Si j’étais chef de la France, je définirais le ou les domaines prioritaires, et, au moins pour qu’il ne soit pas dit que je suis resté immobile, je mettrais le paquet.
Or, il y a en France un domaine essentiel qui se meurt. Un domaine dont tous les économistes, de droite comme de gauche, s’accordent à dire qu’il est essentiel pour l’avenir, et qu’il faut massivement soutenir. Tout le monde le sait, c’est le domaine communément appelé : « Recherche et développement ».
Si j’étais chef de la France, et que je m’autorisais à endetter le pays de, je ne sais pas, prenons un chiffre au hasard, quinze milliards d’euros par an. Si je me permettais d’alourdir la dette de quinze milliards, je les investirais là, ce qui donnerait à la recherche une place centrale dans l’imaginaire et le budget du pays. Rechercher, inventer, créer, ces mots redeviendraient à la mode. Il n’y aurait pas de meilleur signe pour encourager les gens à embrasser l’avenir.
On me ferait des reproches, on organiserait peut-être des manifestations contre moi. Je prendrais alors des airs de Sphinx ignoré, assoupi dans le fond d’un Sahara brumeux. Je ferais des déclarations sibyllines, mais on verrait les résultats, au final, longtemps après mon quinquennat.
Sarkozy a préféré donner quinze milliards d’euros, chaque année, à cette nouvelle aristocratie qui compose actuellement sa cour. Il est responsable devant l’histoire de cette décision. Pour moi, c’est une faute grave.
Je crois qu’il faut avoir eu à diriger une équipe au moins une fois dans sa vie pour comprendre la problématique du chef et de l’entrepreneur.
L’enfant pense que le chef est un puissant né avec une cuillère en argent dans la bouche, qui aime dominer, humilier, exploiter, être injuste, et qui accomplit ainsi sa destinée intime de rapace sanguinaire.
Et puis, quand on se retrouve à devoir faire travailler un groupe de salariés, toute cette vision du monde enfantine s’écroule. On réalise à quel point il est lourd de porter seul la responsabilité d’un travail collectif, lourd d’assurer des salaires, lourd d’atteindre des objectifs, on réalise aussi à quel point les salariés sont peu responsabilisés vis-à-vis de la chose commune, passifs et exigeants, peu reconnaissants, et souvent affreusement paresseux. On découvre les insomnies et tout un tas de choses qui modifient considérablement l’idée confortable qu’on se faisait jusque là du « chef ».
Le « chef », lui, sait qu’il doit vivre avec l’hostilité structurelle de ses subordonnés. Il sait qu’on ne lui fera aucun cadeau même si on lui demande souvent d’en faire. Il sait qu’il doit dire « merci » et « c’est bien » très souvent pour motiver ses troupes, mais qu’on ne lui dira jamais « merci » et « c’est bien ».
Il est comme un entraîneur de foot : quand l’équipe gagne c’est grâce aux joueurs, et quand elle perd c’est de sa faute.
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Il y a une autre catégorie victime des visions enfantines, c’est le responsable du budget. La France traîne sa dette comme un boulet. La génération des baby boomer, qui se faisait rembourser par la sécu jusqu’à ses crèmes solaires, a plombé les comptes pour trois générations. Il est plus qu’urgent de réduire ce poids qui nous asphyxie. Et pourtant, tout le monde s’en foue. On dit : augmentez le budget de la recherche, maintenez les petits tribunaux ouverts, même s’ils sont vides et coûtent une fortune. On dit : n’augmentez pas la durée de cotisation retraite, même si on vit de plus en plus vieux et qu’avoir 60 ans aujourd’hui n’a plus rien à voir avec avoir 60 ans hier. On dit : ne demandez surtout pas aux entreprises de mettre de l’argent dans l’université, car l’entreprise c’est le diable, le grand capital. On dit surtout pas de traité européen, car c’est le triomphe du libéralisme, et tant pis si l’Europe est incapable de prendre une décision à cause de ses statuts dépassés.
La gauche française vit sur des catégories mentales qui datent de la préhistoire et elle est en train de devenir franchement ridicule.
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Tout cela est bien vrai, Mart. Le chef a des soucis, et c’est pourquoi il bénéficie de tant d’avantages. Ca équilibre. Maintenant, le chef de l’Etat doit répondre de ses actes devant le peuple souverain. En tant que membre indéniable du peuple souverain, je me permets de juger sévèrement ce chef que j’avons mis en place ici pour me servir. Je lui dirons « c’est bien » quand je jugerons que ce sera bien.
