Depuis les attaques du 7 octobre 2023, j’ai le sentiment très net d’un changement profond et radical dans la fabrique des idées en France. Une voix dit, à l’intérieur de moi : c’est fini.
Mais qu’est-ce qui est fini ?
Les espoirs de voir un État palestinien sont morts depuis longtemps, la paix était remplacée par le concept de sécurité pour les Israéliens, au prix d’un écrasement du peuple palestinien. Bien, c’était la victoire de l’extrême-droite, la solution raciste qui réussissait à s’imposer même aux pays arabes de la région. De ce fait, les Français pro-israéliens pouvaient imposer leur narratif en douceur.
C’est cette domination de l’idéologie pro-israélienne qui est en train de diminuer en France. Ils ne peuvent plus nous intimider en nous traitant d’antisémites. C’est fini. Ils essaient encore, les journalistes de télévision se déchaînent contre Jean-Luc Mélenchon qui refuse le narratif et le vocabulaire imposés par Israël, mais ça ne marche plus. La machine à intimider, à anathématiser, est maintenant grippée. Ce qu’ils ont réussi à faire avec Edgar Morin, Pascal Boniface, Jeremy Corbyn, Daniel Mermet, ou encore Siné, c’est-à-dire à leur pourir la vie, à les faire taire, à leur faire perdre leur emploi, ils n’y arrivent plus aujourd’hui.
Pendant une grosse vingtaine d’années, le discours israélien en France s’est imposé et a démontré sa puissance dans nos médias. Ce mouvement a commencé après les attentats du 11 septembre 2001, et a trouvé son terme le 7 octobre 2023. 22 ans de domination intellectuelle étouffante. Je ne donne pas de noms parce qu’ils sont innombrables : ceux qui travaillaient à la télévision devaient soit se taire sur la question israélienne, soit abonder dans le sens de la colonisation inique, soit disparaître des écrans. Prenez le cas de deux chroniqueurs de l’émission phare des années 2010, On n’est pas couchés : Aymeric Caron est gentiment (silencieusement) poussé vers la sortie pour avoir confronté BHL sur le sort des Palestiniens, entre autres faits d’armes qui lui sont encore reprochés aujourd’hui sur CNews. Yann Moix reste apprécié du fait de son soutien indéfectible à Israël. Ça se voyait, je le voyais, mais le dire nous faisait passer pour des antisémites.
Mais c’est fini tout ça. Ils ont trop tiré sur la corde, et de son côté, Israël a trop massacré, humilié et brutalisé. Soutenir la politique de ce pays, tout en diffamant ceux qui le critiquent, c’est maintenant être dans le camp de l’extrême-droite la plus décomplexée. C’est une nouvelle tragédie pour les juifs, ils n’avaient pas mérité ce fardeau. Leur plus grand ennemi, depuis 2001, ce ne sont pas les musulmans, pas les « islamo-gauchistes », mais bien les pro-Israël.
Le cas le plus célèbre de ces gens intimidés par ce groupe d’intérêt est le comedien Dieudonné, que je défendais dans ce blog il y a quinze ans. J’y voyais déjà une injustice et je me faisais insulter. Je n’y reviens pas, car les historiens vont s’y pencher abondamment. J’ai fait ma part du travail.
Observons ce qui va se passer avec les comédiens de France Inter qui se trouvent sur la sellette. Selon toute probabilité, ils devraient disparaître eux aussi, car un mouvement d’oppression intellectuelle ne meurt pas vite, et puis les soutiens d’Israël restent majoritaires dans nos médias, privés comme étatiques, donc il va y avoir de nouveaux soubresauts. Mais il va être passionnant d’observer comment la transition va se jouer et à quoi elle va mener.