, affirmé, et parvient aujourd’hui à proposer une vision puissante, cohérente, profondément enracinée. Cette capacité à produire une photographie de qualité mérite d’être soulignée et célébrée.

Merci maman : une échappée à Bamako depuis Munich

En direct depuis le Musée des Cinq Continents, à Munich.

Depuis mai dernier, le musée accueille une exposition temporaire étonnante : l’art de rue à Bamako, et plus particulièrement celui qui s’affiche sur les bus.

Titre de l’exposition : Merci maman.

En français dans le texte.

À Bamako, les bus, souvent d’anciens Mercedes des années 1980, vivent une seconde vie. Donnés à l’Afrique de l’Ouest plutôt qu’envoyés à la casse, ils circulent aujourd’hui dans les rues maliennes, transfigurés. Repeints, décorés, ils deviennent de véritables œuvres d’art brut roulantes. Le visiteur allemand, peut-être, y reconnaît une forme de familiarité détournée : un vieux minibus d’ici devenu objet d’art là-bas. Il y a sans doute un plaisir curieux à voir ces véhicules d’outre-Rhin revêtus de nouvelles couleurs, de nouveaux symboles, porteurs de récits africains.

Mais l’intérêt de l’exposition ne s’arrête pas à cette transformation esthétique. Les commissaires, et en particulier Jonathan Fischer, journaliste, musicien et commissaire germano-malien, ont choisi de mettre en avant l’art dans ces peintures populaires, sans condescendance, en affirmant leur valeur visuelle et expressive. Le projet ne se limite pas à l’esthétique : il propose aussi une lecture ethnographique de ces transports collectifs. Les vidéos tournées par des artistes maliens, les textes d’exposition, les entretiens, nous plongent dans la vie quotidienne bamakoise : les chauffeurs, les apprentis (ces jeunes garçons orphelins qui gèrent arrêts et clients), les parcours et les dynamiques sociales autour du transport.

Cette double lecture, artistique et anthropologique, résonne parfaitement avec la mission du musée, qui explore depuis des décennies les cultures du monde dans toute leur richesse matérielle et symbolique. On y découvre aussi l’histoire de figures majeures comme Drissa Konaté, l’un des artistes les plus en vue de cette scène urbaine. Son parcours, raconté dans un entretien avec Jonathan Fischer, donne une densité humaine et biographique à ces images de bus : derrière chaque motif peint, une histoire de vie.

Œuvre de Drissa Konaté, commissionnée par le Musée des cinq continents pour l’exposition « Merci Maman »

En somme, cette exposition est bien plus qu’une simple présentation de véhicules bariolés. C’est une méditation joyeuse et profonde sur la migration des objets, la puissance de l’image, et la manière dont l’art surgit dans les interstices du quotidien. Une traversée de continents et de disciplines entre Bamako et Munich, entre art et ethnologie.

Lac de Bavière. Ma première baignade allemande de 2025

Qui alimente le plus la haine des juifs en France ?

Caroline Yadan, députée de la 8ème circonscription des Français établis hors de France, interpelle Dominique de Villepin en lui posant la question suivante : Votre positionnement politique et vos jugements anti-israéliens, vos attaques contre Israël, ne sont-ils pas propices à alimenter la haine des juifs en France ?

Ici Caroline Yadan fait un amalgame entre Israël et les juifs. Tout un peuple, des gens qui ont une certaine confession, et les actions d’un État qui par définition est critiquable. Donc critiquer Israël revient à être antisémite. C’est précisément cet amalgame entre un régime et une religion qui est propice à créer des confusions intellectuelles. Car ceux qui aujourd’hui alimentent le plus une image négative, ce ne sont pas ceux qui critiquent mais ceux qui soutiennent les actions d’Israël. Des crimes de guerre à répétition, des massacres.

La députée Caroline Yadan participe, avec ses interventions, à l’opération mondiale de manipulation qui vise à intimider toute personne qui voudrait toucher à Israël. Mais cette stratégie qui vise à se faire craindre ne fonctionne plus et se retourne contre elle-même.

Lire aussi : L’amour des juifs plutôt que la crainte

La Précarité du sage, 2009

Voyons quelques analogies dans l’histoire. Qu’est-ce qui a donné la pire image des Allemands ? Les actions des Allemands pendant la deuxième guerre mondiale. Pourquoi la langue allemande est une langue aujourd’hui peu populaire ? Parce que dans le monde entier, les gens continuent d’associer, même inconsciemment, les Allemands à Hitler. Et aujourd’hui encore, pourquoi personne ne se revendique nazi ou fasciste ? Non pas parce qu’il y a eu des anti-allemands, des anti-fascistes et des anti-nazis qui disent des choses désagréables sur le fascisme ou sur le nazisme, mais parce que les nazis ont commis des crimes horribles.

Pourquoi l’anticommunisme est beaucoup plus fort que le communisme ? Non pas à cause des anticommunistes, mais parce que des gens qui se sont autoproclamés communistes ont commis des actes répréhensibles. Donc Staline a beaucoup plus fait pour alimenter l’anticommunisme que tous les anticommunistes réunis.

Pour continuer sur l’amalgame que l’on fait trop souvent entre l’idéologie de certains et tout un peuple, prenez par exemple la haine des musulmans qui est très nette en France aujourd’hui. La haine des musulmans n’est pas seulement due aux islamophobes d’extrême droite, mais elle est due en première instance à des assassins qui ont commis des attentats en criant Allahu Akbar en France. Ce faisant, ils donnent la sensation aux simples gens que l’islam égale violence, intolérance, attentats.

Il faut donc absolument, pour pouvoir clarifier les choses, empêcher l’amalgame entre une idéologie, un régime politique, et un peuple. En l’occurrence donc, dans le contexte actuel donc, il faut réussir dans le même temps à critiquer Israël sans nuance, tout en chantant l’amour des juifs dans certains aspects de leur production culturelle.

Caroline Yadan, malheureusement, n’appartient pas à ceux que l’on peut louer, car toute son action montre un soutien actif à une action génocidaire. Donc Caroline Yadan fait plus pour alimenter la haine des juifs que tous les militants pro-palestiniens.