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Je n’en doute pas, et j’avoue que je réagissais plus à des commentaires du billet précédant qu’à vos billets eux-mêmes (si je lis vottre blog, c’est d’abord parce qu’il m’intéresse et me stimule), même si je sens chez vous un parti pris anti Sarko que je trouve un peu rapide. Il me semble qu’on peut le laisser travailler encore un peu avant de l’enterrer. Il est plein de défauts, il a un côté « enfant unique qui veut être partout » qui le rend parfois très agaçant (comme lors de son voyage absurde au Tchad), mais il a aussi quelques qualités véritables, et son activisme qui en agace beaucoup me plaît assez, après le long tunnel d’immobilisme chiraquien et mitterrandien.
Pour ma part (je le dis pour clarifier l’esprit de mes propos), je suis un « homme de gauche » qui s’efforce de savoir ce qui reste actuel dans son vieil idéal de gauche. En vieillissant, on devient moins égalitariste et moins tolérant avec la faiblesse, parce qu’on finit par comprendre que le mal vient souvent de la faiblesse. Et l’on finit par comprendre d’où l’esprit de droite tire sa légitimité. Ce qui ne veut dire pour autant qu’on devient de droite.
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Je ne crois pas avoir de parti pris anti Sarkozy. C’est vrai que je ne l’aime pas, mais c’est basé sur des observations concrètes, des choses qu’il a dites, qu’il a faites, des attitudes, des gestes. C’est un homme inefficace, il l’a été à l’Intérieur, où il n’ a pas apaisé le climat de violence, au contraire, il l’a attisé. Il n’est pas un rassembleur, au contraire, il cherche à diviser et à opposer les Français, etc. Il a été insultant pendant la campagne, méprisant, pour certaines catégories, chose qui me paraît incompatible avec la fonction de chef de l’Etat.
Il fait sans doute des choses bien, je n’en disconviens pas, comme le rapprochement avec les Etats-Unis, qui est bon dans le principe, mais on jugera plus tard de ce que cela apportera à la diplomatie. Pour l’instant, ça peut aller dans le bon sens, comme vers la catastrophe, on jugera sur pièce.
Je ne suis pas impressionné par son « activisme » car je reste pragmatique et j’attends les vraies décisions, les orientations concrètement prises. Pour l’instant, il s’est surtout illustré dans le creusement insensé de la dette. Le laisser travailler, d’accord, de fait on n’a pas le choix, mais sans indulgence particulière. Et surtout, j’attends de mes compatriotes industriels, businessmen et financiers un état des lieux dénué d’idéologie dans 6 mois : croissance, dette, emploi, sécurité, tout cela doit aller dans la bonne direction, ou alors c’est que notre président est inefficace.
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Quand on a un parti pris, il est assez rare qu’on s’en rende compte.
De même, quand on se trompe, il est rare qu’on le sache.
Et la plupart des mauvaises décisions sont prises alors qu’on pensait qu’elles étaient bonnes.
Vous dites : j’attends ses « vrais décisions » et ses « résultats concrets » pour le juger, mais on voit que vous l’avez déjà jugé.
Il en va des hommes politiques comme des films ou des livres : même s’ils sont bons, on les trouve mauvais si on l’aborde avec trop d’antipathie.
Et inversement : quand on aime, même les défauts semblent des qualités.
Vous me direz : Mais alors, on ne peut pas parler ! Et j’avouerai que je ne suis pas loin de le penser.
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Etre de parti pris, c’est préjuger n’est-ce pas ? Si c’est le cas, alors je ne suis pas de parti pris car j’ai jugé après abservation, et je peux très bien revenir sur mon jugement si Sarkozy obtient de bons résultats. Pour l’instant, je crois que c’est très mauvais, et que les 15 milliards n’apporteront rien de positif, mais je me trompe peut-être. La honte que je ressens quand je pense à la vulgarité et à l’obscénité du président se transformera peut-être en admiration s’il parvient à faire mieux que Berlusconi en Italie.
Je n’avais pas d’antipathie pour Sarkozy avant la campagne. Je n’observais pas la fin du règne de Chirac avec beaucoup d’attention, il est vrai. Mais quand j’en parlais avec des amis, je ne comprenais pas les reproches qu’on lui faisait, les mots de « fasciste » et d' »ultra libéral » me paraissaient très bêtes et jamais définis clairement. Je ne le crois ni fasciste ni ultralibéral (pourquoi ajouter « ultra » d’ailleurs, je n’ai jamais compris), parce que je ne le crois pas grand chose, en réalité, idéologiquement, il est d’une insignifiance abyssale. Bon, il voulait le pouvoir et il a su le conquérir, car on peut lui reconnaître que personne ne l’a aidé à cela. Et par dessus tout, certainement pas son bilan personnel.
