Désérable : la roublardise sympa de l’écrivain beau gosse

Aymeric Caron dévoile la fraude de François-Henri Désérable en 2013

Dans une époque normale, un écrivain ne devrait pas se relever d’une telle déculottée à la télévision. Aymeric Caron montre que le jeune auteur François-Henri Désérable a commis pour son premier livre un texte à la limite du plagiat. On comprend sans ambiguïté que le jeune homme a été malhonnête intellectuellement.

On voit aussi comment il a réussi à s’en sortir dans le milieu littéraire. Il suffit de voir comment, Dieu me pardonne cette perfidie, les autres journalistes défendent Désérable : l’un est du beau sexe, l’autre est homosexuel, et les deux sont sous son charme.

On va me taxer de jalousie. Il y aurait de quoi. Le sage précaire n’est ni aussi beau, ni aussi jeune, ni aussi athlétique, ni aussi successful que l’invité du soir. Or non, je ne ressens pas de jalousie. J’ai lu son récit de voyage en Iran sans déplaisir en soulignant, à mon habitude, sa dimension ethnocentrique, ignorante et néo-orientaliste. Je n’en veux pas à Désérable de profiter de la candeur des cons pour se faire une place dans le milieu. Au contraire, j’ai employé cette méthode bien avant lui, cela fait partie de la roublardise que la sagesse précaire a toujours préconisée.

D’ailleurs, quand je l’entends parler de sa profession de hockeyeur professionnel sur le plateau de télévision, je lui trouve un faux air de sage précaire se vantant d’être ouvrier ramoneur.

Au fond, je l’aime bien ce Désérable. Il est moins bon écrivain que moi, mais il ne pouvait pas tout avoir non plus. J’aime qu’il ait réussi à s’imposer dans le milieu littéraire sans réel talent. Il fonctionne comme un révélateur de la médiocrité des éditeurs et des journalistes. Il sait charmer son monde. Je le prends dans mon équipe.

Un Français en Iran. Désérable nous rassure : nous sommes bien supérieurs aux Iraniens

Un récit de voyage en Iran, écrit par un jeune écrivain reconnu par la scène littéraire. Un voyageur d’aujourd’hui qui met ses pas dans ceux de Nicolas Bouvier : je ne pouvais pas passer à côté de l’événement.

Titre de livre, le titre

L’usure d’un monde. Publié en 2023 par Gallimard. On reconnaît l’écho de Bouvier et de son Usage du monde publié en 1963. Un hommage rendu en forme de soixantième anniversaire du classique de la littérature de voyage.

L’usure d’un monde. On sent qu’outre le jeu de mot avec le livre de Bouvier, ce livre va nous expliquer que le régime des Mollah (un monde) est usé jusqu’à la corde, qu’il est en train de craquer et que c’est un monde destiné à s’écrouler. Très original (je plaisante). Aussi original que la dédicace mise en exergue :

Aux Iraniennes

vent debout

cheveux au vent

Encore un Français obsédé par le voile et les cheveux des femmes musulmanes. À l’opposé de Nicolas Bouvier qui montre dans L’usage du monde une gourmandise et une attraction pour la culture musulmane d’Iran.

Titre de livre, le livre

F.-H. Désérable fait, donc, le contraire de ce que fit Nicolas Bouvier en 1963. Désérable passe un mois en Iran pour nous rassurer sur nos clichés dépréciateurs, nos attentes et nos certitudes. Il tient le rôle du voyageur qui, plutôt que de nous déstabiliser sur des façons d’être différentes, nous confirme que nous, les Occidentaux, sommes dans le vrai, le bien et la douceur. Désérable remplit son office en consolidant nos préjugés déjà formés par les médias ; les autres sont bel et bien comme on le pensait : bornés, tyranniques et misogynes.

Le dernier mot du livre dit tout : « liberté ». Le voyageur occidental sait ce qu’est la liberté. Le lecteur qui lit Désérable sait aussi ce qu’est la liberté, et surtout où elle vit. Chez nous et nulle part ailleurs.