
Après dix jours de présence sur le marché, Lettres du Brésil mérite un petit bilan.
Les lecteurs de La Précarité du sage ayant été mis à contribution pour le titre, le mode de publication et la couverture de cet ouvrage, il est normal qu’ils soient tenus au courant de la petite cuisine interne.
Par où commencer ? Les ventes ? Si vous voulez : il y a eu 21 ou 22 ventes en dix jours. Cinq le premier jour, sept le deuxième, puis cela varie les autres jours, entre zéro et trois.
On peut penser que c’est très peu, compte tenu d’un prix très attractif, et du fait que ma présence sur internet (blog et réseaux sociaux) me permet d’informer des centaines de personnes de la parution du livre.
On peut penser que c’est beaucoup, aussi. On peut penser ce qu’on veut, au fond, et le sage précaire se réjouit d’un tel état de fait.

Mais considérons dans un premier temps le verre à moitié vide. Je parlerai demain du verre à moitié plein (quel art du teasing, ma mère !).
Sous l’angle du relatif échec commercial, mon « récit de voyage balsamique » montre une moyenne de deux ventes par jour, ce qui est proche de zéro, mathématiquement. Pourtant, le livre ne partait pas de zéro, et l’annonce de sa parution ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd : les milliers de personnes qui fréquentent ce blog chaque semaine aiment la lecture, a priori, donc l’information selon laquelle le blogueur publie un livre est ici bien ciblée. Nous sommes dans le même secteur d’activité ; ce n’est pas comme si j’annonçais la création de stages de mécanique auto. De plus, les lecteurs de LPDS ne sont pas foncièrement contre la création multimédia (sinon ils ne suivraient pas de blogs), par conséquent l’idée d’un livre numérique ne devait rebuter qu’une portion marginale de cette communauté.
Le canal entre le blog et le livre semble être constitué d’une tuyauterie passablement bouché.
Ensuite, ce petit livre, qui met en scène un dialogue entre un père et un fils, peut aussi intéresser les membres de la famille élargie. Or, cette famille compte une bonne centaine de personnes puisque mon père et ma mère sont issus d’énormes fratries. Mais on ne dénombre que quatre ou cinq personnes curieuses d’en savoir davantage. Là encore, le canal entre la famille et le livre s’avère un tuyau percé.
Le livre est plus que jamais une denrée fragile. Le chemin qui mène jusqu’au clic de la vente est un chemin tortueux et délicat. Un chemin obscur. Ce n’est peut-être même pas un chemin.

Rappelons aussi que les Français ne sont pas encore très habitués à la liseuse électronique et au livre numérique. Quand je voyais les Chinois lire des livres sur leur téléphone, à Shanghai ou à Nankin, une réaction feutrée, en moi, s’offusquait, comme si j’étais toujours attaché au papier. Donc, oui, un livre qui se présente sur l’unique marché du numérique part avec un net désavantage.
Pour ce qui est du rejet d’Amazon, et du refus d’y acheter quoi que ce soit, je pense que c’est marginal. Je respecte ces scrupules, j’en avais moi-même avant de publier, mais je pense qu’il s’agit là surtout d’une posture morale et politique : ceux qui annoncent qu’ils boycottent Amazon, n’achèteraient pas le livre s’il était publié ailleurs.
Ce qu’il faut conclure, provisoirement, de la modestie des ventes, c’est que les livres se vendent peu, lentement et difficilement. Qu’il faut en prendre soin et se dire que chaque vente est une petite victoire. Si vous vous apprêtez à publier, permettez au sage précaire de vous donner un conseil : n’espérez pas obtenir un grand succès mais au contraire sachez être heureux d’entendre les éloges d’une seule personne. Quand vous en aurez dix, vous aurez la sensation d’être le roi du pétrole. Alors moi, avec mes vingt lecteurs, vous imaginez mon exultation.