Mais je jugerai de ses actes à l’aune des résultats, je le répète. Tous les jugements que je porte sont révisables. Bien entendu, j’ai déjà une opinion sur le bonhomme, pourquoi pas ? Une campagne électorale a eu lieu exprès pour cela. Mais si, dans quatre ans et demie, le chômage est passé sous la barre des 5%, que la dette est largement diminuée, que le pouvoir d’achat des Français est augmenté, que la paix règne dans la société, je reconnaîtrai que c’était un bon président, même s’il profite d’une embellie internationale. Sinon, il faudra se résoudre à juger sévèrement. De mon côté, je m’exerce tranquillement.
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Et bien je trouve admirable de se savoir sans parti pris avec autant de certitude.
« La honte que je ressens quand je pense à la vulgarité et à l’obscénité du président se transformera peut-être en admiration s’il parvient à faire mieux que Berlusconi en Italie. »
Les mots « honte » et « admiration » ne manquent-ils pas un peu de mesure ?
Tout ça est tellement excessif que je ne sais pas par quel bout répondre.
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C’est vrai que c’est excessif, mais je ne vois pas de modération chez Sarkozy, c’est pourquoi ce qu’il inspire est excessif, comme l’étaient les mots fascistes et ultralibéral. Chez les Sarkozystes aussi, on trouve un même manque de mesure jusqu’à présent. A les écouter, le président fait un sans-faute. ils acceptent tout de lui, même un creusement de la dette tout à fait irraisonnable.
Alors, oui, s’il parvient à avoir de bons résultats avec cette attitude générale, je ne pourrai qu’admirer, je crois, comme un footballeur aux pieds carrés qui arriverait quand même à marquer des buts.
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J’ai suivi votre échange sans intervenir jusqu’à là…
Beaucoup d’argument ayant été développés, je n’en rajouterai pas…
Simplement, je dois bien avouer que question parti pris, mart détient quand même la palme, et que je suis bien plus séduite par les arguments raisonnés exposés par guillaume.
Voilà, c’était juste pour dire que (et sans doute me faire insulter dans la foulée…)
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Sale c… !
Ceci dit (j’espère que vous êtes satisfaite), vu que je n’ai émis aucune opinion politique, je ne vois pas très bien où peut se loger mon fameux « parti pris ».
Ca vous surprendra peut-être, mais je ne suis pas sarkozysiste.
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C’est gentil pour les insultes, ça faisait très longtemps que je n’en avais pas entendu, ayant quitté l’école (et les cours de récré ) depuis trop longtemps.
C’est rafraichissant !
Je n’ai jamais dit que vous étiez sarkozyste ou quoi que ce soit d’autre d’ailleurs…
Ai-je émis le moindre avis sur vos préférence électorales?
Je ne crois pas!
Juste précisé que vous sembliez effectivement de parti pris, et assez buté pour ne pas écouter les arguments de votre interlocuteur et y répondre en fonction de ceux-ci.
Mais maintenant qu’en plus j’ai droit à des insultes injustifiées, je comprends mieux votre façon de fonctionner : à défaut d’arguments, vous vous en contentez.
C’est une autre façon d’avoir « raison »…
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Pardon ninog, je ne dis pas ça pour vous offenser, mais parfois essayer de communiquer avec des gens est affreusement déprimant.
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Excuses acceptées.
et oui, le fait de ne pas réussir à faire passer ses opinions est souvent énervant, ne serait-ce que parce que chacun est persuadé d’avoir raison !
Mais c’est aussi le plaisir des discussions et de la communication…
si on ne parlait qu’avec des gens qui pensent la même chose que nous, toujours, on se fermerait beaucoup de mondes !
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C’est une question intéressante dont la réponse ne me semble pas évidente :
Vaut-il mieux vivre dans un monde où personne n’a la même opinion que soi, ou dans un monde où tout le monde pense comme soi ?
Ninog penche pour le première – synonyme de grande solitude et de désespérante incommunicabilité.
Et moi je crois que je penche pour la seconde.
D’ailleurs, les gens s’assemblent plus par goûts et opinions convergentes que par divergences de vue.
Mais l’idéal, bien sûr – comme presque toujours – c’est le monde réel, où il n’y a pas à choisir. Comme disait Chesterton, la vraie utopie, c’est la réalité.
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